L’enseignement principal du séjour de François Baroin

La droite en plein poker-menteur

22 octobre 2005

À 18 mois de la présidentielle, à quelques exceptions près - René-Paul Victoria, Nassimah Dindar, TAK et Jean-Jacques Morel - la majorité des élus de l’UMP et de la Relève n’ont pas publiquement choisi entre Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac. Ils se livrent à leur jeu habituel : celui du poker-menteur.

Comme le faisait remarquer avant-hier Éric Fruteau au cours de la conférence de presse du PCR, à 18 mois de la présidentielle, la confusion est totale à gauche comme à droite. Pas moins d’une vingtaine de candidats déclarés ou potentiels sont sur la ligne de départ : Jean-Marie Le Pen, Bruno Mégret, Nicolas Dupont-Aignan, Nicolas Sarkozy, Jack Lang, Laurent Fabius, Ségolène Royal, Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn, Noël Mamère, Dominique Voynet, Jean Desessard, Yves Cochet, Arlette Laguiller, François Hollande, François Bayrou, Dominique de Villepin, Marie-George Buffet, Olivier Besancenot, José Bové et Jacques Chirac peuvent encore le devenir.

Confusion totale à droite

Mais, c’est à droite, et plus particulièrement à l’UMP, que la confusion est la plus totale. Non seulement François Bayrou a décidé de faire entendre la différence de l’UMP, mais au sein du parti majoritaire, le président de l’UMP ne cache pas ses ambitions et est prêt à affronter le président sortant pour entrer en 2007 à l’Élysée.
Pour préparer l’échéance présidentielle, le camp du chef de l’État a fait désigner François Baroin au ministère de l’Outre-mer pour remplacer une chiraquienne. Le nouveau locataire de la rue Oudinot a pour mission de faire revenir dans le berceau chiraquien des départements et des territoires d’Outre-mer qui commençaient à bouder sérieusement la chiraquie : tour à tour, des leaders historiques comme Mme Michaux-Chevry, Gaston Flosse ou Jacques Lafleur ont été écartés de postes de responsabilités électives.
Là-dessus, invité par la présidente du Conseil général, Nicolas Sarkozy fit irruption sur la scène politique réunionnaise. Le séjour du président de l’UMP, candidat déclaré à la présidentielle de 2007, a fait émerger les contradictions qui existe chez les élus de la majorité présidentielle.
En Métropole, la fracture en chiraquiens et sarkozystes est nette et visible. On sait qui est avec qui. On sait, par exemple, que Jean-Louis Debré est un chaud partisan du chef de l’État tandis que François Fillon s’est rangé dans le camp des sarkozystes. À La Réunion, la majorité des élus inscrits à l’UMP ou à la Relève cachaient leur jeu et n’avaient pas dit où allait leur préférence. Ceci à quelques exceptions près. Jean-Jacques Morel a affiché depuis longtemps ses options sarkozystes. Il ne le fait pas par conviction idéologique mais dans le cadre de son affrontement avec René-Paul Victoria qui passe de plus en plus pour être un partisan du camp des chiraquiens. Nassimah Dindar affirme elle aussi être une fidèle du président. Voilà à peu près tous ceux qui ont jusqu’ici publiquement abattu leurs cartes.

La provocation de la Relève

Les autres jouaient de la prudence. Sans doute se souviennent-ils de l’expérience des duels Giscard/Chirac, Barre/Chirac et Balladur/Chirac où certains d’entre eux s’étaient fait piéger en prenant position très tôt et en ne sentant pas le vent venir.
La venue de Nicolas Sarkozy a fait bouger légèrement les choses et a obligé certains à sortir quelque peu de leur ronron.
Profitant du fait que Jean-Jacques Morel s’est déclaré et cherchant à s’abriter derrière lui, la Relève a tenu une conférence de presse juste après la visite de Nicolas Sarkozy. Juste l’occasion de donner à l’adjoint au maire de Saint-Denis d’exprimer toute sa satisfaction. Mais les autres, tous les autres ne sont pas allés plus loin.
La Relève qui a recensé ces temps-ci les maires qui sont avec elle, - ceux de Sainte-Rose, Saint-Benoit, Saint-André, Salazie, Étang Salé, Saint- Pierre, Saint-Louis, Cilaos et Saint-Philippe - considère que le rapport de forces joue en sa faveur. Avec cette conférence de presse, elle a monté une sorte de provocation : voyez combien nous sommes, voyez quel est le noyau sur lequel Nicolas Sarkozy peut compter demain et vous, chiraquiens, qui êtes vous ? Combien êtes-vous ?
S’affichant derrière un sarkozyste déclaré, la Relève déclare : voilà nos forces. Implicitement, elle s’adresse sinon provoque le camp d’en face : quelles sont vos forces ? demande-t-elle.
La Relève dit voilà le noyau qui va préparer ici la candidature de Sarkozy et elle demande : qui va-t-on retrouver derrière le candidat chiraquien ? Par soustraction, tous les autres élus de l’UMP-Réunion sont-ils des chiraquiens ?
Mais, ceci étant la Relève se fait prudente : elle montre où va sa préférence mais elle attend le moment venu pour exprimer de manière plus conséquente sa position.
Autrement, elle continue à jouer double jeu et à tenir un double langage.
Lorsque Nicolas Sarkozy passe à Saint-Pierre ou à Saint-André, on fait l’effort pour mobiliser. Mais lorsque François Baroin arrive on fait encore plus d’efforts et on mobilise plus : 400 personnes pour Sarkozy à Saint-André, 1.000 pour Baroin. On fait couvrir le ministre de l’Outre-mer de bisous par les mêmes qui ont couvert de bisous Sarkozy !
Il y a donc double jeu mais avec des nuances. Certains le font dans la discrétion. D’autres, comme à leurs habitudes, s’agitent et se font plus remarquer.
Mais à l’arrière-fond, il y a toute la politique gouvernementale. Une politique que la droite locale n’arrive toujours pas à assumer. Hier, elle mettait au compte de l’action de Brigitte Girardin - on demandait sa démission - sinon sur celui de Raffarin la responsabilité de l’échec de la liste de l’UMP aux régionales et la condamnation populaire de la politique gouvernementale. Pour les uns, Sarkozy avec sa volonté de “rupture” peut donner l’illusion que l’on peut éviter d’assumer toute une politique de casse sociale et de remises en cause.

