Budget 2011 à l’Assemblée nationale : intervention d’Huguette Bello

L’Outre-mer ne sera jamais une priorité de la majorité

6 novembre 2010

Mercredi soir, Huguette Bello est intervenue à l’Assemblée nationale lors de la discussion sur le Budget 2011 pour l’Outre-mer. La députée de La Réunion constate que les coupes imposées par le gouvernement vont aggraver la situation dans le logement, et entraîner une poursuite de la hausse du chômage. Voici de larges extraits de son discours.

Le budget de l’Outre-mer pour 2011 diminue. Et il diminue fortement. Moins 46 millions d’euros par rapport à l’année dernière. (…) Mais au nom de quoi la diminution de notre budget doit-elle être deux fois plus importante ?
Le document de politique transversale, qui récapitule l’ensemble des sommes que l’Etat consacre aux Outre-mers, ne vient pas à votre secours. Sa lecture nous révèle cette fois une diminution de près d’un milliard d’euros. (…)
Les répercussions sur chacune des missions sont prévisibles, hélas ! Celle qui affecte le logement mérite un examen particulièrement attentif non seulement, comme nous le savons tous, parce que l’ampleur des besoins est gigantesque dans ce domaine, mais aussi à cause des modifications substantielles introduites dans son financement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : à ce jour, 22.500 familles réunionnaises ont déposé une demande de logement. En 2009, seuls 6.200 logements ont été construits pour l’ensemble de l’Outre-mer. Si l’on veut réellement en finir avec ce décalage dramatique, il est urgent d’augmenter la Ligne budgétaire unique et, pour commencer, d’honorer la promesse de la rallonge de 20 millions d’euros attendue par les bailleurs sociaux de La Réunion.
De même, il devient primordial de rectifier le tir tout de suite quant à la mise en œuvre de la défiscalisation appliquée au logement social, dispositif, rappelons-le, pensé et voulu par le gouvernement. Faire dépendre le logement social des arbitrages des investisseurs privés n’a jamais été notre choix. Remarquons d’ailleurs une nouvelle fois que les familles d’Outre-mer sont les seules à subir un tel régime. Nulle part ailleurs dans la République, le logement social n’est financé par la défiscalisation. Nulle part ailleurs on ne répudie aussi brutalement le modèle que le monde entier envie à la France, le financement du logement social, depuis des décennies, par l’épargne populaire du Livret A.
L’arrivée de la défiscalisation était censée relancer une production de logements sociaux devenue insuffisante. Et voici qu’après quelques mois seulement d’application, les bailleurs sociaux tirent la sonnette d’alarme. Alors qu’ils ont rarement présenté autant de projets pour la construction de nouveaux logements (5.100 pour la seule Réunion), les réalisations n’ont jamais été aussi peu nombreuses. L’explication de ce paradoxe de la défiscalisation est principalement à rechercher du côté de l’instruction des dossiers par les services fiscaux. (…) C’est ainsi que, pour La Réunion, 3.800 dossiers bloqués depuis plusieurs mois attendent l’agrément de défiscalisation et que, par conséquent, 3.800 familles devront attendre un peu — ou beaucoup — plus longtemps d’entrer dans leur logement. (…)

Conséquences sur l’emploi

Cette désorganisation dans le grand chantier que devrait constituer le logement social n’est pas sans impact sur l’emploi, particulièrement dans le secteur du BTP. Cela d’autant moins que les constructions dans le secteur libre se sont effondrées. À La Réunion, nous sommes passés de 8.000 nouveaux logements à environ 800. Dans nos économies fragiles, la crise a des effets dévastateurs auxquels seule une véritable volonté politique peut tenter de remédier. Tel n’est pas le cas.
Le chômage, du coup, atteint des sommets. Il augmente six fois plus vite qu’en France continentale. Selon les derniers chiffres de Pôle Emploi, La Réunion compte plus de 140.000 demandeurs d’emploi, parmi lesquels un nombre grandissant de personnes en fin de droits.
Mais, si nous nous référons aux décisions du gouvernement en matière d’emploi, nous voyons qu’il lui importe peu que notre taux de chômage (27%) soit trois fois plus important et qu’il soit, et de loin, le plus élevé d’Europe. Les contrats aidés pour l’Outre-mer subiront eux aussi une coupe sévère. Avec une aveuglante assurance, le gouvernement a diminué leur financement de plus de 40 millions d’euros. (…)
De surcroît, comme si cela ne suffisait pas, le gouvernement a décidé de revoir à la baisse la part du salaire prise en charge par l’État. Ainsi nos collectivités, déjà confrontées à des défis de toutes sortes et au gel strict des dotations de l’État, devront faire face à de nouvelles charges. (…)
L’épisode que nous venons de vivre avec le photovoltaïque est très révélateur. Le gouvernement a sciemment coupé les ailes d’un secteur riche de promesses et d’emplois où l’Outre-mer se trouve en pointe. Curieux. Il n’en finit pas de prôner la création d’activités et d’emplois marchands. Et quand nous le faisons, par exemple avec les énergies renouvelables, il saborde ! On nous applique la politique de la double contrainte. Nous savons à quelles impasses elle mène et nous la condamnons.
Troisième point que je souhaite aborder : le désenclavement de nos territoires. À défaut de progresser réellement, il est devenu un grand classique des discours et des textes législatifs. Qu’il s’agisse des hommes ou des marchandises, les mesures de la LODEOM s’y rapportant ne sont toujours pas entrées en vigueur. (…)
Un mot encore sur l’égalité numérique : elle ne sera réalisée que lorsque les offres Internet à haut débit seront moins onéreuses et de meilleure qualité.
Ce budget est bien décevant. Il y a fort à parier que l’année des Outre-mers, au demeurant préparée dans le plus grand secret, n’y changera pas grand-chose. Nous nous doutions depuis longtemps que les Outre-mers n’étaient pas une priorité de votre majorité. Nous avons à présent la certitude qu’ils ne le seront jamais. Je vous remercie. »

Huguette Bello

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Messages

  • Merci Mme Huguette Bello, mais où sont passés les autres députés pour défendre La Réunion ?

    Je suis sûr que si La Corse était considéré comme un D.O.M. puisque malgré tout une île entouré d’eau de mer en Méditerranée, la considération de tous les autres D.O.M. aurait été différente, ne serait-ce que pour la continuité territoriale.

    Peut-être qu’il nous faudrait alors déjà penser que l’Europe nous considère seulement comme des RUPESTRES.

    A moins qu’être réunionnais, français d’origine domienne ou européen de situation rupestre veut tout simplement dire ou faire dire : Circulez y a rien à ......


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