Le président de la Région Réunion et les mesures du Conseil interministériel sur l’Outre-mer

La Réunion : Partenariat réel et respect des droits sont des préalables au développement durable

14 novembre 2009, par Manuel Marchal

Le président de la Région Réunion a fait part de son analyse des mesures annoncées par le président de la République lors du Conseil interministériel pour l’Outre-mer. Ces annonces décrivent une stratégie qui s’inscrit dans le projet Réunion 2030, indique Paul Vergès, qui note la reprise d’un certain nombre d’orientations stratégiques. Mais des aspects confus restent à clarifier, et le préalable à cette stratégie est de répondre à l’urgence sociale par des gestes en direction de l’emploi et du logement.

Voici une semaine à l’Élysée, le Conseil interministériel sur l’Outre-mer a marqué le temps des premières décisions après la phase de concertation dans le cadre des États généraux. Il s’est conclu par un discours du président de la République en présence de nombreux élus. Une semaine après, le président de la Région Réunion a fait part hier de son analyse des propositions annoncées, et des perspectives possibles.
Ces décisions s’inscrivent dans un contexte marqué par des changements considérables. Dans notre région, ce sont de grands pays qui viennent investir (Canada, Etats-Unis, Chine). À La Réunion comme dans les autres Outre-mers, c’est une crise sociale générale montrant les limites du système mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Cette vision souligne la nécessité de rompre avec le passé, mais cette rupture est difficile après trois siècles d’assimilation, marqués par une accélération de ce phénomène au cours des 60 dernières années. C’est ce que rappellent d’ailleurs les réactions aux mesures annoncées par le CIOM. Elles sont chez certains déterminées par l’appartenance ou pas à un camp politique dont l’état major se situe en France.
Concernant le fond des mesures, tout d’abord, Paul Vergès note la reprise par le président de la République d’orientations stratégiques défendues depuis des décennies par des Réunionnais (voir encadré). Le président de la Région Réunion note que le CIOM met l’accent sur les énergies renouvelables, la sécurité alimentaire, la coopération régionale, l’université de l’excellence, le CHU, le GERRI social et la compagnie régionale maritime. Ces reprises font que le discours n’est pas fondateur.

La crise d’un système

Mais une clarification reste à faire pour redonner confiance. Tout d’abord, le gouvernement veut mettre l’accent sur une plus large responsabilité des collectivités locales, et dans le même temps, il propose de créer un sous-préfet chargé de l’emploi des jeunes notamment. Autre création : celle d’un représentant du gouvernement chargé du développement endogène.
Pour le président de la Région, la décision est de prendre acte des orientations stratégiques prises par le gouvernement, tout en soulignant les interrogations quant aux mesures d’application.
Mais au-delà de ces mesures, le président de la Région Réunion met en avant un préalable : répondre à l’urgence sociale. Cette réponse peut passer par des gestes immédiats en matière de lutte contre le chômage et de construction de logements sociaux. Sans cela, c’est l’adhésion de la population au projet qui est compromise, avec l’aggravation de la situation et le renforcement des inégalités.
Aujourd’hui, notre île est devenue une économie dominée à 80% par les services. Mais ce dernier secteur est en majorité alimenté par les transferts publics, puisque son élément le plus dynamique est la croissance des effectifs dans la fonction publique d’État. Et cette dernière repose toujours sur un acquis du 19 mars 1946, c’est le supplément colonial qui est devenu la prime de 53%. Et toute la société réunionnaise s’est construite autour de ces 53%, rappelle Paul Vergès, ce qui démontre toute la fragilité de l’édifice et les risques d’isolement des salariés de l’État (voir encadré).
Car dans le même temps, l’absence de développement fait que le nombre de travailleurs privés d’emploi est supérieur à celui des salariés du secteur privé. Ce non-développement explique le fait que 52% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. À cette situation s’ajoute la crise, facteur aggravnt.

