Retard dans l’utilisation des fonds européens

La relance aura-t-elle une volonté ?

29 juin 2012, par Geoffroy Géraud-Legros

Les orientations économiques des trois dernières années, hostiles aux grands programmes structurels, ont considérablement ralenti l’activité et accru le chômage à La Réunion. Le même désintérêt pour les choix à long terme affectera-t-il l’emploi des fonds européens, essentiels à la reprise économique ?

Où sont les instruments concrets de la reprise du travail et de la croissance à La Réunion ? Ces interrogations reviennent sans cesse du côté des syndicats et des artisans. Ceux-ci constatent, depuis le début de la crise, et singulièrement, depuis 2010, un effondrement des secteurs porteurs d’emplois à La Réunion. C’est dans le BTP que la faillite est la plus criante… et où l’absence de volonté politique se paie le plus cher.

Le déclin programmé de l’activité industrielle

En deux ans, plus de 8.000 emplois ont été détruits dans la branche, entraînant une dépense de 270 millions pour l’allocation chômage. Ajouté aux versements du RSA pour les travailleurs en fin de droits, soit 57 millions d’euros par an, le coût global des seules prestations sociales consécutives à l’arrêt des grands travaux pour la période 2009-2014 — date de l’échéance du mandat régional — devrait s’élever à 441 millions d’euros. Cela sans compter l’endettement catastrophique des artisans du BTP qui tablaient sur une continuité de l’investissement régional dans les grands travaux. Déjà fragilisées en 2008 par l’abandon d’un grand ouvrage dans le Sud — la rocade du Tampon — les petites et moyennes entreprises réunionnaises du BTP ont plongé ces trois dernières années, après l’abandon définitif des grands chantiers programmés par la majorité précédente. « Nous survivons, nous sommes au jour le jour », confie l’un d’entre eux à « Témoignages », « nous sommes totalement sous perfusion, et nous devons faire très attention à ne pas trop critiquer. Les murs ont des oreilles, et il faut montrer patte blanche. Il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus », précise cet artisan, qui tient à rester anonyme. Un propos qui fait écho au constat établi par Dominique Vienne (CGPME) au début du mois, indiquant une destruction en 3 ans de l’équivalent de l’ensemble des emplois créés dans le secteur ces 15 dernières années. Dans ce contexte, une relance éventuelle de cette branche autrefois active de l’industrie réunionnaise est suspendue à la mise en œuvre des grands travaux envisagés par la majorité régionale en remplacement des chantiers annulés lors du basculement de la Région à droite, en 2010. Or, force est de constater que seuls des travaux de petite envergure ont suivi les annonces de grands ouvrages structurels, pourtant très largement médiatisés.

Utilisation des fonds européens : quelle volonté ?

C’est dans cet état des lieux économique préoccupant, qu’intervient l’annonce du retard conséquent accumulé par La Réunion dans la programmation des investissements européens. Faut-il craindre que, là encore, le désintérêt pour la vision à long terme, qui marque les conceptions néo-libérales portées par l’UMP, ne provoque, sous peu, un coup d’arrêt donné au développement du pays ? S’il n’est pas possible de l’affirmer avec certitude, force est de constater que les perspectives sont pour le moins alarmantes. Ainsi, selon un rapport réalisé par l’Agence de Services et de Paiement (ASP) pour la délégation Interministèrielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité régionale (DATAR), La Réunion est désormais en queue de peloton pour la programmation des investissements structurels. En ce qui concerne le programme Feder (Fonds européen de développement régional), seuls 55, 3% des moyens ont été programmés au 1er juin 2012. Avec 560 millions d’euros affectés sur les 1,14 milliards mis à disposition par l’Union Européenne, La Réunion est au dernier rang des régions d’Outre mer. Du côté des moyens pourvus par le Fonds solidaire européen (FSE), La Réunion est avec 70,9% de programmation, la 22eme des 26 régions françaises et avant-dernière des régions d’outre mer. La moyenne nationale de programmation pour le FSE se situe, elle à 79,6%... Les fonds non utilisés étant susceptibles d’être perdus, la question du volontarisme dans le secteur économique se pose plus que jamais à notre pays.

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