« La Chambre Régionale des Comptes ne roule pour personne »

7 septembre 2007

« La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration », selon l’article 15 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789. Voilà ce qui oblige la Chambre Régionale des Comptes à ne pas conter ! Hier, en présence de Philippe Seguin, Premier Président de la Cour des Comptes, l’audience se voulait d’autant plus solennelle que les Chambres Régionales des Comptes fêtent leur 25ème anniversaire.

Les deux nouveaux magistrats de la CRC : Marc Noël et Pierre-Jean Espi. (photo BBJ)

Les personnalités du monde politique et social, représentants d’institutions étatiques, se sont serrées dans la salle d’audience de la Chambre Régionale des Comptes (CRC). La séance commence avec solennité, la Chambre Régionale des Comptes entre, sous les yeux attentifs de Philippe Séguin, premier Président de la Cour des Comptes. Après son discours d’accueil, Jacques Brana, conseiller maître à la Cour des Comptes, Président de la Chambre Régionale des Comptes de La Réunion, et de la Chambre Territoriale des Comptes de Mayotte, salue l’arrivée de deux nouveaux magistrats, Marc Noël et Pierre-Jean Espi, qui viennent enrichir le corps de la Cour Régionale des Comptes de La Réunion.
Pour le Président Brana, c’est la juste occasion de faire la lumière sur le fonctionnement de cette institution, née de l’article 84 de la loi du 2 mars 1982. Chaque région voit naître une Chambre Régionale des Comptes. Et ce dernier de rappeler le rôle de régulation de la CRC, qui « s’inscrit délibérément dans la mission d’amélioration de la gestion publique qui lui est assignée, contribuant ainsi à la recherche d’une meilleure performance dans l’utilisation des deniers publics ».

Impartiale et indépendante

Certains crient à l’opacité de cette chambre. Les Réunionnais ne savent pas pourquoi elle existe, quel est son rôle. Longtemps considérée comme une boîte noire, la CRC veut au contraire faire jouer le principe de démocratie participative. Jacques Brana s’explique « il faut dire que si nos procédures obéissent à une logique, elles sont parfois difficilement compréhensibles, apparaissent complexes, car le fruit de textes législatifs et réglementaires successifs qui ont notamment renforcé, au fil du temps, ce qui est une bonne chose, les droits du contrôlé, mais ce faisant, souvent, au détriment de leur lisibilité ». Et de poursuivre : « nos examens de la gestion des collectivités sont encadrés dans une procédure contradictoire protectrice des droits du contrôlé, lequel a finalement le dernier mot ».
Après l’instruction menée par le magistrat rapporteur, un rapport d’observations provisoires est émis. Le contrôlé peut demander à consulter les pièces et documents sur lesquels sont fondées les observations provisoires, observations qui n’influent pas systématiquement sur les observations définitives de la CRC. Cela dépendra des corrections apportées par les collectivités contrôlées, si bien évidemment des insuffisances ont été relevées dans sa gestion.
La CRC a une mémoire d’acier, et établit un suivi de ses contrôles. Pour autant « la chambre ne roule pour personne », précise Jacques Brana. « Tous les jugements, avis, décisions et communications de la chambre sont prononcés à l’issue d’un délibéré collégial, ce qui constitue un gage d’indépendance et d’impartialité », déclare-t-il.

74 anomalies constatées

Malheureusement, le bilan présenté se voulait anonyme, porté sur les constats effectués entre 2002 et 2006. Pour autant, le Président de la CRC lance des chiffres, qu’il trouve encourageants. « Sur un total de 74 anomalies, insuffisances ou dysfonctionnements constatés par la Chambre lors de ses précédents contrôles sur les collectivités de l’échantillon, 49 d’entre eux (soit 66%) pouvaient être considérés comme ayant été corrigés, 15 (soit 20%) étaient en cours de correction ou en amélioration et 10 (soit 14%) n’avaient encore reçu aucun début de correction », annonce Jacques Brana.
12 thèmes de contrôle ont fait l’objet de l’essentiel des observations/recommandations. Parmi ceux-là, les collectivités contrôlées éprouvaient du mal à mettre à jour leur inventaire du patrimoine immobilier. On relevait l’absence du contrôle interne de gestion, l’insuffisance du contrôle des délégataires de service public (eau, assainissement, transport), les carences dans le contrôle des régies d’avance, l’insuffisance dans le contrôle de l’utilisation des véhicules de service. Par ailleurs, la CRC souligne avoir observé des corrections et améliorations, après avoir apporté des recommandations. Elle note donc un recours plus approprié à la procédure des marchés à bons de commande, un meilleur contrôle des cumuls d’indemnités et de logement de fonction, un effort dans la maîtrise des dépenses de personnel, une amélioration du taux d’encadrement des agents territoriaux, et des progrès dans la transparence des budgets, et plus généralement dans la qualité de l’information budgétaire et comptable.
Il est clair que les Réunionnais doivent être attentifs à l’utilisation de l’argent public. Pour autant, il serait intéressant que toutes insuffisances ou gaspillages nous soient révélés, sans se plier à l’anonymat. Mais bon !

