Vote sanction amplifié à La Réunion

La puissance de la Région Réunion au service de l’opposition au gouvernement

26 mars 2015, par Manuel Marchal

La presse d’hier et la conférence de presse commune UMP-UDI-Objectif Réunion montrent l’importance du rôle joué par le président de Région dans le résultat du premier tour des départementales. Il a amplifié le vote sanction contre le PS, réduit à 13 % en comptant le Progrès, dans un scrutin où plus de la moitié des électeurs n’ont pas voté. De quoi faire réfléchir les socialistes qui ont choisi de faire perdre l’Alliance aux Régionales de 2010 en maintenant leur liste au second tour. Leur tête de liste est même allée féliciter Didier Robert lors du vote de la présidence. La Région est un moyen considérable dans les mains de l’opposition au gouvernement. Les leçons de cette stratégie seront-elles tirées ? Va-t-on vers la prise de conscience que le soutien à la nouvelle route du littoral ne fait que renforcer les moyens de l’opposition au gouvernement à La Réunion ?

Panneau publicitaire dédié à la NRL après le passage d’un coup de vent... En soutenant le projet inutile et coûteux de Didier Robert, le gouvernement renforce son adversaire principal à La Réunion.

Dans la presse de ce mercredi, Didier Robert est mis en avant. Pour ces confrères, il est considéré comme l’artisan du score de l’opposition au gouvernement au premier tour. Hier, lors de la conférence de presse conjointe UMP-UDI-Objectif Réunion, il a fait l’objet de remerciements entre autres de la part notamment de Nadia Ramassamy, qui a loué l’action de la Région. C’est un élément qui marque une différence entre le contexte de la France et celui de La Réunion. Cette différence date des dernières régionales.

En 2010, le PS était dans l’opposition au gouvernement. Lors des élections régionales en France, il est arrivé à prendre le contrôle de toutes les Régions, sauf de l’Alsace. Cela veut dire qu’en France, l’UMP et l’UDI ne peuvent pas espérer le soutien d’une majorité régionale pour ces élections départementales, sauf en Alsace.

L’origine de la défaite : les régionales de 2010

À La Réunion, en 2010, l’Alliance était la majorité sortante. Il était clair que son positionnement politique n’était pas de soutenir le gouvernement UMP de l’époque. Lors des législatives de 2007, les candidats soutenus par l’Alliance avaient d’ailleurs appliqué la règle du désistement républicain au profit du candidat progressiste le mieux placé. C’était ce qui avait permis au PS de gagner deux députés, Jean-Claude Fruteau et Patrick Lebreton.

Lors du premier tour des régionales, l’Alliance est arrivée en tête avec plus de 30 % des suffrages. L’UMP était derrière à quelques points, tandis que le PS renforcé par les Verts, PSR et le MRC, plafonnait 13 %. Pour l’opposition au gouvernement, la situation était donc plus favorable à La Réunion que dans d’autres Régions où l’UMP était en tête au premier tour. Dans un scrutin de liste, le désistement républicain peut s’appliquer de deux manières : retrait et appel à voter pour la liste la mieux placée, ou fusion des listes. Les socialistes ont refusé les deux choix. Cela ouvrait la voie à la victoire de l’UMP. Voici aujourd’hui que jouent à fond les conséquences de cette décision.

La Région bastion de la politique anti-gouvernementale

À l’approche des élections départementales, la Région est devenue clairement le bastion de la politique anti-gouvernementale. Son président ne rate pas une occasion d’affronter le gouvernement. Il a même rendu nommément la ministre des Outre-mer responsable de la « casse de la continuité territoriale ».

Au moment de ses vœux pour 2015, Didier Robert a annoncé la couleur : le lancement dans l’urgence d’un nouveau dispositif d’aide aux vacances financé cette fois-ci à 100 % par la Région Réunion. En un mois, la première tranche de cette subvention a fait l’objet de 20.000 demandes. Ce sont autant d’électeurs qui auront reçu une aide financière de la Région Réunion pour partir en vacances en France.

Les moyens de la Région ont aussi pesé pour faire éclater la majorité sortante du Conseil général. En effet, la présidente de cette assemblée a choisi de se tourner vers la Région pour devenir présidente du prochain Conseil départemental. Or, depuis 2008, Nassimah Dindar est à la tête d’une majorité où le Parti socialiste participe aux décisions. Hier en conférence de presse, elle s’est clairement positionnée comme soutien à part entière de Didier Robert. Elle prendra une part active à la campagne des régionales du président sortant, a-t-elle dit, tout en dénonçant « une casse sociale socialiste ». La rupture est donc belle et bien consommée avec la composante socialiste de sa majorité.

Cette photo est la conséquence d’une décision prise en 2010 entre les deux tours des régionales.

La Région amplifie le vote sanction

Le premier tour des élections départementales a vu les Réunionnais sanctionner les promesses non tenues de 2012. Près de deux électeurs sur trois ont choisi de ne pas se déplacer, de voter nul ou blanc. Sur les suffrages exprimés, le score du PS est exceptionnellement bas : 8 %. Même en ajoutant les voix du Progrès, cela fait à peine 13 %. C’est 8 points de moins que le score du PS en France, tout en sachant qu’à La Réunion, l’extrême droite n’a pu convaincre que 2 % des votants.

Le vote sanction est donc amplifié à La Réunion. Au-delà de la déception vis-à-vis de la politique du gouvernement, c’est aussi la conséquence de cinq ans de politique électoraliste à la Région Réunion : distribution de bons pour acheter des ordinateurs, soutien à la création massive d’emplois précaires et subvention pour faire baisser le prix des billets d’avion entre autres. Tout ceci a fait la promotion des candidats soutenus par l’opposition au gouvernement.

Tous les pouvoirs contre le gouvernement en 2017

Le vote sanction du premier tour des départementales a donc été amplifié par une décision prise par le PS en 2010. Autrement dit, les socialistes ont donné le bâton pour se faire battre. Et à La Réunion, l’opposition aura tous les pouvoirs : elle détient la Région, la majorité des communes, la présidence de toutes les communautés d’agglomération sauf une qui est tournante, et dimanche prochain elle a de grandes chances d’avoir la majorité des sièges au Conseil général. Les responsables de la coalition UMP-UDI-Objectif Réunion ont d’ailleurs annoncé qu’ils pensent déjà à la présidentielle et aux législatives. Ils vont donc utiliser toutes ces collectivités pour mener la vie dure au gouvernement pendant ces deux prochaines années.

Avant les régionales de 2010, la situation était totalement à l’opposé, la mouvance UMP n’avait la main que sur une seule communauté d’agglomération et une minorité de communes. Il est donc clair que si l’Alliance était restée à la tête de la Région Réunion, la situation serait totalement différente. La coalition UMP-UDI-Objectif Réunion n’aurait pas eu les moyens qui lui ont permis de laminer le PS et d’exclure toute composante progressiste de la future majorité départementale.

C’est donc maintenant que La Réunion voit le résultat d’une décision stratégique prise en 2010. Gageons que les enseignements en soient pleinement tirés. Une question peut servir en tout cas de révélateur : va-t-on comprendre que le soutien à la nouvelle route du littoral ne fait que renforcer les moyens de l’opposition au gouvernement à La Réunion ?

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