En finir avec l’apartheid social

C’est cela qui est à l’origine de la déception et du mécontentement des socio-professionnels à la suite du Conseil interministériel de l’Outre-mer. Or, le système actuel démontre toutes ses limites, alors que les prévisions de l’INSEE annoncent une augmentation annuelle de 4.500 personnes de la population active, soit 22.500 personnes en cinq ans. C’est notamment le résultat de la progression du nombre de jeunes en âge de travailler. Face à cette réalité, comment s’adapter ?
Le président de la Région Réunion note dans notre île « une situation infiniment plus grave qu’aux Antilles et en Guyane ». C’est une division entre deux mondes, qui fait que beaucoup de Réunionnais vivent « en plein apartheid social ». Et l’aggravation de la crise est en train de faire éclater « la logique d’un système ».

La priorité est donc d’en finir avec l’apartheid social qui exclut la majorité de la moitié de la population réunionnaise, affirme le président de la Région. Créer des emplois et construire des logements est une première réponse, car l’enjeu est d’intégrer toutes ces personnes, et sans cela, aucun développement durable ne sera possible, et aucune stratégie ne pourra recueillir l’adhésion d’une large part de la population.
C’est le moment de la rupture idéologique, l’ère de la responsabilité a sonné, conclut Paul Vergès, « nous voulons un partenariat réel et faire respecter nos droits ». Les récents exemples de la construction de la route des Tamarins, des avancées reconnues sur le plan de l’autonomie énergétique et du projet d’Airbus A380 d’Air Austral font la démonstration que le Réunionnais, intégrés dans la République, apporte la solution à la résolution de ses problèmes en mettant en œuvre des actions à La Réunion.

Manuel Marchal


Des orientations stratégiques confortées

Parmi les mesures décidées par le Conseil interministériel sur l’Outre-mer, Paul Vergès note que les éléments s’inscrivant dans le projet Réunion 2030 rejoignent des orientations formulées à La Réunion. Voici quelques exemples donnés hier :

• Energies renouvelables
Le CIOM met l’accent sur les énergies renouvelables. C’est une priorité depuis dix ans à La Réunion, c’est-à-dire depuis qu’a été lancé le mot d’ordre d’autonomie énergétique.

• Sécurité alimentaire
La sécurité alimentaire est aussi un point mis en avant par le CIOM. Paul Vergès rappelle que cette revendication figure dans le programme fondateur du Parti communiste réunionnais, un programme adopté voici un demi-siècle.

• Co-développement
Le CIOM prévoit des mesures pour accentuer la coopération régionale, et parmi celles-ci figure la possibilité pour la Région Réunion d’avoir des représentations dans les pays de la COI. Il existe déjà une Maison de la Région Réunion à Madagascar, c’est donc un encouragement à poursuivre ce type d’initiative.

• Centre hospitalier universitaire
Le président de la République a affirmé que la première étape vers la création d’un Centre hospitalier universitaire (CHU) est enclenchée.
Paul Vergès rappelle que lors de la venue du Premier ministre Dominique de Villepin en 2006, il avait proposé à ce dernier la création d’un CHU à La Réunion. « Deux parlementaires de La Réunion se sont alors levés et ont expressément condamné ce qu’ils qualifiaient d’utopie », rappelle le président de la Région. L’un de ces deux élus était Jean-Paul Virapoullé.
Pourquoi construire un CHU pour 800.000 habitants ? Quel professeur de médecine viendra s’enfermer à La Réunion ? Tels étaient les arguments invoqués par les opposants au CHU.
Mais quand il a proposé la création d’un CHU, Paul Vergès situait cet équipement dans la perspective d’une utilisation par les habitants de toute la région, c’est-à-dire un CHU pour 40 millions d’habitants. Force est de constater que c’est cette approche qui a été rejointe par le président de la République.