Le contrôle utile

« Quels enseignements peut-on tirer de ces observations ? », demande le Président Brana. Il y voit d’abord la mise en lumière du rôle de la Chambre Régionale des Comptes, qui ne fait pas seulement un travail de contrôle. Son but ultime est d’améliorer la gestion publique, mission qui lui est aussi assignée, et qu’elle prend à cœur. La CRC est une juridiction financière, qui soigne son archivage. « Elle conserve la mémoire des travaux de contrôle menés antérieurement », indique Jacques Brana, d’autant que chaque contrôle, fusse-t-il modeste, fait l’objet d’un suivi. « Dans l’intérêt du bon usage pérenne de l’argent public », souligne le président Brana, qui poursuit « la gestion publique est en effet à observer sur un temps long, loin de la stricte durée des mandats électoraux. La chambre, ainsi, relève ce qui ne va pas bien, mais aussi ce qui va mieux : c’est ce que j’appelle le contrôle utile, celui qui peut ainsi être mieux compris et donc mieux admis ».
La CRC prend aussi le temps d’évaluer l’impact de ses travaux, pour mieux identifier les enjeux de ses vérifications futures, les pistes de contrôles. Ne croyez pas que la CRC n’a pas elle-même à rendre des comptes ! C’est devant la Nation qu’elle doit s’expliquer sur l’utilisation des fonds destinés à asseoir ses missions.

Bbj


Une exposition à découvrir

Les Chambres Régionales des Comptes soufflent leurs 25èmes bougies. D’autres plus férus d’histoire souffleraient des caisses entières de bougies, relevant qu’il existait des Chambres des Comptes bien avant la Révolution de 1789, et même du temps de Saint-Louis et de Philippe V le long. Mais, du moins, dans sa forme actuelle, on le doit au chantier de la décentralisation, relancé en 1981, sous l’égide de Pierre Mauroy, alors Premier ministre, et de son ministre de l’intérieur, Gaston Defferre. La décentralisation aura entre autres effets abouti à la création de 26 chambres régionales ou territoriales des comptes, compétentes pour juger et contrôler la gestion de toutes les collectivités territoriales françaises. A l’occasion de ses 25 années d’existence, la CRC veut nous rappeler à cette histoire récente, marquée par des actions de coopération internationale, notamment en termes de formation de magistrats judiciaires. La CRC de La Réunion a par exemple accueilli des stagiaires malgaches et mozambicains. Les réunionnais sont quant à eux invités à découvrir la Chambre Régionale des Comptes, abritée au château Lauratet, rue Alexis de Villeneuve, à travers une exposition. Les festivités avaient débuté en grande pompe, avec le lancement de six timbres. Le 21 mars dernier, la Chambre Régionale des Comptes de La Réunion organisait avec les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) une vente exceptionnelle du timbre créé par les TAAF. Question de fêter les 25 ans de la CRC, mais aussi le bicentenaire de la Cour des Comptes.

Bbj


Mayotte a sa Chambre Territoriale des Comptes

Créée par la loi organique portant dispositions statutaires et constitutionnelles relatives à l’Outre-mer, une Chambre Territoriale des Comptes voit le jour à Mayotte, présidée par Jacques Brana, Conseiller référendaire de la Cour des comptes, président de la Chambre régionale des comptes de La Réunion. La première audience solennelle de cette toute nouvelle chambre sera organisée pour 2008, à Mamoudzou.

Bbj


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus