
Mal-do-mèr dann sarèt
28 juin, parLo zour la pokor kléré, Zan-Lik, Mariz é sirtou Tikok la fine lévé, mèt azot paré. Madanm Biganbé i tir zot manzé-sofé, i donn azot, zot i manz. (…)
Conversation avec Paul Vergès
8 janvier 2009
Le journaliste et intellectuel réunionnais Patrick Singaïny, qui vit et travaille en Martinique, a rencontré Paul Vergès le 20 août dernier pour une longue interview. L’intégralité de l’entretien sera publiée dans le courant de 2009 en Martinique.
À l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage à La Réunion, quelques extraits de cet entretien exclusif avec le président de la Région Réunion ont été publiés dans la revue “Antilla” et diffusés sur le site de ’France-Antilles’.
Patrick Singaïny : Pourquoi fêter le 10 mai alors que nous avons notre 20 décembre ?
- Paul Vergès : Nous fêtons avec raison, dans nos îles, à des dates respectives, l’abolition de l’esclavage en exaltant nos luttes propres. Mais l’Hexagone, quelle date devait-il commémorer pour montrer qu’il rompait avec son passé colonial ?
On a beaucoup trop exalté 1848 comme un apport du peuple français, certes réel, à l’abolition de l’esclavage. Mais ce qui a été aboli a auparavant été institué. Et par qui l’esclavage a-t-il été instauré ? Il manquait la reconnaissance, par le pays colonisateur lui-même, de sa responsabilité dans l’établissement de ce régime inhumain.
Le 10 mai est une date nationale qui ne doit pas effacer le 20 décembre réunionnais, au contraire ! Le 10 mai marque le début d’une connaissance et d’une réappropriation de ce passé esclavagiste par le peuple français d’aujourd’hui, qui n’est pas responsable de ce qui s’est passé, mais qui doit s’interroger sur cet héritage tout de même constitutif de la France contemporaine.
Dans l’histoire de France, on ne doit pas seulement exalter des événements comme Valmy, la Révolution de 1789, etc...
Mais alors pourquoi, à La Réunion, fêter le 10 mai ?
- Ici, notre date fondamentale est le 20 décembre. Mais le 10 mai signifie que, pour la première fois, les représentants du peuple de France ont reconnu à l’unanimité l’esclavage - institué par tous les peuples européens et d’autres - comme un crime contre l’humanité. Le peuple français doit célébrer cet acte. Ce n’est pas le point final, mais une étape nécessaire, au-delà de notre propre célébration.
Il est important que l’instauration de l’esclavage, sa prolongation par Napoléon, puis son abolition soient reconnues et étudiées comme une partie intégrante de l’Histoire nationale française. Il est important que cela fasse partie du fonds commun de la culture française.
Pourquoi devrait-on éduquer les Français hexagonaux ? Pourquoi est-ce à nous d’assurer cette éducation ?
- Nous, peuple réunionnais ? Nous n’avons pas mission d’éduquer le peuple français...
C’est pourtant ce que nous sommes souvent amenés à faire. Par exemple, Françoise Vergès, dans ses missions à la tête du Comité pour la mémoire de l’esclavage, se voit obligée de refaire constamment un travail pédagogique sur ces questions.
- Tout bien considéré, c’est un service que les ex-colonisés rendent au colonisateur ; service que, en réalité, ils se rendent à eux-mêmes. En cela, nous percevons bien que sur le plan culturel, nous sommes dans un état de réflexion autrement plus avancé que lui.
C’est certain. Ma question suivante se veut plutôt philosophique car il m’a semblé que, par certains côtés, vous vous y adonnez. Marronnage, lutte, dépassement... : existe-t-il selon vous une autre voie pour acquérir sa sérénité, son soi ?
- Nous n’avons pas fini d’étudier cette véritable épopée des Noirs marrons. On imagine difficilement ce que cela représente : des gens ont été déportés de leur patrie sans aucun espoir de la retrouver, mais ils étaient tellement attachés aux valeurs de liberté humaine qu’ils se sont exilés sur les hauteurs de l’île.
