Remise du rapport de Bernard Pêcheur au Premier ministre

La fonction publique remise en question

5 novembre 2013, par Céline Tabou

Le rapport sur « l’évolution de la fonction publique dans les années à venir » a été remis au gouvernement lundi 4 novembre. Ce dernier devrait s’appuyer sur les propositions du conseiller d’État Bernard Pêcheur, pour négocier avec les fonctionnaires sur les carrières et les rémunérations.

Bernard Pêcheur a travaillé durant six mois sur les possibles «  évolutions des modes de recrutement, de rémunération, de gestion et d’organisation des carrières ainsi que des parcours professionnels » des fonctionnaires. Pour la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, le rapport doit être « un départ » et permettre un travail visant à « améliorer les choses ».

Ce rapport concerne les trois fonctions publiques statutaire, unitaire et de carrière, soit près de 5 millions de fonctionnaires et contractuels civils qui « sont en fonction dans les services et établissements publics de l’Etat, dans ceux des collectivités territoriales ainsi que dans les hôpitaux et établissements médico-sociaux ».

Revoir la grille salariale

Le ton est donné selon les informations diffusées par l’Agence France Presse sur le rapport : «  S’il y a trop de fonctionnaires, il faut en réduire le nombre et non pas les sous-payer . » Dans son rapport Bernard Pêcheur estime que «  la France, qui est un grand pays développé, ne peut avoir pour ambition d’avoir des fonctionnaires et des militaires "au rabais", une fonction publique sous-développée ».

Dans un document de plus de 200 pages, il propose des pistes de faire évoluer la fonction publique, et notamment les politiques salariales. « Le choix d’une fonction publique statutaire demeure pertinent. Toutefois les dérogations ne sont justifiées que si et dans la mesure où l’intérêt public le commande » note le rapporteur. Ce dernier souhaite mettre fin au statu quo qui « n’est pas possible » entre la fonction publique statutaire, la fonction publique unitaire et la fonction publique de carrière.

Bernard Pêcheur déplore que ces fonctions publiques aient « été conduites depuis une dizaine d’années sans perspective d’ensemble » , tandis que « les contraintes budgétaires (…) ont conduit à une progressive érosion de la grille des rémunérations », avec un « resserrement des écarts hiérarchiques » . Pour permettre un rééquilibrage, le rapport préconise une « grille de rémunération établie et gérée de façon cohérente » en lien avec « une classification ordonnée » . Il s’agirait de remplacer les catégories (A, B et C) par six « niveaux de fonction » , définis selon le diplôme de l’agent, mais aussi les missions exercées et les responsabilités.

Le rapport met en exergue les «  trois années de gel du point d’indice et de réduction continue des enveloppes catégorielles ont conduit à une érosion de la situation des fonctionnaires  », dont «  les salaires nets moyens en euros constants ont baissé  » entre 2010 et 2011. Bien que « le blocage de la valeur du point ne saurait dans la durée tenir lieu de politique salariale » , une «  augmentation de 1% de la valeur du point d’indice représente un coût de 1,8 milliard d’euros pour les trois fonctions publiques, dont près de 800 millions d’euros pour la fonction publique de l’Etat  », a noté le rapporteur.

La question de l’emploi

Le rapport pointe du doigt «  la nécessité de conduire une réflexion prospective sur l’emploi public et la fonction publique  » d’ici quinze jours afin d’obtenir une meilleure gouvernance. Pour le rapporteur, «  un agent est recruté pour plusieurs dizaines d’années. Entre son entrée dans le service et son départ à la retraite, un fonctionnaire verra nécessairement sa profession évoluer  ».

Pour améliorer la visibilité des postes à pourvoir, le rapport plaide la création d’un « portail internet unique intégrant ou fédérant les portails des bourses existantes, et les complétant pour permettre d’avoir connaissance de tous les emplois publics vacants à chaque instant ; une obligation de déclaration de vacances » des postes, et la création d’une « bourse commune de l’emploi public » .

Concernant le recrutement de contractuels en catégorie A, celui-ci n’est possible « que sous réserve qu’aucun fonctionnaire n’ait pu être recruté ». Bernard Pêcheur préconise donc d’avoir recours à des intérimaires pour des remplacements momentanés d’un agent en congé, vacances temporaires d’un emploi qui ne peut être immédiatement pourvu, accroissement temporaire d’activité ou encore pour des besoins occasionnels ou saisonniers.

En cas de suppression de poste, «  si, dans un délai raisonnable eu égard à la nature de l’emploi supprimé et au grade du fonctionnaire affecté sur cet emploi, l’administration n’est pas en mesure, faute d’emploi disponible, de faire jouer les priorités d’affectation ou de détachement prévus (...), elle propose au fonctionnaire au moins trois emplois vacants correspondant à son grade et l’affecte dans celui de ces emplois que le fonctionnaire choisit  ».

Vis-à-vis de l’évolution des carrières, Bernard Pêcheur souhaite réduire la mobilité des agents, pour cela il faut « relancer la politique de fusion des corps » , entamée en 2005. Il s’agit de réduire le nombre de branches dans les différentes catégories, pour «  créer dans certains cas des commissions administratives paritaires communes et développer les corps interministériels à gestion ministérielle, en en faisant des cadres professionnels interministériels  ».

Enfin, le rapport propose de créer des assises nationales et régionales de réflexion et de débat sur le sens de l’action publique, afin de dégager « une stratégie de long terme pour la fonction publique et le service public » dont l’état est « globalement inquiétant » et « appelle (à) des changements ».

Céline Tabou

La suppression de « toute forme d’indexation »

Le rapport préconise « d’écarter toute forme d’indexation, mais de suivre l’évolution générale du pouvoir d’achat de sorte que les fonctionnaires ne soient ni favorisés ni décrochés par rapport aux salariés du secteur privé ». Ce dernier explique que « les accords signés dans la fonction publique après 1984 marquèrent une rupture à plus d’un titre avec les pratiques anciennes d’indexation des salaires sur les prix ». Car conformément à la politique de désinflation, « les clauses d’indexation furent abandonnées. Les augmentations de salaire seront, à partir de 1985, programmées selon un échéancier annuel fixe, tenant compte des prévisions de prix du Gouvernement et non plus déterminées, comme à la fin des années 70, tous les trois mois, par ajustement sur l’inflation constatée. On notera qu’un premier accord salarial valable pour une période de 2 ans fut, en outre, signé le 12 novembre 1991 ». Ensuite, parce que « si toute référence aux prix ne fut pas abandonnée dans les accords (les clauses de rendez-vous annuels mentionnant une possible prise en compte des évolutions de prix a posteriori), la méthodologie de la négociation reposera désormais sur des mesures en masse (pour les salaires) et en moyenne (pour les prix) ». 

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