Budget primitif 2007 du Département

« La population ne doit pas être victime de cette gestion »

7 décembre 2006

Sans transfert des moyens financiers à hauteur des compétences qui leur sont attribuées par la loi de décentralisation, les comptes du Département sont affectés. Nassimah Dindar le reconnaît, mais parle néanmoins d’un budget primitif 2007 « volontariste ». Refusant de cautionner « le désengagement de l’Etat et le laxisme du Département », les élus de l’Alliance s’opposent à ce budget qui axe son équilibre sur la taxation des contribuables, sans mention des grands projets de développement pour La Réunion.

C’est la première fois, depuis la prise de mandat de Nassimah Dindar à la tête du Département, que l’Alliance vote contre son budget. « On était parti pour s’abstenir, commente Eric Fruteau, Conseiller général PCR au sein de l’Alliance, mais on ne pouvait pas nier l’augmentation des impôts et ainsi cautionner le désengagement de l’Etat et le laxisme du Département ». En se déchargeant du principe constitutionnel de compensation intégrale des dépenses transférées, depuis 2004, l’Etat a accentué les charges de fonctionnement du Département.

L’Etat accumule ses dettes

Fonds d’aide aux jeunes, mise en œuvre de la politique en faveur des personnes âgées, fonds de solidarité pour le logement, politique de l’eau, personnels TOS... les nouvelles responsabilités de la collectivité départementale appellent à une gestion scrupuleuse de ses finances. Difficile de garder le cap avec la gestion du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) et de l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) en faveur des personnes âgées lorsque l’Etat entretient une ardoise de 56 millions d’euros au titre du RMI et de 36 millions au titre de l’APA. Résultat : les dépenses propres de la collectivité ont augmenté de 500 millions d’euros, soit 50% de ses dépenses de fonctionnement. Le surplus de charges non financés par l’Etat a jusqu’alors été compensé par la fiscalité, et Nassimah Dindar compte poursuivre dans cette voie. Elle précise que le relèvement des taux de fiscalité directe et indirecte prévu au budget primitif 2007 s’inscrit dans « une démarche d’ajustement modéré » qui permettra de conforter « la position du département visant à obtenir un complément de compensation au titre de la solidarité nationale ». Mais comment espérer un complément de compensation lorsque l’Etat ne respecte déjà pas ses engagements initiaux, à savoir une compensation à l’euro près, et accumule les dettes ? « Nous jugeons que le contribuable réunionnais n’a pas à payer pour les manquements de l’Etat », soutient pour sa part Graziella Leveneur, Conseillère générale PCR au sein de l’Alliance. Sachant que le nombre de érémistes et de personnes âgées continuera d’augmenter, quelle solution la collectivité aura-t-elle alors pour équilibrer son budget ? Elle aurait pu opter pour une diminution de ses charges de fonctionnement et d’investissement, relever la Taxe d’Importation sur les Produits Pétroliers (TIPP), reprendre la proposition du Préfet de rajouter un point à la TVA, mais elle a choisi l’augmentation des impôts locaux, la taxation des contribuables, soulignant par ailleurs que « les taux de fiscalité directe appliqués par le département de La Réunion sont les plus faibles de tous les départements de France ».

Déficit de 75 millions d’euros en 2011

Mais selon le rapport de Yann Le Meur, diplômé de la Faculté des Sciences économiques de Rennes 1, Consultant financier mandaté par la collectivité, aucune des solutions envisagées n’est de toute façon à la hauteur du défi que la collectivité a à relever.
« Il faut, selon lui, se retourner vers l’Etat et faire une demande de ressources spécifiques pour La Réunion en s’appuyant sur les facteurs RMI et APA qui sont loin devant ceux de Métropole », explique Graziella Leveneur. Certes la collectivité invite l’Etat à éponger ses dettes, entame un recours auprès du Conseil de sécurité signalant que le calcul de l’APA est faussé, mais le problème reste entier. En 2011, le déficit en épargne net du Département s’élèvera à 75 millions d’euros. Selon les prévisions, les charges liées à l’APA et au RMI ne cesseront d’augmenter passant de 112 millions d’euros en 2007 à 175 millions d’euros en 2011. Comment, dans ce contexte de gestion financière à flux tendu, la collectivité pourra-t-elle assurer ses propres actions de développement ? Comment pourra-t-elle pourvoir l’île en collèges, assumer sa responsabilité de la gestion de l’eau, construire suffisamment de crèches, pourvoir aux structures pour les personnes handicapées... Gérer les retards structurants et pourvoir les besoins énormes à venir ? « La taxation connaît des limites, assure encore l’élue de l’Alliance. La seule solution est que l’Etat compense le plus rapidement possible ». Mais comme le précise à son tour Eric Fruteau, élu PCR, membre de l’Alliance, « le budget national est incertain et les prévisions budgétaires locales vont en souffrir ».