Les Mozambicains et les Malgaches de la côte ont dû aller dans les montagnes et affronter les températures extrêmement fraîches pour y survivre. Ils ont vécu sans moyens matériels ; ils ont été constamment pourchassés. Ils ont maintenu de génération en génération le flambeau de la liberté. Ils représentaient vraiment les personnes libres, sans commune mesure avec la liberté dont pouvaient se prévaloir leurs propriétaires esclavagistes. C’est dans leur camp que s’est battue durant près de deux siècles la liberté, et qu’y a survécu la dignité humaine. La diversité du peuplement ne permettait certes pas de créer une sorte de réalité institutionnelle étatique. Ils sont donc restés en groupes nomades.
Je vis dans la région du Port et de La Possession. J’éprouve une satisfaction fantastique à voir le piton Cimendef, réputé inaccessible et qui porte le nom d’un esclave malgache parti marron.
Cimendef signifie en malgache « Celui qui ne courbe pas la tête ». Isolé là-haut avec sa femme, il était l’exemple de l’homme libre pour tous les esclaves. Je ne connais pas de nom plus exaltant que « Celui qui ne courbe pas la tête ». Dans un univers esclavagiste, ce nouveau nom ne pouvait être qu’extraordinaire.
Donc, pour vous, la sérénité du moi ne peut être qu’une chose que l’on prend, que l’on arrache ?
- C’est une chose que l’on revit en soi. Il s’agit d’un processus relativement inconscient.
Le premier signe de barbarie de l’espèce humaine se manifeste quand on se regarde sans connaître l’autre et qu’on le juge par la couleur de sa peau. Cette attitude a prévalu pendant des siècles.
Or, celui qui est sous le regard de l’autre, sous sa domination politique, physique, souvent violente, intègre cette dévalorisation. L’ambiguïté du métissage, c’est qu’il n’est pas reconnu comme valeur propre à la rencontre de deux êtres.
Parfois, le métis se sent fier d’avoir en lui une part de l’être perçu comme supérieur. On classe les gens selon des degrés différents de métissage. C’est une des valeurs les plus réactionnaires que je connaisse. Il faut la combattre jusqu’à la faire disparaître.
Une victoire inconsciente des Réunionnais, c’est qu’aujourd’hui, quand on demande à un Réunionnais ce qu’il est, il ne répondra pas qu’il est une couleur ; il dira : « je suis métis » ou « réunionnais ». C’est le début d’une prise de conscience de la richesse que représente l’apport de tous, sans que l’un ou l’autre soit privilégié.
Le passage au statut de Département
Quand on considère l’épopée de la conquête de la départementalisation, on est surpris, d’emblée, de découvrir que le cadre culturel de la lutte anticoloniale est paradoxalement franco-français.
- Quand on est parvenu à vouloir abolir les étouffantes inégalités sociales, on s’est tourné instinctivement vers le modèle de la “métropole”. Ce sont les luttes ouvrières de là-bas qui ont inspiré cette partie des salariés de La Réunion qui englobaient toutes les couches sociales, ouvriers agricoles, petits agriculteurs, ouvriers d’usines, cheminots, dockers...
Avec les grandes luttes du Front populaire est née simultanément à La Réunion et aux Antilles la revendication qui devait permettre en un seul acte d’acquérir toutes les lois sociales en vigueur en France : le passage au statut de Département.
Nous étions certes des citoyens français ayant le droit de vote, mais soumis au régime des décrets. On ne pouvait étendre les lois françaises que par décret du Ministère des Colonies. Les forces anticolonialistes ont donc pensé que si on abolissait ce régime des décrets et qu’on obtenait la pleine citoyenneté par la départementalisation, on aurait automatiquement le bénéfice égalitaire de ces lois.
Cette revendication portait en elle une contradiction qui s’est révélée ultérieurement, mais qui était alors masquée par l’ampleur de la conquête sociale. Si à La Réunion la loi était portée par Raymond Vergès - mon père - et par Léon de Lépervanche, c’étaient aux Antilles Aimé Césaire et Léopold Bissol, Gaston Monnerville en Guyane.
