Conférence de presse du président de Région

L’Union ou le désastre...

20 septembre 2008

Le facteur d’aggravation que constitue pour l’économie mondiale la crise financière venue des Etats-Unis, est-il réellement perçu dans toute son ampleur ici ? Le président de Région a rappelé, dans une conférence de presse donnée hier, plusieurs éléments de nature à faire naître « une extrême inquiétude pour les 5 à 6 ans à venir ». Ils appellent, selon lui, une prise de conscience collective de la nécessité de s’unir pour faire front. « Il faut une réponse », a dit le président de Région. Plus elle sera unitaire et cohérente, plus elle aura de force auprès de Paris et Bruxelles.

« Le pire, dans le désastre, c’est de ne pas le voir venir ». Par cet avertissement, Paul Vergès a voulu hier « donner l’alerte ».
Depuis la rencontre qu’il a eue avec le Secrétaire d’Etat pour l’Outre-mer, Yves Jégo, la conjoncture internationale a mis en avant des événements très préoccupants, d’une gravité largement commentée dans la presse par les spécialistes financiers, plutôt pessimistes quant aux conséquences de la détérioration actuelle sur l’économie mondiale.
Ces événements récents, survenant dans une économie “globalisée”, vont avoir des répercussions sur l’économie de la France et, par contrecoup, sur la nôtre - qui est déjà très fragile et très vite déstabilisée, comme on l’a vu depuis peu, à la suite de décisions qui, elles, ne doivent rien à la conjoncture mondiale.

Inquiétude et confusion

A partir d’éléments et de “rendez-vous” qui font partie du calendrier politique et économique de notre île, le président de Région a exprimé une « extrême inquiétude (...) sur les 5 ou 6 années à venir ».
Dans l’opinion, certains signes d’inquiétude données ici ou là montrent bien que les difficultés sont grandissantes, mais celles-ci sont perçues dans trop de « confusion », alors que le danger est présent à nos portes.
C’est pourquoi la rencontre avec la presse avait d’abord pour objet de remettre en perspective ces « éléments d’extrême inquiétude », à partir d’une analyse de la situation réunionnaise, inscrite dans une évolution générale qui présente « des courants profonds, permanents, planétaires... et durables ».
Les données démographiques, par exemple, sont connues (voir plus loin), mais ses incidences sur la société et l’économie réunionnaises, sur les évolutions de la population active, sont-elles réellement intégrées à tous les niveaux de décision ? Même chose pour les changements climatiques, ou encore la pression que les facteurs de mondialisation exercent sur la politique française en direction des collectivités d’Outre-mer (voir les encadrés respectifs).

Sortir du corporatisme

Les manifestations de crise perceptibles ici ou là sont « les illustrations de ces processus en cours ». Il faut donc en comprendre plus précisément la nature et les évolutions, et surtout s’unir pour faire front.
L’inquiétude du président de Région est que les acteurs économiques - pourtant les plus alertés car ils sont aux avant-postes - et les politiques de l’île restent sur des revendications “corporatistes” isolées, embourbées dans les habitudes de “course aux subventions” quand, autour de nous, les évolutions en cours sont en train de remettre en cause silencieusement les bases économiques de la société réunionnaise et la cohésion de l’édifice social. « Il y a devant nous des rendez-vous considérables pour lesquels il nous faut avoir une réponse », plaide Paul Vergès en s’adressant à l’ensemble de la collectivité réunionnaise.

S’unir sur l’essentiel...

Le message du président de Région s’adresse d’abord aux professionnels et aux politiques. « Unissez-vous ! ». « Ne remettez pas en cause vos différences, mais sur l’essentiel, il est possible de s’unir pour, dans les semaines qui viennent (c’est-à-dire avant l’adoption de la loi de Finance 2009 - Ndlr), il y ait à Paris et à Bruxelles des discussions au nom de l’ensemble des Réunionnais pour sauver l’économie et la société réunionnaises ».
Avec les signes déjà perceptibles - dans le logement, l’emploi, la remise en cause “à l’aveugle” de la défiscalisation, la fin de l’Octroi de mer, la fin de sortie du régime sucrier européen et des subventions au terme du dispositif 2007-2013 - les plus lucides annoncent « la plus grande crise sociale que La Réunion ait connu depuis 50 ans ».
Ce sont d’abord les menaces sur l’emploi. Les entreprises du BTP - qui se sont lancées dans des investissements à long terme parce qu’elles avaient des perspectives de chantiers - ont vu plusieurs de ces grands chantiers remis en cause, à hauteur de 500 millions d’euros de travaux.

Tous concernés

Mais le plus étonnant - note Paul Vergès - est que personne ne se lève pour demander aux auteurs de ces décisions ce qu’ils ont prévu à la place. Le résultat est que les perspectives de suppression d’emplois dans ce secteur - de 2.000 dès maintenant, pourraient passer à 9.000 ou 10.000 dans les dix prochaines années. « Tout le terrain gagné depuis dix ans risque d’être remis en cause », appuie Paul Vergès.
La crise est aussi palpable dans l’économie sucrière, dans le domaine du logement - avec la remise en cause de la défiscalisation pour le logement intermédiaire.
« Cela concerne tout le monde, et d’abord les politiques », continue le président de Région, en se demandant si, chez eux aussi, « la vision de la gravité de la menace » existe bien. « Dans les municipalités, l’Octroi de mer représente entre 25% et 45% des crédits. Les maires se rendent-ils compte de la menace ? Poussent-ils les autres élus à prendre le relais et à demander au gouvernement ce qu’il met à la place ? ».

Les bases de l’union

Pour toutes ces raisons, les années à venir sont chargées de menaces. Mais en même temps qu’ils risquent de désagréger la société réunionnaise, les éléments de crise apportent aussi les bases d’une union possible. Le président de la Région a tracé les contours d’une large union entre les mal-logés, les 52% de Réunionnais qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, les salariés du BTP, les planteurs... Les conditions existent pour unir l’ensemble des Réunionnais. « ... Qu’ils parlent d’une même voix et s’entendent sur une même plateforme », exhorte-t-il. Les bases de l’union sont dans la crise présente... pour peu que les politiques en prennent conscience.

Limiter les dégâts

Le tableau peut paraître sombre. Le contexte mondial est lourd de rendez-vous qui s’annoncent « catastrophiques ». Alors sans doute les protestations de La Réunion « ne calmeront pas la crise financière aux Etats-Unis », mais la question que pose Paul Vergès, en fonction de ces “dures réalités durables” est : « Que proposons-nous pour maintenir le travail dans l’île ? ».
« Il est possible de limiter les dégâts et de maintenir une voie ouverte », mais ceci ne sera réellement efficace que si La Réunion fait entendre une voix unie.
Au monde social et politique, Paul Vergès lance aussi un appel pressant à sortir des luttes corporatistes, à prendre en compte « l’aggravation dans tous les domaines » avec leurs conséquences.
« Montrons que les Réunionnais sont capables de faire face à un danger et d’élaborer des solutions crédibles, pour limiter au maximum les dégâts », tel a été le fil conducteur de « l’alerte » donnée hier par le président de Région.

P. David


Les Accords de Partenariat Économique (APE) :

Quelle place pour La Réunion ?

Lors de la rencontre de Bruxelles, cette semaine, entre le Commissaire Louis Michel et les représentants de l’Union africaine et des regroupements régionaux, un accord s’est dessiné pour une signature « au plus tard le 31 décembre 2009 ». C’est dans quinze mois, avertit le président de Région. « Dans cet accord, s’il est signé, quelle est la part de La Réunion ? Serons-nous un îlot totalement isolé dans un processus d’intégration économique entre les pays de la SADC et les îles de l’océan Indien ? ».
Autant de raisons supplémentaires pour mettre en œuvre des solutions de remplacement de l’Octroi de mer, ainsi que des dispositifs douaniers adéquats.


Emploi :

Des emplois aidés aux emplois pérennes

En tenant compte des perspectives démographiques - qui vont notamment faire passer la population active de l’île de 300.000 personnes actuellement à 440.000 en 2025-2030 -, les problématiques de l’emploi sont parmi les plus difficiles à résoudre. Avec environ 30% de la population sans travail, et près de la moitié de la population vivant sous le seuil de pauvreté, il faut « des mesures provisoires » pour régler ce problème, souligne Paul Vergès, en rappelant que c’est la justification à donner au maintien des emplois aidés. En sachant que cela ne peut être que provisoire et que, dans le même temps, les conditions sont créées pour que des emplois pérennes prennent, d’année en année, une part grandissante.
La politique des énergies renouvelables portée par la Région va dans ce sens. L’inauguration, hier matin encore, d’une centrale photovoltaïque (1,25 MW) est la promesse sûre de très nombreux emplois. Et l’ensemble des projets pour notre île, dans ce domaine, offre des perspectives considérables. Y compris pour les travailleurs actuellement acculés à des emplois aidés - au RSA notamment -, mais qui pourraient trouver un débouché vers un emploi pérenne dans le secteur des énergies renouvelables ou des services à la personne... « Il faut trouver les possibilités d’adaptation des dispositions législatives françaises à la spécificité de La Réunion », a ajouté le président de Région.
Le Parc national des Hauts, le Parc marin, toutes ces créations qui font citer La Réunion en exemple ont besoin des Réunionnais pour fonctionner. Ce sont autant de perspectives de formation et de débouchés vers des emplois dont l’utilité sociale est évidente.

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