J.M.


Sarko contre Victoria

Une attitude dangereuse

En décidant d’intervenir brutalement dans le dossier du Pôle océan, le ministre de l’Intérieur fait fi de l’esprit et des principes de décentralisation qui accordent plus de responsabilités aux élus locaux. Il intervient dans un débat qui est très loin des problèmes majeurs que connaissent les Réunionnais, et il le fait sous le pire aspect qui soit : celui d’un règlement de compte politicien au sein du même parti.

Selon le “JIR” et le “Quotidien” d’hier, le ministre de l’Intérieur a demandé au préfet de La Réunion de se saisir du dossier du Pôle océan. "Une gifle pour Victoria, avec 2007 en ligne de mire", écrit à ce sujet le “Journal de l’Ile”. Sous la signature de Sébastien Laporte, le même journal commente : "le résultat fait froid dans le dos. Car Sarkozy vient tout simplement de court-circuiter les instances républicaines, et de s’asseoir sur un débat qui, malgré tout avait lieu."
Dans la querelle qui oppose le maire de Saint-Denis à son adjoint, Jean-Jacques Morel, le ministre de l’Intérieur a décidé d’adopter une attitude partisane. Il prend sur lui de voler au secours du seul élu qui, jusqu’ici, a proclamé son soutien à la candidature du président de l’UMP à la présidentielle de 2007. Il est tout aussi vrai que la méthode "fait froid dans le dos". Non seulement en regard des arguments avancés par Sébastien Laporte mais parce que, en des temps où l’on proclame s’attacher à développer la décentralisation pour donner plus de responsabilités aux élus locaux, la démarche du président de l’UMP tourne délibérément le dos à ces orientations. Cela laisse mal augurer de ce pourrait être son attitude et ses méthodes si jamais il devenait Président de la République.
Il semble aussi que c’est pour la première fois que le ministre de l’Intérieur intervient dans un dossier à caractère purement municipal et qu’il adopte une attitude aussi autoritaire. Est-ce parce qu’il a en face de lui un maire réunionnais, descendant d’esclaves et de fils d’esclaves qu’il se permet d’agir ainsi ? Après la désinvolture avec laquelle il s’est comporté lors de son passage dans notre île, cette question mérite d’être posée.
Sans doute le prochain Congrès de l’Association des maires de France (AMF) qui se déroulera à partir du 21 novembre aura à réfléchir sur ce cas d’école.
Il n’en reste pas moins vrai, qu’au fond, tout cela est dérisoire. La querelle sur le Pôle océan implique des acteurs bien informés des tenants et aboutissants du projet. Elle passe au-dessus de la tête des Dionysiens qui ont bien du mal à comprendre de quoi il s’agit. En faire une affaire d’État comme on veut le faire, donner l’impression qu’il s’agit du débat de la décennie pour la capitale, c’est se moquer des gens.
Saint-Denis et sa population ne peuvent être indifférents à d’autres problématiques comme celle du chômage, de la reconduction des contrats aidés, de la construction de logements sociaux, de l’aménagement du territoire, de la construction du TSCP, etc. Pour ne prendre que ce seul dernier problème, imagine-t-on où sera installée la future gare du tram-train ? Son lieu d’implantation peut être décisif quant au débat sur le Pôle océan. Si, selon une des hypothèses retenues, le tram-train passait en haut de la falaise qui borde l’actuelle route du littoral, a-t-on à l’esprit tous les bouleversements que cela entraîneraient pour Saint-Denis ? La traversée du tram-train par la Montagne va ouvrir la voie à l’aménagement de toute une zone. La création d’une ville nouvelle sera rendue possible. On répondrait partiellement à la question de la construction de logements sociaux. Enfin, on réparerait une erreur historique. Lorsque, dans les années 60, il a fallu agrandir Saint-Denis, on a opté pour une extension de la ville vers l’Est plutôt que vers les Hauts de la Montagne comme le suggérait le PCR. On a pris sur les terres agricoles et toute une zone riche de cannes, de productions légumières ou fruitières a été sacrifiée. La capitale perdait ainsi toute sa base arrière de production en légumes et en fruits, voire d’élevage. Qui se souvient que pendant longtemps Chateau-Morange accueillait les bœufs arrivés par bateau au port de la Pointe-des-Galets ?
En décidant d’intervenir dans le débat sur le Pôle océan, Nicolas Sarkozy apporte la preuve qu’il regarde nos problèmes par le petit bout de la lorgnette et sous l’aspect le plus désagréable qui soit, c’est-à-dire dans le cadre d’un règlement de compte politicien.

J.M.


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