Les bénéfices de ces conquêtes, qui ont changé nos sociétés, ont primé sur les dangers que comportait cette réforme de caractère assimilationniste. Cette ambiguïté est d’ailleurs incarnée par Aimé Césaire lui-même, rapporteur de la loi du 19 mars 1946, lui qui avait déjà livré cet écrit fondamental qu’est “Le Cahier d’un retour au pays natal” (1939) et réveillé ainsi toute la société martiniquaise.
Une contradiction toujours portée par nos sociétés
Aimé Césaire a déclaré qu’il avait créé le néologisme “départementalisation” en remplacement du mot “assimilation” en songeant qu’avec un tel aménagement, il aurait été possible d’y revenir afin de faire évoluer le processus.
- Il portait cela en lui. Cela explique à la fois la revendication d’autogestion du Parti Progressiste Martiniquais et celle d’autonomie du Parti Communiste Martiniquais qui ont abouti finalement à la revendication d’autonomie de nos pays. On essayait de concilier les conditions d’une intégration, notamment sociale, et le respect de l’identité propre de nos peuples. Cette contradiction est toujours portée par nos sociétés, dans des conditions autres.
En termes de cadres opératoires, nous évoluons dans l’ensemble français et européen. Que fait-on du manque de pouvoir décisionnaire quand on gère un territoire français dans l’océan Indien ?
- Effectivement, nous n’évoluons pas seulement dans l’ensemble français. Nous évoluons également dans une zone géographique, géopolitique propre. Nous nous inscrivons dans l’Union européenne, qui encourage les pays ACP à se regrouper pour une intégration régionale, dans les zones de la Caraïbe, de l’Afrique occidentale, orientale et australe, et de la zone Pacifique.
Le regroupement économique régional nous permettrait ainsi d’être mieux armés pour assurer un développement dans le cadre de la mondialisation des échanges. Déjà en 1955, la Conférence de Bandung des pays non-alignés avait consacré le concept novateur de pays afro-asiatiques.
Cependant, nous sommes les seuls territoires constitués de populations venues à la fois d’Afrique et d’Asie. C’est là toute notre singularité et notre richesse.
Par conséquent, développons-nous, entre nous, à la fois sur le plan économique, social et culturel et faisons renaître notre parenté commune, notre cousinage commun, notamment au travers de la Commission de l’Océan Indien (COI) qui regroupe nos îles !
Nous retrouvons le projet MCUR (Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise)...
- Effectivement.
Dans votre texte historique prononcé au Sénat le 23 mars 2000 relatif à l’esclavage crime contre l’humanité, vous avez brossé un portrait de la personnalité réunionnaise sans fard et d’une rare acuité. Je vous cite : « Si l’histoire de cette période fut longtemps masquée, elle se manifeste au quotidien dans les maux de notre société, inégalités extrêmes, racisme latent ou manifeste, rapports sociaux marqués par la violence, étouffement de la personnalité, conflits intérieurs qui font qu’en chaque Réunionnais se livre une guerre civile ». Plus loin, vous dites : « Les conditions de naissance du peuple et de l’identité réunionnais, la persistance des séquelles de l’esclavage appellent la réappropriation lucide et responsable de cette histoire par les Réunionnais. Le dépassement des tabous de cette période fondatrice est la condition du maintien de l’équilibre encore fragile de la société réunionnaise ». Et vous finissez en déclarant : « La création d’une Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise (MCUR), projet de la Région Réunion, a cet objectif ».
On pourrait penser qu’on touche ici à une contradiction. En allant chercher les racines pour les confronter au présent réunionnais, ne mettez-vous pas l’existant entre parenthèses ? L’hybridation a déjà eu lieu, les syncrétismes également, notamment religieux, l’art réunionnais existe, la réunionnité existe. Alors pourquoi aller chercher les racines ?
- C’est le contraire ! Il y a une dynamique dans la société réunionnaise qui s’ignore. Nous avons connu l’esclavage, la période coloniale marquée par l’assimilation, la période de développement social dans le cadre d’une politique assimilationniste. Dans le même temps, du fait de l’exiguïté de l’île, a persisté ce vivre ensemble qui nous a conduits à une prise de conscience de notre spécificité liée à nos origines différentes. Ce qui freine cette dynamique ce sont les séquelles idéologiques de la période de l’esclavage.