• Conférence pour l’emploi
Le CIOM préconise un GERRI social à La Réunion. Sur le modèle du GIP GERRI, cela signifie que toutes les personnes concernées par la question de l’emploi à La Réunion sont invitées à s’asseoir autour d’une même table afin de discuter de mesures pour faire face à la situation spécifique de La Réunion. Cette mesure rejoint la proposition de la Conférence permanente pour l’emploi, inscrite dans plusieurs documents, dont la plate-forme de l’Alliance signée par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était candidat à la Présidentielle.


Salaire des agents de l’État

Solidarité ou isolement des fonctionnaires d’État au moment de la crise ?

Quelques jours avant la conclusion des États généraux, un rapport a été versé au débat. Rédigé par une mission sénatoriale, il a été adopté à l’unanimité des groupes politiques du Sénat d’une commission.
Or, ce rapport se focalise sur la surrémunération versée aux fonctionnaires d’État dans les collectivités des Outre-mers.
Il indique qu’à La Réunion, les fonctionnaires d’État sont 35.742, et que 420 recrutements sont envisagés. Il précise que la somme des surrémunérations versées dans tout l’Outre-mer dépasse 1,3 milliard d’euros, et dit en substance que le problème de chômage des jeunes diplômés pourrait être réglé par une réaffectation de ces crédits.
La date de publication de cette étude n’est pas innocente, indique Paul Vergès, elle survient à un moment tactique.
Or, les fonctionnaires ont été recrutés sur la base d’un contrat, dans lequel figure cette surrémunération. On ne peut pas imaginer que quelqu’un décide de rompre unilatéralement ce contrat.
Si ceux qui, à Paris, sont pour la suppression de la surrémunération sentent que les fonctionnaires sont uniquement accrochés à leurs avantages acquis sans faire un geste pour les 52% qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, alors au moment de la crise, la population sera spectatrice car les fonctionnaires seront isolés, explique en substance le président de la Région.
Cela démontre que la question va se poser tôt ou tard, explique Paul Vergès, et au moment de la crise, les fonctionnaires seront-ils isolés ou soutenus par la population ?


Filière canne et octroi de mer : des précisions nécessaires

Dans ces décisions, le Conseil interministériel sur l’Outre-mer ne fait pas état de la volonté du gouvernement de soutenir le versement de subventions à la filière canne après 2013. Si le gouvernement soutient la filière après 2013, alors il serait opportun que cet engagement soit réaffirmé, a dit en substance le président de la Région.
Quant à l’octroi de mer, le CIOM préconise une étude pour voir l’impact de ce qui est qualifié de taxe douanière. Dire que l’octroi de mer est une taxe douanière, c’est aller au-devant de l’argumentation des pays ACP et d’États membres de l’Union Européenne qui demandent sa suppression, car ils considèrent qu’il est un obstacle à la « concurrence libre et non faussée ».

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Messages

  • Voilà enfin un véritable sens pour la Réunion car il y a longtemps que personnellement j’attendais que l’on lève le voile sur la réalité au quotidien je me dois de faire une standing ovation sincère pourtant tous savent mon état d’esprit libéral Oui il faut un plan Marshall pour En finir avec l’apartheid social en finir avec les milliers de chômeurs sur la Réunion qui n’est pas au sens que l’on voudrait le croire , quand l’état spoliateur et avec des applications de lois exubérantes en contradiction dans une décontraction feutrée ne sont que provocation et destruction de l’activité économique dans son ensemble

    Quand je constate travaillant sur différents projets d’hôtels combien d’énergie il faut pour vouloir sortir une opération d’une modeste 30 chambres ne parlons pas sur un 60 chambres avec toutes les contraintes si le terrain a le malheur de se trouver sur le périmètre (...) par l’état sans aucune concertation , l’état Jacobin dans toute sa splendeur et ses contradictions empêchant toutes possibilités créatives et de développement réfléchi car les mesures de réactions sont trop longues et les investisseurs trop rares

    investisseurs ne peuvent pas attendre le bon vouloir du sursaut de la gorgone administrative dans ses lenteurs

    Merci Monsieur Verges car vous êtes bien le seul a présenté ce vendredi 13 un plan vrai de relance économique.
    C’est un véritable virage pour enfin donner une ligne sociale structurante et innovante pour la Réunion de 2030 .

