Le Réseau d’Alerte sur les Inégalités et le bilan des gouvernements Raffarin - 4 -

La “réforme” du dialogue social : renards libres dans poulailler libre

30 décembre 2004

Le dernier rapport du Réseau d’Alerte sur les Inégalités (R.A.I.) démontre l’aggravation des injustices par la politique des divers gouvernements Raffarin en matière sociale et fiscale (voir “Témoignages” depuis lundi). Le rapport se penche également sur les atteintes au dialogue social par les gouvernants.

(Page 3)

La majorité de l’Assemblée nationale a adopté le 4 mai 2004 une loi “Fillon” qui bouleverse la négociation collective en France et Outre-mer. Traditionnellement, les accords d’entreprise devaient respecter les règles négociées par la branche professionnelle ; les accords de branche, eux, devaient être compatibles avec les accords interprofessionnels (signés par les confédérations syndicales et le MEDEF) ; ces accords interprofessionnels devaient eux-mêmes être conformes à la loi.
Cette “hiérarchie des normes” est complètement renversée par la loi du 4 mai 2004. Désormais, les accords de branche peuvent déroger aux accords interprofessionnels, sauf si les signataires au niveau national l’interdisent explicitement.
De même, les accords signés au niveau de la branche peuvent parfaitement être violés par des accords d’entreprise, sauf si l’accord de branche l’interdit explicitement. Seuls les salaires minima et la protection sociale complémentaire de branche ne pourront être réduits par des accords d’entreprise.
Mais la durée du travail, les congés, les indemnités de licenciement, les heures supplémentaires, tout pourra être renégocié à la baisse au niveau de l’entreprise, voire même de l’établissement, là où les patrons peuvent exercer le chantage à l’emploi le plus direct sur des syndicats souvent très faibles, parfois même complaisants.
En outre, la loi ouvre la possibilité aux patrons de négocier des accords avec les élus du personnel (Comités d’entreprise ou délégués du personnel) sans passer par une représentation syndicale.
Quand on sait que dans de nombreuses entreprises sans syndicat, c’est le patron qui désigne les candidats aux élections professionnelles, il y a de quoi s’inquiéter sur les “accords” qui seront ainsi signés ! Ce n’est pas le contrôle prévu par une lointaine “commission paritaire de branche” qui sera de nature à rétablir l’équilibre entre le patron et les salariés... Le monde du travail risque de ressembler de plus en plus à une jungle avec des renards libres dans un poullailler libre.

(à suivre)


Code du travail : de nouveaux mauvais coups

Le gouvernement Raffarin a commencé en envoyant un message clair aux chefs d’entreprise : licenciez tranquilles. Le 19 décembre 2002, le Parlement a “suspendu” les principales mesures de la loi de modernisation sociale laborieusement adoptée début 2002 par la gauche plurielle.
Il s’agissait notamment des mesures qui imposaient de disjoindre l’examen des causes économiques du plan de suppressions d’emplois et celui des mesures prises pour limiter les licenciements (“plan social”). Les “patrons voyous” dénoncés par Jacques Chirac ont donc trouvé leur inspiration au sommet...
Bien sûr il ne s’agissait que d’un apéritif. La “simplification du code du travail”, comme s’intitule le rapport rédigé par De Virville (secrétaire général de Renault), figure en bonne place dans loi “pour la cohésion sociale”.


Service public de l’emploi : la privatisation rampante a commencé

Pratique généralisée par le gouvernement Jospin, les rapports officiels se succèdent à un rythme accéléré pour préparer les esprits aux “nécessaires” régressions et tester les réactions des partenaires sociaux. MM. Marimbert et Balmary ont ainsi rendu récemment deux rapports portant sur le fonctionnement du système public de l’emploi, ANPE, UNEDIC etc...
Pourquoi deux rapports ? On peut se le demander car ils mettent en avant la même priorité : le recours accru de l’UNEDIC et de l’ANPE à la sous-traitance auprès de prestataires privés, la mise en concurrence de l’ANPE avec ces prestataires (agences de placement ou d’intérim), le développement de “services payants” pour l’ANPE elle-même, bref, la privatisation rampante du service public de l’emploi. Le tout sous l’impulsion d’une “gouvernance” du système public de l’emploi coordonnée par l’Etat.
Pourtant le rapport Marimbert critique la “complexité” du système, la “pluralité des opérateurs” et la “multiplication des réunions de coordinations” qui s’opèrent au détriment des services rendus aux chômeurs et aux entreprises.
Mais faute de vouloir reprendre en main l’UNEDIC, pourtant en pleine dérive sous l’impulsion du MEDEF, le gouvernement choisit la fuite en avant dans la privatisation et la complexification d’un système déjà incohérent. La petite originalité du rapport Marimbert est quand même de s’interroger sur les “difficultés persistantes” du contrôle de la recherche d’emploi, et le nombre anormalement bas à ses yeux (seulement 0,1% des chômeurs) des radiations pour absence de recherche effective d’un emploi. Il recommande de lutter efficacement contre les “véritables abus tout en évitant des amalgames injustes au détriment de la grande majorité des chômeurs”. C’est le refrain habituel sur les “bons” chômeurs et les autres...
Le rôle pivot du service public, donc de l’ANPE en ce qui concerne le placement, reflète l’idée que le travail n’est pas une marchandise comme une autre, que l’Etat a une fonction de régulation dans l’allocation de la force de travail et le jeu du marché. La mise en concurrence du placement est le reflet d’une conception libérale du marché qui règle tout.
Cette conception véhicule une représentation où les salariés sont vus comme des individus “libres” circulant sur des marchés pour en tirer le meilleur profit. Tous les individus ne sont pas pour autant aussi “libres”. Le Gouvernement avait ainsi formé le projet de faire porter sur des travailleurs étrangers sans papiers la responsabilité individuelle de l’illégalité de leur emploi. Ce projet a avorté grâce à une mobilisation importante. Il traduit néanmoins le projet de ce gouvernement libéral : remettre en cause le fait que le rapport entre le salarié et son employeur est profondément inégalitaire, que le travail n’est pas une marchandise comme une autre mais un rapport social. C’est là tout le fondement du Code du Travail que le Gouvernement s’emploie à miner.


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