La jeunesse s’est éveillée

16 octobre 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

Le mouvement contre les retraites n’a cessé de s’élargir. De manière croissante, la jeunesse est au cœur du mouvement.

C’est le genre de vérité toute faite que les médias dominants et les bien-pensants de tout poil n’en finissent pas de ressasser : les jeunes ne « s’intéressent pas à la politique ». Ils ne « sont pas concernés » par tout ce qui est élections, lois, règlements, réformes. En bref, la chose publique n’est pas pour eux. Évidemment, ce discours profite d’abord à tous ceux qui tirent profit d’un système qui maintient la jeunesse en marge. Face au dogmatisme et la rigidité du pouvoir sarkoziste, les jeunes sont de plus en plus nombreux à rejoindre le mouvement social qui monte des quatre coins de la République, et à affirmer que la retraite est une affaire de jeunes.

Déni de démocratie

La volonté d’écarter les partenaires sociaux, le mépris pour les usages démocratiques, la volonté affirmée de fouler aux pieds les droits de l’opposition ont dominé l’attitude du pouvoir dans sa marche forcée à la « réforme » des retraites. Dès le départ, la morgue et l’arrogance ont prévalu du côté de l’exécutif. Comme à son habitude, M. Sarkozy a affirmé ne « pas voir » les grèves, et a indiqué par divers canaux qu’il ne tiendrait aucun compte des mobilisations sociales. Preuve de mépris plus profond encore, il a confié le soin de « réformer » à Éric Woerth, mis en cause presque chaque jour dans de troubles affaires où se croisent des milliardaires, des fonds publics et des trafics de médailles. Depuis les grands scandales de la fin du XIXème siècle — parmi lesquels, déjà, un trafic de Légion d’honneur — nul n’a sans doute autant incarné la connivence entre pouvoir, argent et oligarchie que ce ministre qui répète à qui mieux mieux qu’il faut « se serrer la ceinture » et « faire des sacrifices ». La brutalité a aussi gagné les débats parlementaires.

L’opposition bâillonnée

Le 15 septembre dernier, le président UMP Bernard Accoyer mettait fin purement et simplement à la séance, privant les députés progressistes de leur droit à l’expression. Éric Woerth lui-même se distinguait le même jour, en traitant de « collabo » une députée socialiste qui l’interpellait dans l’hémicycle. Lors du vote de la loi, 5.000 personnes, dont une majorité d’élus et de syndicalistes se massaient devant le Palais-Bourbon. Une semaine auparavant, plus de 2 millions de personnes avaient défilé dans toute la France. Le 23 septembre, plus de 3 millions de manifestants prenaient la rue. Élan confirmé par les rassemblements qui se sont succédé, jusqu’à la vague populaire de cette semaine. Ainsi, loin d’avoir poussé le gouvernement à renouer le dialogue, l’essor du mouvement s’est accompagné d’un regain d’injures, de « petites phrases »… alors que chaque jour ou presque apporte de nouveaux développements dans l’affaire Woerth.

Montée de la jeunesse

La brutalité du pouvoir a eu un effet exactement inverse à celui que recherchaient l’UMP et ses alliés : au lieu de briser le mouvement, elle l’a amplifié, l’a renforcé dans sa raison d’être et dans ses raisons d’agir. Longtemps, les syndicats avaient laissé la porte ouverte à la négociation. Aujourd’hui, les acteurs du mouvement social avancent unis contre la « réforme », et à l’avant-veille du passage de la loi au Sénat le 19 octobre prochain, l’exigence d’un retrait total, sans amendements, est à l’ordre du jour. Le phénomène le plus spectaculaire est sans doute l’entrée dans le mouvement de la jeunesse, et plus encore, des lycéens. Cette semaine, des établissements ont été bloqués par centaines. Des heurts ont opposé les forces de l’ordre aux lycéens, victimes de violences et cible des habituelles provocations policières ; hier, un lycéen a été blessé au flash-ball à Montreuil. Après quelques petites phrases infantilisantes, les élus UMP se sont fendus des injures dont ils sont coutumiers, y ajoutant les non moins coutumières accusations de « manipulation ». Travailleurs plus jeunes plus retraités, et de plus en plus de chômeurs : la formule commence à inquiéter sérieusement le pouvoir. La violence des attaques contre l’État social a fini par toucher une jeunesse aux valeurs généreuses, qui dans le même temps, s’indigne de plus en plus du ton ouvertement raciste et de la brutalité déployée par le gouvernement envers les Roms, les étrangers, les sans-papiers. Et elle rejoint aujourd’hui ces générations auxquelles on a voulu l’opposer, pour refuser la casse de son futur.

Geoffroy Géraud Legros

A la Une de l’actu

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus