Rapport de l’ONU sur l’urbanisation dans le monde

La Réunion parmi les pays les plus urbanisés du monde

10 février 2016, par Manuel Marchal

L’ONU vient de publier un rapport sur l’urbanisation. Il permet de souligner combien l’histoire de La Réunion et ses perspectives sont singulières.

Saint-Denis compte aujourd’hui 150.000 habitants.
Le choix des gouvernements successifs de concentrer les investissements sur ce secteur a contribué à l’accélération de l’urbanisation de La Réunion.

Selon l’ONU, La Réunion est le 11e pays le plus urbanisé du monde. Mises à part les cités-régions ou cités-État comme Hong-Kong, Macao, Singapour ou Monaco, et des pays désertiques tels que le Qatar ou le Koweït, notre île se situe donc dans le peloton de tête.

Avec un relief montagneux et un foncier agricole important, la tendance à l’urbanisation est favorisée dans notre île. Il est à noter que la Guadeloupe a connu un phénomène analogue. Elle dépasse même La Réunion en taux d’urbanisation, bien qu’elle ne partage pas avec notre île un caractère aussi montagneux qui pourrait expliquer cette évolution. Les données diffusées par l’ONU montrent que La Réunion a connu une évolution singulière de sa population urbaine. Au moment où le statut colonial est aboli, La Réunion est un pays clairement rural. En 1955, 9 ans après la loi du 19 mars, le pourcentage d’habitants des villes par rapport à la population totale était de 23,5 %, c’est-à-dire inférieur de 8 points à la moyenne mondiale, et de 35 points par rapport à la France qui était alors un des pays européens les plus ruraux.

Dans notre région, Maurice était le pays le plus urbanisé, avec 31 % de citadins, devant les Seychelles avec 27,7 %.

Part de la population des villes dans la population totale de 1955 à 2050
Années 1955 1975 1995 2015 2035 2050
La planète
Monde 31,6% 37,7% 44,7% 54,0% 61,7% 66,4%
Régions les plus développées 57,8% 68,8% 73,3% 78,3% 82,5% 85,4%
Pays en voie de développement 19,7% 26,9% 37,4% 49,0% 58,1% 63,4%
Notre région
La Réunion 23,5% 44,5% 86,1% 95,0% 96,3% 96,8%
Maurice 30,9% 43,4% 43,3% 39,7% 41,2% 46,3%
Madagascar 9,1% 16,3% 25,8% 35,1% 47,0% 55,0%
Comores 9,2% 21,2% 28,3% 28,3% 33,1% 38,2%
Seychelles 27,7% 46,3% 49,5% 53,9% 60,3% 65,0%
Mozambique 4,1% 9,6% 27,5% 32,2% 40,8% 49,1%
Les superpuissances
Chine 13,9% 17,4% 31,0% 55,6% 71,1% 75,8%
Inde 17,6% 21,3% 26,6% 32,7% 42,1% 50,3%
L’ancien monde
Europe 54,3% 65,4% 70,5% 73,6% 78,3% 82,0%
France 58,2% 72,9% 74,9% 79,5% 83,7% 86,3%

Brutal exode rural

Au cours des 20 années suivantes, La Réunion a rattrapé ses deux voisins avec un taux de 44,5 %. Les Seychelles comptaient 46,3 % d’urbains, contre 43,4 % à Maurice. Pour sa part, la France comptait alors 73 % d’habitants vivant dans les villes.

20 ans plus tard, la tendance avait totalement changé. En 1995, La Réunion comptait 86 % de citadins, alors que ce pourcentage atteignait 46,3 % aux Seychelles, et 43,4 % à Maurice. En 20 ans, le taux d’urbanisation de La Réunion a dépassé celui de la France, qui était en 1995 de 75 %.

Les chiffres de l’ONU montrent que l’accroissement de la population dans notre île s’est accompagné d’un exode rural très brutal. Ces 20 années ont en effet coïncidé avec la fermeture de la quasi-totalité des usines sucrières, et la fin du géranium. Ce sont des dizaines de milliers de travailleurs qui ont été ruinés. Ils ont alors cherché l’espoir dans les villes. La concentration de la population des villes est donc contemporaine de l’évolution de La Réunion d’une société de plantation ou existait le plein emploi, à une économie dominée à plus de 85 % par les services, qui rejette dans la précarité et le chômage la moitié de la population.

