Budget de l’Outre-mer : intervention d’Huguette Bello

L’Outre-mer, ’source constante d’économies’ pour le gouvernement

18 novembre 2005

Hier, dans le cadre du débat sur le budget de l’Outre-mer, la députée PCR est intervenue à la tribune de l’Assemblée nationale. Huguette Bello a notamment relevé les insuffisances de ce budget et décrit les prochains rendez-vous importants qui attendent les Réunionnais. Nous reproduisons ci-après le texte de l’intervention de la parlementaire réunionnaise. Les intertitres sont de “Témoignages”.

Nous savions que l’Outre-mer n’était plus une priorité. Nous sommes assurés qu’il est désormais une source constante d’économies. Dernier épisode en date, l’offensive contre la défiscalisation et les exonérations de charges sociales, soutenue au mépris de la loi qui prévoit pourtant une évaluation de ce dispositif en 2006. Cette version actualisée d’une gestion comptable de l’Outre-mer explique en grande partie les réductions successives de son budget après 2002, et les incertitudes qui accompagnent sa mise en œuvre.
Certes, grâce à une croissance soutenue, la création d’emplois dans le secteur marchand a été élevée à La Réunion. Elle est toutefois demeurée insuffisante pour influer sensiblement sur le taux de chômage, d’autant que, dans l’économie solidaire, le nombre de contrats aidés a constamment diminué depuis 2002, en dépit des effets d’annonce. Les crédits prévus dans ce budget laissent présager que la tendance ne sera pas inversée en 2006. Aussi, il me faut répéter, une fois de plus, que le chômage chronique de La Réunion, qui touche toujours près d’un actif sur trois, et plus d’un jeune sur deux, exige d’intervenir simultanément sur les deux volets, marchand et solidaire, de l’emploi. Telle est la condition sine qua non pour agir de manière significative et durable sur l’emploi.

Quel avenir pour les CES-CEC ?

Pouvez-vous me dire, à cet égard, Monsieur le ministre, si des aménagements sont prévus pour que les Contrats d’avenir, dont seulement quelques centaines ont été signées, deviennent plus attractifs aux yeux des collectivités et des associations, comme à ceux des bénéficiaires ? J’aimerais savoir, de même, quelles sont les prévisions chiffrées pour ce qui concerne les nouveaux Contrats d’accompagnement dans l’emploi (les CAE non marchand) qui doivent remplacer les CES et les CEC.
L’expérience que nous avons accumulée depuis plusieurs décennies montre clairement que les solutions pour l’emploi - marchand et solidaire - déploient leur plus grande efficacité lorsqu’elles ont été élaborées de façon spécifique, tel le SMA, ou adaptées à notre contexte, tels les Emplois-jeunes, et non pas quand elles font l’objet d’une application mécanique, comme dans le cas du CIVIS ou du RMA.

Situation dramatique du logement

Le deuxième programme de la mission Outre-mer concerne principalement le logement. De difficile, la situation est devenue catastrophique, au point que d’aucuns peuvent affirmer que le logement social constitue le premier problème de La Réunion. La situation a été décrite et analysée avec précision. Les besoins présents et futurs sont chiffrés. Les points de blocage sont identifiés. Une Charte de l’habitat a été adoptée par tous les acteurs concernés. Mais 25.000 demandeurs de logements sociaux constatent, jour après jour, que la situation s’est encore dégradée depuis le dernier budget. Le désengagement financier de l’État a entraîné une chute importante du nombre de logements sociaux construits.
C’est à juste titre, Monsieur le ministre, que vous avez déclaré que "la crédibilité de l’État passe par le respect de la parole donnée, et qu’à ce titre, l’État doit solder ses comptes". Vous conviendrez également que le secteur du logement ne peut plus supporter de nouvelles diminutions budgétaires ni des variations en cours d’exercice. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons notamment une programmation pluriannuelle des crédits en faveur du logement, comme cela a été fait dans le cadre de la loi de cohésion sociale. Les montants ainsi programmés devront mieux tenir compte et des retards à combler et des demandes liées à l’évolution démographique.

Conséquences sur l’éducation

Les insuffisances de l’emploi et du logement, auxquelles il faudrait ajouter la baisse continue du pouvoir d’achat que subissent surtout les plus modestes, n’est pas sans nombreuses conséquences, notamment sur le secteur éducatif. Si ce domaine connaît de grands progrès quantitatifs et qualitatifs, on ne peut toutefois passer sous silence les difficultés qui y subsistent, comme, par exemple, l’illettrisme persistant des jeunes, les trop nombreuses sorties du secteur éducatif sans qualification. Nous sommes particulièrement sensibles à tout ce qui peut améliorer le système éducatif et aussi, bien sûr, à tout ce qui peut lui nuire. C’est pourquoi nous tenons à rappeler que le transfert des TOS sans rattrapage préalable a été refusé par tous et nous attirons l’attention du Gouvernement sur l’impasse où sont enfermés les non titulaires pour qui la loi n’a rien prévu.

Expertiser les richesses de la filière canne

Dans ce contexte de morosité, La Réunion doit encore affronter d’importantes échéances internationales. D’abord, la réforme de l’OCM-Sucre, qui entraînera notamment une diminution significative du prix du sucre. Nous comptons sur le Gouvernement français pour une compensation intégrale des pertes, quelle que soit la baisse du prix du sucre ; c’est seulement cette compensation intégrale qui pourra freiner l’abandon de la culture de la canne par un nombre important de petits et moyens planteurs. Dans le même esprit, toujours pour limiter les conséquences sociales de l’OCM-Sucre, nous réitérons notre demande d’une expertise destinée à chiffrer la valeur et la répartition de toutes les richesses produites à partir de la canne.
Cette démarche ne pourra que faciliter les décisions qui devront être prises à Bruxelles, à Paris ou à La Réunion, notamment lors de la renégociation, en 2006, de la convention entre l’État, les industriels et les planteurs.
Elle devrait permettre aussi d’imaginer, avec plus de sérénité, de nouvelles pistes de diversification, comme la production de biocarburants.
Cette démarche est aussi la solution pour favoriser le maintien, à long terme, de la culture de la canne qui a façonné les paysages, la société et l’imaginaire réunionnais.
Mais les cultures traditionnelles ne sont pas les seules à devoir affronter la mondialisation qui n’épargne ni les périphéries des villes ni celles des continents. Le sommet de l’OMC, en décembre prochain, à Hong Kong, risque également de déboucher sur la libéralisation des services : c’est là le premier secteur d’activité et d’emploi de La Réunion.
L’examen de ce budget coïncide hélas ! avec des événements graves. Ces troubles nous mettent, souvent dans la violence, en face de la désespérance de toute une partie de la jeunesse. Puisse cette pénible expérience nous apprendre quel prix les intéressés, et la société tout entière, ont à payer pour solder l’imprévoyance ou l’aveuglement. Puisse-t-elle jeter une lumière crue sur nos responsabilités à l’instant du vote de ce budget.


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