Paul Vergès revient tout d’abord sur la signification du 8 mai, date commémorative de la victoire sur le nazisme et le fascisme. Alors que rien ne les obligeait légalement à le faire, des milliers de jeunes Réunionnais se sont engagés dans les Forces françaises libres. Ce geste a compté lorsque le Parlement a ensuite débattu de l’abolition du statut colonial en 1946. C’est par la lutte pour l’application de cette loi que découle toutes les conquêtes sociales des ces 60 dernières années. Paul Vergès rappelle les circonstances qui ont amené à la création du Parti communiste réunionnais, et la répression qu’il a subi parce qu’il se battait pour faire appliquer la loi du 19 mars 1946, et pour faire respecter le droit de vote.
Dès 1959, le PCR a revendiqué la globalisation des crédits, et la responsabilité des Réunionnais. Et quand aujourd’hui le gouvernement propose les États généraux et demande aux peuples de l’Outre-mer de réfléchir, cette réflexion a déjà été faite par les communistes réunionnais sous la répression.
Paul Vergès pose le « problème décisif » : 52% de la population vit sous le seuil de pauvreté, et « ces 52% sont toujours oubliés ». Quelques soient les mesures prises jusqu’à présent, cette situation s’aggrave. C’est pourquoi il apparaît qu’il faille changer de modèle, « mais notre travail est difficile car cette rupture se fait dans un contexte nouveau », dit en substance Paul Vergès.

Faire face à l’urgence tout en pensant à l’avenir

C’est la conjugaison de quatre facteurs qui concernent en priorité les pays du Sud, qui touchent de la même manière La Réunion et qui ont des répercussions sur le monde entier. Ces facteurs sont les suivants : croissance de la population, changement climatique, mondialisation et révolution numérique. Pour La Réunion comme pour le monde, cela signifie qu’en quelques décennies il faut être capable de créer les conditions pour le développement d’une population équivalente à celle des années 50, c’est-à-dire à celle de l’époque de la création du PCR. Le changement climatique entraine des cyclones plus violents, et qu’adviendra-t-il si notre île est touchée par un phénomène comparables aux cyclones de 1936 et de 1948 ?
La mondialisation fait peser des menaces sur la canne, alors que les crises alimentaires amènent à penser à une organisation de l’agriculture pour faire face à nos besoins immédiats.
À ces facteurs s’ajoute une crise mondiale qui va durer des années.
« Nous voyons se créer les conditions de l’impasse économique et sociale », constate Paul Vergès qui appelle à faire « la croisade contre la pauvreté ».
Cela précise la responsabilité des communistes réunionnais : comment faire face à l’urgence tout en pensant à l’avenir.
Sortir de l’impasse par un autre modèle pose aussi la question de la gouvernance, mais « il n’y aura pas de nouvelles gouvernance sans prise de conscience de la classe politique de ses responsabilités ». Paul Vergès déplore que certains décideurs politiques puissent se mobiliser contre des investissements indispensables au pays pour tenter de les retarder (tram-train), ou les annuler (rocade du Tampon).
Pour sortir de cette crise, la Région propose une stratégie qui s’appuie notamment sur l’autonomie énergétique. D’ici 2025, l’objectif est d’éradiquer le fuel et le charbon de La Réunion. C’est possible en remplaçant le charbon par la biomasse et d’autres énergies de base, alors que l’électrification du parc automobile est un projet bien avancé. Il franchira une étape décisive lorsque les panneaux solaires de la route des Tamarins pourront produire plus de 150 mégawatts.

« Un changement fondamental »

Notre pays pourra connaître cette rupture positive rapidement à condition que nous arrivions à savoir qui nous sommes. Car nombreux sont les Réunionnais à ne pas savoir où ont été enterrés leurs ancêtres. La Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise sera le grand sanctuaire pour honorer tous les esclaves qui n’ont pas eu de sépulture. Ce sera aussi le lieu de l’égalité des civilisations dont des représentants sont venus peuplés notre pays. C’est une bataille politique qui s’engage autour de la MCUR, Paul Vergès constatant que le fonds des motivations des opposants à la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise, c’est de s’opposer à la connaissance des Réunionnais de leur passé, afin de les empêcher d’avancer vers l’avenir.
Car « nous ne pouvons pas avoir de responsabilité de l’avenir sans connaissance et responsabilité du passé », précise Paul Vergès.
« Aujourd’hui nous sommes dans l’impasse, et il faut d’urgence un changement fondamental », poursuit Paul Vergès.
« La Réunion ne sera jamais sauvée sans les communistes, et La Réunion ne pourra être sauvée que par tous les Réunionnais », ajoute-t-il avant de rappeler que ce congrès se tient car c’est la prise de conscience qu’une période est terminée, « on ne peut plus continuer comme cela ». Paul Vergès souhaite que ce nouveau Congrès pèse autant que le Congrès fondateur : « c’est le premier pas d’une grande marche, et les grandes marches se terminent par une grande victoire ». Et de conclure en appelant les communistes réunionnais à « être les acteurs de l’union la plus large des Réunionnais » : « soyez fiers d’être communiste mais admettez que l’autre soit fier de ce qu’il est ».

Manuel Marchal