En 20 ans, La Réunion a connu un exode rural qui s’est étalé en France sur plusieurs siècles.

Evolution comparée des populations urbaines des pays de notre région.

95 % de citadins

Cette tendance à l’urbanisation était également la conséquence de l’aménagement du territoire. Tous les équipements importants se sont en effet concentrés près du littoral. C’est aussi le cas de voies de communication. Il a en effet fallu attendre la mise en service de la route des Tamarins pour que les habitants des villages de mi-pente et bourgs des hauts de l’Ouest ne soient plus obligés de descendre dans les bas pour se rendre à Saint-Denis ou vers le Sud.

On peut noter qu’à Maurice durant la même période, la proportion des citadins a diminué. Cela signifie que des moyens ont été trouvés pour que la croissance démographique se répartisse sur tout le territoire, avec le maintien ou des créations d’activité.

Entre 1995 et 2015, la croissance de la population urbaine a été relativement moins importante. Elle atteint tout de même 95 % cette année.

L’exode rural et la transformation de l’économie ont eu lieu sans que changent les structures politiques. La Réunion a le même statut que lorsqu’elle était un pays de plantations et d’industries, la création de la dernière commune date d’avant le grand exode rural.

L’évolution de la population urbaine : illustration de la différence entre La Réunion et les pays européens.

L’erreur du tout-automobile

Le rapport de l’ONU donne une perspective. Si rien n’est fait, le phénomène ira encore en s’accentuant. Pour 2035 et 2050, c’est-à-dire quand La Réunion aura un million d’habitants, l’ONU prévoit que notre île compte entre 96 et 97 % de citadins. Cela signifie que 960.000 Réunionnais vivront dans des villes.

La rapide urbanisation de La Réunion s’est faite également sur la base d’un moyen de transport inadapté à la situation, l’automobile. Une si forte proportion de personnes dans les villes est en effet un terrain idéal au développement des transports collectifs. Au lieu de cela, le choix du tout-automobile donne les embouteillages actuels. Et les rues des villes sont transformées en immenses parkings. C’est un foncier précieux qui est concédé à ce moyen de locomotion. Quand elle était un pays agricole, La Réunion avait un train. Malgré l’importance prise par la population des villes, la reconstruction de ce moyen de transport est combattue. Et tous les investissements liés à la mobilité sont destinés à l’automobile, l’essentiel étant concentré sur un projet de route en mer, la NRL, long de 12 kilomètres.

Un des projets défendus par la majorité régionale actuelle est d’amplifier encore l’urbanisation dans les bas, avec la construction d’une ville de 40.000 jabitants proche du niveau de la mer.

Or, l’urbanisation actuelle de La Réunion sera confrontée dans les décennies à venir à son plus grand défi, la montée du niveau de l’océan Indien à cause du réchauffement climatique. Cette donnée remettra tout à plat, et devra être prise en compte pour imaginer l’urbanisation de demain.

M.M.

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Messages

  • Une véritable politique de développement de l’ensemble de notre territoire est évidemment la seule solution pour construire un avenir à notre île dans toutes ses micro-régions, ses écarts. Il faut cesser d’encourager la centralisation. La paupérisation de notre jeunesse va devenir explosive et les chômeurs actuels ou autres auto-entrepreneurs feront des retraités miséreux.
    Les institutions pourraient donner un élan en installant leurs organes majeurs dans les Hauts : le Parc national à La Plaine des Palmistes certes, mais pourquoi pas la Région à Saint-Joseph, le département à Sainte-Rose... c’est ce genre d’initiatives qui crée des pôles salutaires et pourrait désengorger les infrastructures existantes qui, quelque soit le montant des travaux engagé, ne seront jamais suffisantes.
    Rappelez-vous la RN de l’Est a fait sauté le bouchon du rond-point de La Mare et n’a accordé de répit dans les embouteillages seulement de quelques semaines aux automobilistes !
    Le développement durable passe aussi par là.


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