« Un budget volontairement silencieux sur les enjeux »

Le budget de l’Outre-mer est en stagnation, les fonds européens gardent certes le même volume, mais s’affaiblissent, la croissance nationale au 3ème trimestre est quasiment nulle... « tous ces éléments viennent s’ajouter à une situation extrêmement difficile annoncée pour 2007 ». La collectivité est obligée de passer par l’emprunt : « la situation est très grave ». Deux solutions s’imposent : l’intransigeance à l’égard de l’Etat qui doit transférer les moyens financiers adéquats sans grever le budget des dépenses du Département et de son côté, la rigueur de la collectivité qui doit « maîtriser ses dépenses, se concentrer sur ses missions principales et essentielles, sans se dispenser et prendre la place de l’Etat (...). La population ne doit pas être victime de cette gestion », affirme encore Eric Fruteau. Mais comme le déplore et s’en inquiète Alain Armand, élu MRA, membre de l’Alliance, « à l’heure ou le Département et la Région vont contractualiser d’importants dossiers sur 6 ans, aucune allusion n’en est faite dans le budget du Conseil général ». Le basculement des eaux, l’incinérateur et ses alternatives, le TCSP mode bus réclamé par les anti-tram-train, l’avenir de la filière agricole, les programmations pour les collèges... « Il n’y a aucune lisibilité sur les grands projets ». Pour Alain Armand, il ne s’agit pas d’« un budget volontariste » mais bien d’« un budget volontairement silencieux sur les enjeux, sans mise en contexte, sans vision (...) sans proposition d’alternative au risque d’épargne négatif, sans prospective, sans plan B ». Il faut un engagement ferme de l’Etat sous cette mandature et la suivante. Au-delà d’une simple motion, il convient, selon Alain Armand, de présenter aux candidats à la présidence les besoins et exigences locales. L’Alliance refuse d’acter ce désengagement et demande des comptes à l’Etat. S’il n’honore pas ses engagements, la sanction politique devra tomber. Si le gouvernement suivant poursuit dans cette voie (et c’est ce qu’un bon gestionnaire devrait prévoir par anticipation), il faudra alors que les élus en place offrent d’autres perspectives, prouvent leur capacité à faire des économies.

Stéphanie Longeras


+ 150 euros de taxe foncière en 5 ans pour une case en bois sous tôles

« Ça n’est pas admissible »

Pour tenter de maîtriser son budget, de lui conférer un certain équilibre, la collectivité a choisi d’opérer un relèvement des taux de fiscalité à la charge du contribuable : +4,54% pour la taxe d’habitation, +6,45% pour la taxe sur le foncier bâti et +9,34% pour le foncier non bâti et encore +4,83% pour la taxe professionnelle. Un choix qui apparaît particulièrement injuste aux yeux des élus de l’Alliance. Elue de la commune de Saint-Pierre, Graziella Leveneur relève que de 2001 à aujourd’hui, pour une petite maison en bois sous tôles de 4 pièces en l’état, le résidant vivant avec le SMIC a vu sa taxe foncière augmenter de 150 euros, « sachant que cette augmentation est essentiellement liée à la taxe de l’enlèvement des ordures ménagères, précise l’élue. Ce n’est pas admissible, dans un contexte tendu où le pouvoir d’achat des Réunionnais est extrêmement réduit, alors que l’on tente de s’organiser pour mettre en place un Observatoire des prix et des revenus, que la présidente du département propose un peu plus de 9% d’augmentation des charges du contribuable ».

SL


An plis ke sa

• Au titre de la Ligne Budgétaire Unique, la dette de l’Etat s’élève entre 800 et 1.000 millions d’euros au titre de la politique du logement social
« Pourquoi ça n’avance pas ? », interroge Eric Fruteau. « Pourquoi ne peut-on pas bénéficier d’un programme pluriannuel prévu dans la loi Borloo pour que les autorisations de programmes se retrouvent clairement dans les autorisations d’investissements ? ». Pour le conseiller municipal PCR de Saint-André, « il faut réclamer l’application de la loi. Sur les questions majeures de l’assainissement, du logement, il faut l’unanimité des élus de La Réunion, sans politique politicienne. Si l’Etat ne transfère pas les fonds, la capacité en investissements structurants de la collectivité est remise en cause... Quelle sera notre capacité à dire unanimement : "Il faut arrêter !" ».

• Au 1er janvier 2008, l’Etat va supprimer la dotation de 33% du PIB
Pour évaluer le montant de la dotation financière globale pour La Réunion, l’Etat s’appuie sur l’inflation mais aussi sur l’augmentation du PIB. Il a décidé de supprimer ce second critère « au prétexte, comme l’explique Alain Armand, que l’Outre-mer doit participer à l’effort national de dépenses publiques sans tenir compte de nos spécificités et de nos retards structurels ». En plus de la non compensation des charges liées aux transferts de compétences aux collectivités, le responsable du MRA, membre de l’Alliance, souligne que cette réforme de dotation doit être prise en compte dans les prospections financières qui doivent servir à développer les grands projets structurants dont notre île a besoin.

• La mise aux normes des stations d’épuration va se solder par 500 millions d’euros à la charge des contribuables
En matière d’assainissement et de gestion de l’eau, « la situation des communes est grave ». Eric Fruteau souligne que la mise aux normes imposées par l’Europe s’évalue à 645 millions d’euros, et l’Etat n’apporte que 145 millions, soit 500 millions à la charge des contribuables. « Tout en respectant la santé publique et l’environnement, ne devrions-nous pas définir des critères particuliers pour l’assainissement dans notre département ? interroge l’élu communiste. Je crois que sur ce dossier, c’est l’unité que nous devrons chercher pour aider les communes à assumer leur compétence ».

SL


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