On a fait venir ici des Africains, des Malgaches, des Indiens en exaltant la supériorité de la « race » blanche, le fameux « fardeau de l’homme blanc » de Rudyard Kipling. Cela n’a pas empêché la survivance de leurs croyances et de leurs pratiques.
Qu’est-ce qui a bridé tout cela ? Qu’est-ce qui a créé cette guerre civile intérieure ? C’est la persistance de cette conception idéologique de l’inégalité des cultures et des « races ». La Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise veut en prendre le contre-pied et exalter l’égalité des cultures. Il s’agit de dire aux descendants des Malgaches, des Africains, des Indiens, des Chinois : vous êtes les héritiers des grandes cultures du monde, aussi grandes que la civilisation occidentale. La MCUR va restituer ce sentiment de l’égalité des cultures.
Donc l’apparente cohésion réunionnaise est factice...
- Non, elle est insuffisante. C’est sur ce terreau que nous donnerons à tous les Réunionnais d’origine européenne, africaine, malgache, asiatique, la fierté de leurs cultures d’origine, celles de leurs ancêtres. Nous leur montrerons que la résistance qu’elles ont montrée pour survivre et résister est la base de notre richesse d’aujourd’hui.
Comment tout Réunionnais peut-il interroger ses ancêtres en les distinguant alors qu’il est la résultante d’un mélange ?
- Nous, qui sommes si petits, nous avons l’immodestie de dire que dans plusieurs siècles La Réunion se révèlera comme un exemple de mode d’être au monde. Nous sommes à la fois porteurs de nos héritages particuliers et de la combinaison de tous ces héritages. Nous sommes une population dont la personnalité est actuellement en construction.
Ne pensez-vous pas qu’il y a eu un phénomène d’hybridation qui, dès la plantation, a fondé la réunionnité ?
- Mais cette réunionnité n’est pas sans racines ! Aujourd’hui, de nombreux jeunes Réunionnais partent à la rencontre de pays tels que l’Inde, la Chine, et partout ailleurs dans le monde. Quand ils viennent à y déceler les valeurs de leur société d’origine, cela ne les pousse nullement à renoncer à leur réunionnité, au contraire ! Ils s’estiment beaucoup plus riches par cette prise de conscience et ce partage. Chaque Réunionnais se rend compte de ce qu’il doit à l’autre, que cet autre vienne d’Afrique, d’Asie ou d’ailleurs. Nous ne sommes pas seulement - et la Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise va le démontrer - un pays de « diversités culturelles », nous ne sommes pas l’addition de cultures différentes qui restent cantonnées à leurs différences. Nous avons opéré des dépassements et évoluons en pleine « intraculturalité ».
En définitive, ici, il n’existe plus la tentation du communautarisme, ce qu’on appelle à l’île Maurice, notre île sœur, le communalisme.
Au fond, n’êtes-vous pas en train de faire rejouer aux Réunionnais leur naissance à travers la MCUR, une naissance orchestrée par eux-mêmes ? La MCUR n’est-elle pas une tentative d’introduire une réalité seconde dans l’univers réunionnais ? N’y a-t-il pas là une forme d’idéalisme ?
- Je pense à la phrase d’Aimé Césaire : « Voici le temps de se ceindre les reins comme un vaillant homme ». Le Réunionnais sent qu’il peut se tenir debout et qu’il existe par lui-même, grâce au partage équitable des divers héritages, sans privilégier l’un par rapport à l’autre...
Votre obsession, c’est l’égalité.
- C’est notre avenir. Tout à l’heure, je posais cette question : comment allons-nous vivre économiquement et de façon égalitaire avec les pays de la COI ? Eh bien, en nous appuyant sur nos avantages spécifiques ! Le nôtre est celui de la formation.
Vous n’avez pas répondu finalement à la question : n’êtes-vous pas en train de faire rejouer aux Réunionnais leur naissance par les missions de la MCUR ?
- Les Réunionnais sont en devenir. Il faut susciter les conditions d’un accouchement, mais un accouchement organisé et orchestré par les Réunionnais eux-mêmes. Quand ils vivront les valeurs exaltées par la Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise et qu’ils verront que ce n’est pas une utopie, mais la réalité, je pense qu’ils seront enchantés et transformés.
À cause des siècles d’esclavage et de colonisation, les Réunionnais conservent les stigmates d’une personnalité intravertie. Ils pensent, pour se conformer aux préjugés coloniaux : « le colonisé est hypocrite », « il ne dit pas ce qu’il pense », « quand il dit oui, il faut comprendre non ». La Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise contribuera à aider les Réunionnais à sortir d’eux-mêmes et à montrer les valeurs créatrices qu’ils ont forgées malgré des siècles d’humiliations, de douleurs et de tragédies.
Peut-on être autre dans un ensemble français (quand on n’est pas maître de son parcours) ? Peut-on encore considérer aujourd’hui que la loi de départementalisation consentie par la France est un acte de fondation ? Aujourd’hui, peut-on la considérer dans notre présent comme émancipatrice ? N’a-t-on pas besoin d’une autre utopie émancipatrice plus en rapport avec la situation d’aujourd’hui ?
- Je vous ai dit tout à l’heure que les auteurs de la loi du 19 mars 1946 voulaient en finir avec les inégalités sociales issues de la colonisation. Le mérite de cette loi a été de créer les conditions objectives pour atteindre très rapidement cette égalité.
L’égalité sociale a été réalisée avec les dernières lois sociales en 1996. Un demi-siècle tout de même pour la conquérir intégralement ! C’est long sur l’échelle d’une vie humaine, même s’il faut l’apprécier à l’échelle du temps historique.
Cependant, il importe que cette égalité institutionnelle soit dépassée. On ne peut pas, par exemple, demander que cette loi égalitaire nous permette de dépasser le niveau du SMIC. Tout ce qui a constitué l’arsenal des revendications sociales de La Réunion n’est plus actualisable depuis 1996.
Nous devons donc continuer notre marche vers le progrès en dépassant ce contenu de la loi de 1946 tout en nous appuyant sur elle pour créer une nouvelle étape vers l’appropriation d’une égalité non seulement sociale mais aussi culturelle. Cela ne signifie surtout pas uniformisation, mais accomplissement de ce que nous portons en nous.
Co-développement, MCUR...
- Exactement. On parle beaucoup de développement durable. Les pays qui ont connu la loi de 1946 et qui ont épuisé les revendications de progrès social doivent réfléchir à cette nouvelle étape.
Comment un pays balayé toute l’année par les alizés pouvait n’avoir aucune éolienne ? Comment une île baignée par l’océan pouvait ne pas utiliser l’énergie de la mer ? Comment un pays dont le soleil est un argument majeur pour les touristes pouvait-il ne pas voir que c’est, pour lui, la source d’énergie la plus importante ? Nous allons utiliser toutes ces énergies !
Notre objectif est l’autonomie énergétique de La Réunion en 2025, par l’utilisation des chutes d’eau, du vent, du soleil, de la mer, de la chaleur du volcan. Actuellement, nous avons en projet, dans le Sud de La Réunion, une centrale utilisant la houle de l’Antarctique qui vient mourir sur nos côtes et qui est une force permanente. Outre l’énergie mécanique des vagues, nous allons utiliser la différence de température entre les eaux de surface et les eaux profondes (ETM : l’énergie thermique de la mer). Nous pouvons espérer bannir les climatiseurs sur le littoral en utilisant l’eau des profondeurs, qui est à 5 degrés.
Nous avons l’ambition d’être le premier territoire du monde habité par des êtres humains qui vont assurer leur croissance économique uniquement par des énergies propres, des énergies renouvelables. C’est la rupture avec un modèle occidental vieux de deux siècles et l’aube d’une nouvelle ère de civilisation. Par cette combinaison du rééquilibre démographique, du rééquilibre technologique, scientifique, de la reconnaissance de l’égalité culturelle, nous ouvrons une nouvelle ère de civilisation.
Aux Antilles et en Guyane, peu après l’instauration du régime départementaliste, la recherche d’un nouveau statut s’est imposée rapidement et dans une certaine clarté. Ici, il n’en a jamais été question. Mais comprenez-vous qu’on ait pu et qu’on veuille en venir à ce nouveau statut que finalement Césaire n’a jamais réprouvé ?
- Dans les années 1957-59, les forces progressistes des Antilles, de la Guyane et de La Réunion ont fait la promotion d’un statut d’autonomie. Pour nous, c’était à la fois la tentative de conserver les avantages d’une citoyenneté française et d’assurer la responsabilité réunionnaise, c’est-à-dire la conduite de nos propres affaires.
Aujourd’hui, avec les transformations du monde et la mondialisation des économies, on a dépassé le stade de la correspondance mécanique entre une économie nationale et un État-Nation. La grande discussion actuelle porte sur le modèle qui permettra de concilier la mise en commun des forces productives du monde et la défense de la caractéristique nationale.
Dans ce grand débat mondial, il s’agit pour nous non pas de renoncer aux avantages de notre citoyenneté française, mais d’affirmer que nous sommes une réalité humaine inscrite dans une réalité géographique et géopolitique spécifique. Trouvons donc la solution de conciliation ! Là est la solution d’avenir. Nous pensons que, nous, à La Réunion, devons approfondir notre histoire, celle de l’esclavage, de l’engagisme, de la colonisation non pas pour ne pas en bouger, mais pour en tirer les enseignements et pour créer nous-mêmes notre développement durable.
Chercher ce qui correspond à la fois à nos aspirations passées et aux nécessités de l’avenir, forger un nouveau modèle de développement, telle est la responsabilité de notre génération. Nous ne désespérons pas que notre mode de développement que nous sommes en train de construire soit non pas un modèle mais un exemple. La période esclavagiste a été dépassée par la période coloniale, qui elle-même a été dépassée par la revendication d’intégration. Aujourd’hui, nous sommes à la fin des limites de la départementalisation et nous devons, en fidélité à notre passé, forger un avenir qui ne soit pas le prolongement mais, au contraire, le dépassement vers un nouveau modèle. Là est notre responsabilité politique présente.
Dans un entretien que j’ai eu avec Aimé Césaire en 2001, à propos de la nécessaire différenciation entre racine (enracinement) et origines (composantes ancestrales), entre la martiniquanité et la stratification du peuplement martiniquais, il m’a demandé laquelle des parties était, selon moi, la plus importante. Je lui avais répondu « racine » ; lui, index levé et dans le même instant, « origine » (sans le pluriel). Et vous, Paul Vergès, que répondriez-vous ?
- Césaire exprime là son profond ressenti, sa qualité de Martiniquais habité par sa négritude. Pour lui, c’était, bien que périlleux à exprimer à l’époque, une évidence. Pour nous, Réunionnais, la négritude ne peut être la seule clé d’entrée à l’affirmation de soi ; il y a également à prendre en considération d’autres clés : le caractère chinois, le caractère indien, le caractère européen, etc... Nos composantes sont différentes. Quand on parle de racines, lesquelles désigne-t-on ?
Un journal avait exhumé l’existence d’une ancêtre malgache commune au Président Pierre Lagourgue et à moi-même. Quand je lui en ai parlé, il m’a répondu que c’était là notre fierté commune. Je trouve fantastique que Pierre Lagourgue, qui pouvait être classé comme « gros Blanc », ait considéré cette ascendance comme un enrichissement. Cette prise de conscience des Réunionnais, qui est passée de la déification du Blanc au 17ème siècle à la reconnaissance de leur intraculturalité, est un apport historique.
Nous sommes un mélange. Dans la composante de notre identité, l’Histoire ne nous a pas apporté une seule origine, car les générations cumulées nous donnent en partage toutes les valeurs de l’Afrique, de l’Asie et de l’Europe. C’est une chance extraordinaire : nous sommes tous des descendants d’étrangers, tous des descendants d’immigrés, et c’est notre fierté.
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