    Parmi ces mesures j’aimerais bien que l’on se penche sur le problème des 3000 chambres d’hôtels qui manquent cruellement vous avez une niche de plus de 10000 emplois direct durable

    Sauf qu’il faudra une autre vision du patronat de cette profession qui souvent exigent depuis plusieurs années des aides sans justifier leur adaptation , que font ils de mieux en matière de Courtoisie Calme Charme Cuisine Caractère ?

    "a suivre suite "

    Sincèrement votre
    Patrick Floc’h OPC ingénierie consulting architecture

  • Je ne vois souvent qu’un consortium de Thénardiers plombant souvent les actions de IRT car il ya une distorsion rien que sur des critères sociaux environnementaux et surtout une incompréhension sur les attentes des touristes , sans parler de architecturale l’on est plus proche du ridicule dans certains cas , je parle en connaissance de cause combien de fois j’ai traité des dossiers ou les Thénardiers se positionnaient plus en chasseurs de prime de la Région sans que l’architecture soit respecté ,

    je ne parlerais pas de la problématique des salariés les plus jeunes sont généralement les premiers visés , donc les plus vulnérables, pourtant la Réunion dispose d’outils remarquable avec un corps enseignant compétant avec le LEP et le Centhor sauf qu’il n’y aucun débouché localement ou si peu rémunéré , nos meilleurs techniciens et ingénieurs de la profession préfèrent partir ailleurs une roche sur le coeur,

    vous avez vu juste Monsieur Verges votre discours m’a sensiblement touché car l’aspect visionnaire des choses fera que la Réunion sera encore plus forte demain ...dès lors nous ne pouvons que nous féliciter du contenu de votre synthèse il faut frapper fort et maintenant , j’en ai marre de voir comment certains services de l’état gèrent et considèrent la problématique du tourisme , j’ai assisté il y a un an le 12 septembre 2008 se sont tenues les premières assises du tourisme de l’Ile de la Réunion en présence de monsieur Hervé NOVELLI, il y était dit que nous devrions sortir 3000 chambres d’hôtels , j’ai eu pour la circonstance l’occasion Monsieur Pierre Verges et je lui ai fait partagé ma vision de la problématique que je rencontre depuis 25 ans sur le terrain ,

    cela pourrait se réduire en exemple sur un seul projet celui de Trois Bassins à l’époque je suis revenu à la Réunion comme émissaire pour le Moulin de la Beauce qui souhaitaient investir , sauf qu’ils le feront sur Maurice et les Seychelles , la simple raison j’accuse ouvertement les services de l’état d’avoir (...) par des méthodes (...) et une (...) aux rares investisseurs intéressés par la destination Réunion , je n’ai pas à rougir de ma carte de visite en ingénierie et assistance en programmation d’hôtels pour avoir ouvragé dans tout l’Océan Indien , sauf qu’il faut en moyenne 24 mois chez nos amis Mauriciens pour sortir de terre un 80 chambres quand ici à la Réunion il faut environ 5 ans pour un 60 chambres en exemple c’est ele temps qu’il a fallu pour le dernier en date ...

    Vous comprendrez Monsieur Verges que si vous allez dans cette direction vous gagnerez l’estime de beaucoup de Réunionnais car je reste convaincu que c’est la meilleure solution pour l’avenir repenser une autre vision global sur le tourisme de la Réunion , avec une concertation sur le mode opératoire comme la triangulaire fonctionne selon le canevas Hôtels = Avions = touristes

    Sincèrement votre

    Patrick Floc’h OPC ingénierie consulting architecture


Témoignages - 80e année


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