Intervention de Gélita Hoarau

La LODEOM doit être amendée

12 mars 2009

Mardi soir, Gélita Hoarau est intervenue dans le débat parlementaire sur le projet de loi pour le Développement économique de l’Outre-mer. Elle a mis le doigt sur les manques du projet, eu égard à l’urgence sociale, d’une part, et à la crise structurelle, d’autre part. À cela s’ajoutent des potentiels importants pour chaque territoire qui pourraient être mis en valeur si les propositions des peuples concernés sont écoutées. La sénatrice annonce qu’elle déposera plusieurs amendements pour améliorer le texte. Voici les différents points abordés par son intervention.

Au cours des vingt dernières années, chaque nouvelle législature a vu l’adoption rapide d’un texte de loi sur l’Outre-mer. Malgré une préparation, débutée en 2006 avec la publication de plusieurs rapports d’audit ou des discussions menées par les préfectures, votre projet de loi n’arrive que maintenant en discussion et sous la pression des évènements que l’on sait.
Avant cela, plusieurs annonces ont été faites, ce qui fait que l’on a du mal à s’y retrouver.
A la fin janvier, à La Réunion, vous laissiez entendre qu’une centaine de projets seraient retenus au titre du Plan de relance pour 250 millions d’euros de dépenses. Actuellement, seule une douzaine sera financée pour 25 millions. En novembre, on promotionnait une stratégie de croissance pour l’Outre-mer — la STRACOM — déclinée en 20 actions et une centaine de mesures. Début février, le Président de la République change de cap et propose des États généraux dans les DOM. 


Le grand oubli de la LODEOM

Et le volet social ?

Pour en revenir au présent projet de loi et au regard des évènements actuels, il apparaît limité. Il lui manque notamment une dimension essentielle, l’aspect social, en un mot tout ce qui touche à l’humain.
De plus, les engagements pris à l’égard de l’Outre-mer par le candidat Nicolas Sarkozy n’ont pas non été plus concrétisés.
Le 12 juillet 2006, celui-ci préconisait des moyens pour développer le dialogue social. Il invitait à faire plus d’efforts pour l’éducation, pour améliorer l’offre de soins ou encore pour développer la coopération régionale. Ces thèmes ne sont pas évoqués.
Dans son avis, le Conseil régional de La Réunion invitait le Gouvernement à lier les avantages obtenus par les entreprises des exonérations fiscales ou de charges patronales à des augmentations de salaires ou à une baisse des prix. Il vous proposait d’introduire dans votre texte un chapitre consacré au développement humain. Cet avis n’a pas été suivi.
Depuis le second semestre 2006, je l’ai dit, les préfets ont consulté officieusement sur le projet de loi. Ensuite il y a eu la consultation officielle. Les organisations syndicales de salariés n’ont pratiquement pas été entendues.

Dans ces conditions, on peut comprendre l’ampleur des mouvements sociaux que nos pays connaissent.

La crise qui frappe nos départements ne résulte pas seulement du dérèglement financier qui secoue actuellement la planète entière. Elle ressort aussi de plusieurs décisions prises sur le plan national, depuis des années.

En présentant, à la veille de la manifestation du 5 mars dernier, un catalogue de 62 points concernant l’emploi, les salaires, les prix, le pouvoir d’achat ou encore le logement, le Collectif des Organisations Syndicales, Politiques et Associatives de La Réunion (le COSPAR) a rappelé que « la notion d’urgence sociale est arrivée à son paroxysme ».
Il ne trouvera guère de réponses satisfaisantes dans ce projet de loi. Il est à espérer que les États généraux qui seront organisés au mois de mai puissent répondre à toutes les attentes.


Un contexte en plein changement

APE, planteurs, octroi de mer et fonds structurels européens

Il conviendra cependant de prendre en compte tous les défis qui nous sont posés d’ici à 2019, échéance du présent projet de loi, et d’appréhender au mieux les atouts et les perspectives que nous pouvons offrir.
En ce qui concerne les défis, la signature, dans notre zone, des Accords de Partenariat Economique (APE) est prévue pour le début 2010. Ces accords modifieront profondément les termes de l’insertion de La Réunion dans son environnement géo-économique.
L’Afrique du Sud a décidé de se réinvestir dans ces Accords de Partenariat Economique. Nous ne pouvons pas négliger le rôle que cette puissance régionale est appelée à jouer dans notre environnement.
Nous avons subi, en 2008, les effets de la crise frappant les matières premières (intrants, carburants) avec une augmentation de leurs coûts. Nous nous interrogeons sur ce qui pourrait se passer dans les mois et années à venir.
De même, nous n’avons guère de lisibilité sur l’évolution de la crise alimentaire mondiale dont les effets les plus durs ont été ressentis l’année dernière.
En 2014, interviendra l’échéance du règlement sucrier européen. Au moment où s’engage parallèlement la réforme du budget de l’Union européenne et de la Politique agricole commune, quel va être le niveau de compensation pour le prix du sucre des Départements d’Outre-mer ? Comment bâtir une stratégie de développement de l’agro-nutrition sans visibilité et garantie à moyen et long terme sur la filière sucre, pivot de l’agriculture réunionnaise ?
2014 verra aussi l’expiration du régime actuel de l’octroi de mer, ce système fiscal spécifique aux DOM. Bruxelles acceptera-t-il la reconduction d’un dispositif dérogatoire et à quelles conditions ?
Une telle réforme s’ajoutera à l’exonération des taxes foncières proposées dans ce projet de loi ainsi qu’à la suppression de la Taxe Professionnelle envisagée sur le plan national avec des modalités de compensation qui sont encore imprécises.
Cette situation ne manquera pas de fragiliser les budgets des collectivités locales, lesquelles doivent aussi répondre aux nouvelles contraintes que leur fixe la loi de Finances 2009.
2014 correspond également à la fin des documents contractuels de programmation financière pluri-annuelle (contrat de projet avec l’Etat, programmes opérationnels avec l’Europe). L’hypothèse d’une évolution à la baisse du montant des aides de l’Union européenne doit être prise en compte. D’une manière plus générale, c’est le concept de Régions Ultrapériphériques qui sera discutée avec sans doute une remise à plat de la conception des relations qu’elles entretiennent avec l’UE.
Tous ces éléments pèseront sur l’économie et l’environnement des entreprises. S’ils ne sont pas maîtrisés, ils risquent de neutraliser tous les effets positifs de la Zone franche globale d’activités.

D’autres facteurs globaux continueront à produire silencieusement, mais irréversiblement leurs effets :
La Réunion poursuivra sa progression démographique. Des projections réalisées récemment par l’INSEE pour 2030 confirment la perspective du million d’habitants avec un accroissement des besoins dans tous les domaines (création d’emplois, logements, équipements, etc...)
Notre département, situé dans la ligne des cyclones, ne sera pas à l’abri du phénomène d’accélération du changement climatique et de ses effets. Il faut anticiper, notamment dans la politique de prévention des risques et d’aménagement du territoire.
Enfin, les négociations pour la mise en œuvre de l’OMC ne sont pas achevées. Mais les flux des échanges des hommes, des marchandises, des capitaux et des informations sont déjà en train de changer. La Réunion, qui se trouve à quelques heures de vol de 65% de la population du monde, peut se retrouver vite isolée si nous ne faisons rien.
L’intervention de tous ces facteurs aura pour conséquence de réduire encore la portée et sinon l’efficacité de la loi si on ne les prend pas tous en compte.


Face aux défis à relever

Des atouts réunionnais

Cependant, nous avons des atouts à faire valoir.
Nos populations sont relativement jeunes et bien formées. Ce sont des leviers que nous pouvons utiliser à la fois pour le développement de nos pays mais aussi pour favoriser leur intégration dans leur zone géographique.
Nous disposons de capacités de recherche non négligeables. Nous les avons sollicitées pour arriver à un objectif fixé par le Conseil régional : l’autonomie énergétique de l’île en 2025.
La combinaison de ces moyens et de cette volonté politique fait de La Réunion une pionnière dans le domaine des énergies renouvelables dont les acquis peuvent profiter à d’autres.
Notre longue expérience d’île sucrière nous a permis de nombreuses innovations tant agricoles qu’industrielles que nous exportons partout dans le monde.


Créer rapidement des dizaines de milliers d’emplois

Deux grands services d’intérêt public

Nous offrons une biodiversité unique.
La sauvegarde et la mise en valeur de ce patrimoine peuvent se réaliser, chez nous, par le Parc National de La Réunion, qui recouvre 42% du territoire, et dans la Réserve Naturelle marine. Il en est de même pour la collecte, le tri systématique et la valorisation des déchets. C’est là, je l’ai déjà dit, que nous pouvons trouver des milliers d’emplois à offrir en mettant en place un véritable service d’intérêt public de l’environnement.

Nos sociétés qui sont à peine sorties de la période coloniale connaissent une mutation avec d’importantes conséquences sociales.
Ainsi, de plus en plus de personnes des générations passées ont besoin du soutien de la société. A La Réunion, les offres d’accueil et d’encadrement pour les personnes âgées, les personnes handicapées et pour la petite enfance sont dramatiquement insuffisantes. Il est indispensable de donner à cette population fragile les moyens nécessaires pour vivre décemment si on veut assurer une cohésion sociale. Dans ce secteur aussi, les besoins en emplois se chiffrent par milliers. Et seule la création d’un grand service permettrait de satisfaire les demandes et de ne laisser personne sur le bord du chemin.


La perspective d’avenir

Un plan de développement durable

La Réunion a déjà élaboré son Plan Régional de Développement durable, créateur de richesses et d’emplois, basé sur les énergies renouvelables, les grands travaux, le développement des technologies de l’information et de l’image, l’utilisation de nouveau mode de déplacement, comme le tram-train, la consolidation de l’identité réunionnaise, avec le projet de la Maison des Civilisations et de l’Unité réunionnaise, et la coopération régionale. Elle est donc prête à participer aux Etats généraux du développement, annoncés par le Président de la République.


Tout ce que l’Outre-mer apporte à la France et à l’Europe

« Nous ne nous sentons pas dans une position d’assistés »

De plus, le siècle qui vient de débuter sera celui de l’espace et de la mer, a tendance à répéter un de nos anciens collègues, Paul Vergès.
Or, l’Outre-mer offre à la France et à l’Europe des entrées formidables dans ces deux domaines.
La base de Kourou, en Guyane, donne une ouverture incomparable sur l’espace. Nos zones économiques exclusives font de la France et de l’Europe de véritables puissances maritimes avec des accès à d’importantes richesses halieutiques et sous-marines.
Notre positionnement géographique met la France et l’Europe à la porte de plusieurs continents. Nous pouvons y être leurs frontières actives.
Quand nous additionnons tout cela, nous ne nous sentons pas dans une position d’assistés, car nous savons que nous apportons des richesses difficilement mesurables.
Aussi, Monsieur le Secrétaire d’Etat, lorsque l’on énumère à l’opinion publique les actions que l’Etat met en œuvre chez nous, lorsque l’on insiste sur les sommes qu’elles représentent, mais lorsque, dans le même temps, on oublie de signaler que ces efforts résultent de la nécessité de l’équité et de la justice sociales et lorsque l’on oublie de rappeler tout ce que nous apportons, on contribue aussi à accréditer l’idée que l’Outre-mer coûte cher au contribuable métropolitain.
Votre texte, Monsieur le Secrétaire d’Etat, s’il veut avoir une certaine efficacité, doit être amendé. C’est ce que je ferai tout au long du débat.

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