Ce que Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et François Bayrou ne disent pas

La menace d’un retour de la ’Constitution Giscard’

21 avril 2007

José Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, et Angela Merkel, Présidente en exercice de l’Union européenne, appellent les dirigeants européens à s’engager sur un programme visant à mettre en place un nouveau traité avant les prochaines élections européennes. Et de souligner que ce texte doit avoir pour base la "Constitution Giscard", pourtant massivement rejetée par les référendums organisés en France et aux Pays-Bas, deux pays fondateurs de la Communauté européenne. Ce programme doit être adopté quatre jours après le deuxième tour des législatives.
Pour La Réunion, les lourdes menaces contenues dans le projet de Traité constitutionnel européen ne sont pas écartées alors que le peuple avait pourtant tranché la question le 29 mai 2005. En ligne de mire : la primauté du dogme libéral de la « concurrence non-faussée » sur les spécificités sociales et économiques de La Réunion. Dans de telles conditions, le silence des trois favoris des sondages est inquiétant. Mais il découle d’une certaine logique puisqu’en 2005, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et François Bayrou ont fait campagne pour la Constitution Giscard.

Ce qui se trame en coulisses...

Repoussée par la volonté populaire traduite dans un vote massif, la "Constitution Giscard" risque de revenir sur le devant de la scène avant la fin de l’année. Une annonce d’autant plus inquiétante que Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et François Bayrou ont appelé à voter pour l’adoption de ce texte qui concrétise dans une Constitution les dérives libérales de l’Union européenne traduisant les directives de l’Organisation Mondiale du Commerce. Or, une Constitution est un texte de rang supérieur à toutes les lois. Et pour les Réunionnais, si la "Constitution Giscard" revient sur l’avant scène, c’est tout le développement du pays qui est menacé. Car c’est le libéralisme, et en particulier le principe de « concurrence libre et non faussée » qui s’imposerait à nos spécificités.
Cela montre bien que l’absence de l’Europe du cœur des débats de l’élection présidentielle est très préjudiciable. Car il est clair que se met en place une stratégie visant à faire passer en force un Traité constitutionnel européen reprenant la base de la "Constitution Giscard". L’objectif est de le faire ratifier avant les prochaines élections européennes, prévues dans deux ans.
En déplacement au Portugal le 13 avril 2007, le Président de la Commission a vivement demandé aux chefs d’Etat européens de trouver un prompt compromis au sujet de l’impasse institutionnelle avant 2009. C’est ce que souligne une dépêche parue sur le site "Euraktiv.com". Au cours d’un discours prononcé devant le Parlement portugais, le Président Barroso a déclaré : « L’objectif est d’avoir un nouveau traité en 2009, avant les prochaines élections au Parlement européen ». Selon "Euraktiv.com, « les dirigeants européens pourraient s’entendre sur un nouveau texte à l’occasion de la Conférence intergouvernementale (CIG) qui se tiendra sous la Présidence portugaise au deuxième semestre 2007 ».
Selon le Président Barroso, le point de départ devrait être le texte du Traité constitutionnel « déjà signé par tous les Etats membres et ratifié par 18 pays ». José Manuel Barroso a demandé de ne pas revenir sur les points du Traité constitutionnel qui ont trouvé l’accord des dirigeants européens. Le programme annoncé par le Président de la Commission européenne est tout à fait celui proposé par la Présidence de l’Union européenne.

Coup de force avant les élections européennes

En effet, d’ici le terme de la Présidence allemande à la fin du mois de juin, Angela Merkel veut présenter un « calendrier concret sur la marche à suivre en Europe », relève un communiqué du service de presse de la Présidence de l’Union européenne. Ce rendez-vous est le prochain Sommet européen, qui se tiendra quatre jours après les élections législatives. « Dans ce contexte, il est prévu de préserver le plus possible de l’essence du Traité constitutionnel qui a échoué », précise le compte-rendu du Sommet européen de Berlin, qui s’était tenu le 25 mars dernier. Et de souligner que « la Présidente du Conseil de l’Union européenne s’est fixé pour objectif d’avoir dès que possible un nouveau traité sur la table, en tout cas au plus tard au second semestre 2008 ».
D’ici là, de nombreuses discussions devront cependant encore avoir lieu, note la Présidence de l’Union européenne. Fait important : « l’opinion publique ne pourra pas toujours y être associée ».
Une chose est certaine : en juin 2009, les citoyennes et les citoyens européens élisent un nouveau Parlement européen. « Au plus tard d’ici cette date, on en saura plus sur l’avenir de l’Europe et en Europe », note la Présidence de l’Union européenne qui donne ensuite la parole au Président du Parlement européen, Hans-Gert Pöttering. D’après ce dernier, cela veut donc dire que la ratification d’un nouveau traité devra être terminée en juin 2009, soit avant les élections européennes. Autrement dit, avant que les citoyens puissent s’exprimer à travers le scrutin désignant les seuls représentants élus par le peuple dans les institutions européennes.

Les favoris des sondages ont voté "oui"

Que dire de plus si ce n’est qu’aujourd’hui plus que jamais, il est essentiel d’être vigilant quant au retour de la "Constitution Giscard". Une vigilance d’autant plus grande que Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy et François Bayrou ont fait campagne pour l’adoption de ce texte en 2005. Une stratégie suivie d’ailleurs de manière quasi-unanime par les Directions de leurs partis respectifs. Or, le 29 mai 2005, ils ont été mis en minorité par le peuple.
La regrettable absence du débat sur l’Europe au sein de la campagne présidentielle ne doit pas faire oublier que ces trois candidats ne proposent pas une remise en cause fondamentale de l’esprit contenu dans le projet de Traité constitutionnel européen. Ce pavé de 852 pages était la porte ouverte à de grandes menaces (voir articles). Pour avoir une idée de ce que peuvent entraîner les dérives libérales de la politique européenne transposant les directives de l’Organisation Mondiale du Commerce, il suffit de constater l’incertitude dans laquelle se trouve la filière canne-sucre et ses 15.000 emplois. Quel sera son avenir en 2014 ? C’est contre ces menaces que les Réunionnais ont voté à plus de 60% le 29 mai 2005.

Manuel Marchal


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus