Huguette Bello à l’Assemblée nationale

L’Université méritait mieux qu’un texte minimaliste

25 juillet 2007

Huguette Bello, Députée de La Réunion, est montée à la tribune de l’Assemblée nationale pour faire entendre les inquiétudes réunionnaises que suscite le projet de loi sur l’autonomie des universités. Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits de son intervention.
Les intertitres sont de la Rédaction.

« Le projet de loi qui nous est présenté parle de gouvernance, de stratégie, de pilotage, de chaînes de compétence, de comité de suivi. Sans doute une réforme de l’Université doit-elle nécessairement en passer par des considérations institutionnelles. Mais on peut s’étonner que le langage dans lequel ces questions nous sont proposées ressemble tellement à celui des entreprises. L’Université n’est pas une entreprise. Loin d’en copier le langage, c’est le sien qu’elle doit à la fois inventer et tirer de son fonds propre, qui est riche.
Surtout, pour utiles, pour inévitables qu’elles soient, ces considérations d’organisation et de fonctionnement ne peuvent prétendre constituer le socle même de la réforme de l’Université : c’est là, méconnaître entièrement les aspirations et le trouble de notre société, et surtout celles des jeunes. (...)
Quel horizon l’Université désigne-t-elle aux jeunes d’aujourd’hui et, indirectement, à la nation tout entière ? Comment, dans la multiplicité des disciplines qu’elle enseigne, dans la diversité féconde de ses enseignants, dans la variété infinie de ses étudiants, peut-elle porter un message respectueux de chacun, mais pourtant universel ?
Question difficile, j’en conviens, mais incontournable, que ne fera jamais oublier quelque illusoire succès arithmétique, fût-ce dans les classements internationaux. Question qui, si elle n’est pas explicitement posée, par et pour les enseignants, par et pour les étudiants, pourrait nous valoir la meilleure des Universités, mais au sens où Huxley parlait du meilleur des mondes.

Une loi inadaptée aux Universités d’Outre-mer

Particulièrement révélateur, l’article 29. Il a fallu attendre l’examen au Sénat pour se rendre compte que, telle qu’elle a été définie dans ce projet de loi, la gouvernance, qui est le cœur de cette réforme, est inadaptée aux Universités d’Outre-mer. Un délai supplémentaire de six mois a donc été prévu pour elles. Il serait de bon aloi que ce délai ne soit pas consacré à la seule adaptation de la gouvernance, mais qu’il soit mis à profit pour envisager d’autres questions qui concernent ces Universités.
L’Université de La Réunion, créée en 1984, a vu le nombre de ses étudiants augmenter rapidement. On estime que ses effectifs auront doublé d’ici 2020. Cette Université est encore dans sa phase de construction, mais elle est déjà la seule Université européenne de l’Océan Indien, la seule Université francophone de cette zone. Sa situation lui donne vocation à participer à la construction de l’espace européen de l’enseignement supérieur. Elle lui donne aussi vocation à engager des actions de coopération avec les pays voisins. Outre l’accueil des étudiants de la zone, elle est conduite à mener des recherches dans des domaines très variés : sur les plantes médicinales d’origine tropicale, sur le domaine maritime - pensons aux campagnes océanographiques du Marion-Dufresne, notamment dans les Terres australes antarctiques françaises -, sur l’atmosphère, sur les maladies infectieuses émergentes. Certes, des accords de coopération sont déjà signés avec les Universités de grands pays voisins, comme l’Inde, mais toutes ces actions demandent à être encouragées et développées.

Privatisation : danger

Dans ce contexte, où il faut, à la fois, améliorer les conditions d’accueil et d’études d’un nombre grandissant d’étudiants et répondre aux exigences de la recherche fondamentale et appliquée, il va de soi que le moindre désengagement de l’État serait très préjudiciable. Ni les collectivités locales, qui interviennent déjà au-delà de leurs compétences, ni le privé, par le biais des fondations que prévoit ce texte, ne pourraient se substituer à l’État sans aggraver les taux d’échec, sans obliger les enseignants-chercheurs et l’ensemble des personnels à gérer la pénurie.
La question de la gouvernance, on le voit, n’est décidément pas la priorité. D’autant que les pistes proposées sont fort contestables, en particulier le renforcement excessif des pouvoirs des présidents d’Université. On ne comprend pas très bien en quoi un président disposant de pouvoirs accrus, y compris dans le recrutement, et que n’équilibrerait aucun contre-pouvoir, apporterait une solution aux difficultés réelles de l’Université.

Sur ce sujet du recrutement, j’attire également votre attention sur les difficultés d’application, outre-mer, de l’article 21 qui institue des comités de sélection. Il est prévu que ces comités soient, pour moitié au moins, constitués d’enseignants-chercheurs extérieurs à l’Université. Quand on connaît la difficulté de faire face aux frais de déplacement nécessaires à la constitution des jurys des thèses de Doctorat soutenues outre-mer, on craint que cette nouvelle disposition ne vienne alourdir un peu plus les budgets des Universités.

L’Université méritait mieux qu’un texte minimaliste et, à bien des égards, inapplicable aux Universités françaises implantées hors de l’Hexagone. (...)


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Messages

  • Tiens revoila la prix du billet d’avion qui sera un frein au échanges necesaires pour défendre des theses de doctorats, (ou pour le développement tout court)...
    L’université sera t elle le pivot de la baisse des couts de transports ?
    ( Le prix du billet d’avion : arnaque injustifiée profitant seulement à certains privilégiés)


Témoignages - 80e année


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