Après le vote à l’assemblée

L’U.M.P. s’éclate

16 avril 2004

Le vote de mercredi soir, à l’assemblée nationale est intéressant. D’un côté, Bertho Audifax et André Thien Ah Koon ont voté le projet, et de l’autre, René-Paul Victoria a préféré s’abstenir. Et ce n’est pas une “spécificité” réunionnaise, puisqu’on assiste aux mêmes clivages au niveau métropolitain. L’UMP s’éclate...

Le vote en première lecture du projet de loi sur le transfert des compétences de l’État aux collectivités locales, mercredi soir à l’Assemblée nationale, est la preuve qu’une partie des députés de l’UMP “i larg lo kor”. En effet, ces députés ont purement et simplement refusé d’approuver le texte gouvernemental sur le transfert de nouvelles compétences aux collectivités locales.
Certains, avant même le début des explications de vote, avaient prévenu : on s’abstiendra. C’était notamment le cas de René-Paul Victoria. Il n’avait pas fait le déplacement à Paris, et avait donné procuration à l’un de ses collègues.
Avec 21 autres députés, il est allé jusqu’au bout de sa logique.
Ce ne fut pas le cas de 21 autres députés UMP, qui eux aussi, avaient menacé de s’abstenir, mais qui ont choisi la version “courage fuyons”, en préférant aller vaquer à d’autres occupations au moment du vote...

Variations sur explications

Enfin, troisième cas de figure : ceux qui ont voté le texte. Sans état d’âme ou avec des explications tellement alambiquées qu’elles deviennent risibles et ridicules. Ce fut le cas par exemple d’André Thien Ah Koon.
Dans un communiqué, il expliquait : "S’agissant du transfert des TOS, j’affirme que cette disposition n’est pas prioritaire et conformément à la position du Conseil Général de La Réunion, je voterai contre cette mesure en deuxième lettre, c’est-à-dire après examen et débat devant le Sénat".
Pourquoi dans quelques mois ? Pourquoi pas mercredi ? Veut-il calquer sa position sur celle de Jean-Paul Virapoullé ? A-t-il peur ? De qui ? De quoi ?
Voulait-il “flatter” le Premier ministre qui, devant les députés, a promis que ce texte allait être "enrichi", voire "éventuellement amélioré"... ?
À moins que cela ne soit une improvisation extrêmement libre de l’explication donnée par le député de la Drôme, Hervé Mariton, qui a voté le texte tout en s’interrogeant : "Quel est notre intérêt de donner trop de pouvoirs à nos ennemis politiques ?". Au passage, on note le mot “ennemis”. En clair, voter un texte donnant des pouvoirs à des élus qui n’ont pas la même position politique que vous, c’est politiquement suicidaire...
Quant à Bertho Audifax, le "député qui travaille en silence", comme on l’a surnommé, il avait été très timoré dans ses prises de position à l’issue du second tour. Style “service minimum”. Il fallait bien dire quelque chose puisqu’il était interrogé... Son vote de mercredi confirme une chose : il est UMP avant d’être Réunionnais. Obéissant à son parti plutôt que défendant les intérêts de la population qui l’a élu.

Et maintenant ?

Cette "œuvre de longue haleine" - pour reprendre l’expression du Premier ministre - vient de tourner une page, mais pas un chapitre.
Le nouveau “pilote” de l’opération, Dominique de Villepin, successeur de Patrick Devedjian, cherchant sa place sur le sujet, a lui aussi évoqué les "améliorations nécessaires" à apporter à ce texte.
Mais manifestement, il était “gêné aux entournures”. Ce qui se comprend. Il y a eu un grand mouvement pour dire que le texte de loi n’était pas celui attendu par les présidents des collectivités locales, de l’aveu même de ses concepteurs.
Alors Jean-Pierre Raffarin - reconnaissant lui-même qu’il fallait que ce texte soit "enrichi" et "amélioré"  -, a-t-il fait le forcing pour que les députés votent le texte dans l’urgence ? Et ce après avoir évoqué l’idée, dans un premier temps, d’un report “sine die”, puis, dans un deuxième temps, avoir promis aux présidents des exécutifs de les recevoir justement pour en parler ?
Concrètement, il y aura donc une “deuxième lecture”. Ce qui était tout à fait obligatoire, puisque les députés avaient notamment supprimé un article introduit dans le texte gouvernemental par les sénateurs.
Cette suppression concernait le transfert des personnels médicaux, et on la doit à Huguette Bello, qui a défendu l’amendement qu’avait cosigné Christophe Payet.
Mais cette “deuxième lecture” va se faire après l’étude et le vote sur
le projet de loi organique sur l’autonomie financière des collectivités locales.

Test pour J.P.V.

Ce sera un premier test pour savoir ce que fera Jean-Paul Virapoullé. Son attitude au moment de la discussion de ce projet de loi-là sera révélatrice de sa position : reniera-t-il son engagement de “défendre les intérêts de la population réunionnaise” ?
Quand ce texte sera-t-il étudié ? Le programme de travail de l’Assemblée nationale, élaboré lors de la conférence des Présidents le mardi 13 avril 2004 ne donne aucune date. Mais les commissions ont déjà commencé à travailler sur le dossier.
Au sénat, l’étude était initialement prévue pour la 1ère quinzaine de mai. Mais tout cela sera repoussé. À quand ?

Dominique Besson


Ce que dit le projet de loi voté mercredi

Le texte adopté mercredi en première lecture par les députés transfère principalement aux Régions l’aide aux entreprises et la formation professionnelle ; aux Départements, l’action sociale et la gestion d’une grande partie du réseau de routes nationales (15.000 à 20.000 km). Il confie aussi aux Départements et Régions la gestion des quelque 95.000 techniciens, ouvriers et personnels de service (TOS) des collèges et lycées.
Ces transferts, évalués à 2,5 milliards d’euros pour les Régions et à près de 8 milliards pour les Départements, doivent être financés pour l’essentiel par une partie du produit de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) et de la taxe sur les conventions d’assurance.


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