Visite de Madame Michèle Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur, de l’Outre-mer et des Collectivités territoriales

La Réunion s’adresse au Ministre de l’Outre-Mer

31 août 2007

Au cours du déjeuner républicain Maurice Gironcel, président du groupe de l’Alliance au Conseil Général a remis en main propre un Mémoire à Madame le ministre, Madame Michèle Alliot-Marie, document que nous reproduisons, vu son intérêt.

Au moment où vous prenez contact avec notre île et ses habitants, nous avons pensé qu’il était de notre devoir de vous faire part, au nom du groupe des Conseillers généraux de l’Alliance, de la situation à La Réunion - en la résumant - ainsi que nos propositions pour un développement durable de notre île. Propositions que nous versons au débat en vous les remettant.

Le présent mémoire a pour ambition d’apporter notre contribution à la loi-programme que vous allez élaborer.

Nous vous remercions d’avoir pensé à y associer les Ultramarins et singulièrement les habitants de La Réunion.

L’une des compétences essentielles du Conseil général est le domaine social.
Or, en ce domaine, la situation à La Réunion est particulièrement grave.
• La Réunion détient le peu enviable record du taux de chômage le plus élevé de tous les départements de la République.
• Près de 300.000 de nos 804.000 habitants relèvent de la Couverture médicale universelle (CMU). Cet indicateur les situe au dessous du seuil de pauvreté.
• À l’occasion de la signature par l’État, la Région, le Département, le Rectorat et la CAF, mercredi 28 août 2007, d’une Charte partenariale contre l’illettrisme, Monsieur le Préfet de La Réunion a rappelé que 120.000 des 804.000 habitants de La Réunion souffrent de l’invisible mutilation de l’illettrisme.
• Plus de 25.000 foyers sont à la recherche d’un logement.

L’expérience accumulée au cours des trois dernières décennies nous permet de dire que, si, sur ces points, on ne change pas profondément de politique, la situation ne peut aller qu’en s’aggravant.

En ce qui concerne l’emploi, sur les 300.000 personnes en âge de travailler, 100.000 se trouvent privées d’emploi, or, dans les vingt années à venir, 144.000 actifs supplémentaires vont venir grossir les rangs des demandeurs d’emploi.
Quant au logement - social notamment - au rythme actuel de la construction de logements sociaux qui voit rester sans réponse plus de 25.000 demandes justifiées, tout le monde comprend que chaque année qui passe ne fait qu’accroître le nombre et le malaise des mal-logés à mesure que s’accumulent de vaines demandes. Là aussi, la mise en œuvre d’une nouvelle politique relève de l’urgence.

Pour notre part, Madame la Ministre, nous sommes convaincus qu’un plan de développement durable constitue le principal et indispensable moyen de sortir d’une telle situation.
C’est à cette mission que s’est consacrée la Région Réunion en élaborant, avec de nombreux partenaires, un Plan régional de développement durable (le PR2D).

Mais pour tout de suite, en tant que conseillers généraux, nous faisons des propositions dans trois domaines qui doivent être pris en compte dans la préparation de la loi-programme afin d’améliorer :

1- Le pouvoir d’achat des Réunionnais, notamment les plus fragiles ;
2- la politique de l’habitat social ;
3- l’emploi durable ;

1 - Le pouvoir d’achat :
Les prix à La Réunion sont indiscutablement plus élevés et croissent plus vite que partout ailleurs dans la République.
Nous proposons les mesures suivantes :
a. Baisse des prix à la consommation par l’application de la loi Galland.
b. Révision des taux du crédit à la consommation.
c. L’État doit être plus attentif aux dettes des ménages les plus pauvres dans le cadre des travaux de la commission de surendettement.
d. Révision des plafonds des quotients familiaux en matière d’aides au logement.
e. Amélioration du revenu des familles (salaires et prestations sociales).
f. Création d’emplois.
g. Donner mission à l’Observatoire des Prix et des Revenus de faire la transparence sur les prix des produits de consommation de base et des services.

2 - Le logement :
La première démarche consiste à trouver un accord entre l’État et ses partenaires de la politique de l’habitat social sur les besoins en logements nouveaux ou à réhabiliter.
Sur la base de cet accord, une programmation pluri-annuelle devra être faite en vue de financer la réalisation de ces constructions. Dans ce cadre un certain nombre de mesures techniques, devront être appliquées :

- la défiscalisation prévue de l’habitat social ne doit pas se substituer aux crédits pluri-annuels finançant le logement social ;

- un reparamétrage des logements sociaux doit faciliter leur financement et leur construction ;

- l’augmentation du rendement en logements par hectare doit permettre la densification et la restructuration pour mieux aménager les centres-villes ;

- la plus-value foncière doit être taxée au profit du logement social ;

- étaler dans le temps le remboursement des dettes en programmant d’abord le remboursement de la construction puis celui du foncier ;

- généraliser les normes de construction selon les normes HQE du développement durable avec des économies d’eau et d’énergie et l’équipement en énergie solaire ;

- concernant le foncier, une politique volontariste utilisant mieux les outils existants doit être conduite :
• l’Établissement public foncier de La Réunion (EPFR) doit disposer de moyens financiers suffisants pour préempter, au profit de la collectivité publique, tous les terrains mis en vente afin d’acquérir et d’aménager le foncier. À cette fin, le FRAFU et la LBU doivent être abondés ;
• il faut porter à la connaissance publique toute vente de terrain en faisant appel à la ZIF (Zone d’intervention publique) ;
• il faut multiplier les Zones d’aménagement différé (ZAD) afin de geler les prix du foncier ;
• enfin, il faut sortir le foncier de la défiscalisation, sauf pour le logement social.

3 - L’Emploi :
Les conditions générales du développement de La Réunion doivent être revues.
Lorsque Monsieur le Président de la République demande au gouvernement de « créer les conditions d’un développement économique endogène », cela signifie que chaque collectivité d’Outre-mer ne peut plus être un territoire dominé par l’importation, mais doit être un espace privilégiant l’économie productive de biens et de services pour faire vivre la population.
Cela suppose un ensemble de décisions législatives et réglementaires pour favoriser une telle option.
Ceci est d’autant plus nécessaire que, avec la prochaine entrée en vigueur des Accords de partenariat économique UE-ACP, une réelle menace pèse sur la production réunionnaise de biens et de services.
Le Conseil général qui a compétence dans le domaine agricole est interpellé par les hausses (engrais, transport) grevant ces productions et fragilisant plus encore notre filière canne déjà menacée à terme par les décisions de l’OMC relayées par le règlement sucrier européen et aussi les APE.

Les pôles d’excellence, notamment dans les domaines de la santé, de la communication et des énergies renouvelables, devront être favorisés. Cette orientation doit se faire dans une perspective endogène bien sûr, mais en les plaçant également dans le cadre d’un nécessaire co-développement régional.

Enfin, rappelons la nécessité de respecter les délais et les financements permettant de doter La Réunion d’infrastructures modernes, dont la réalisation va générer des milliers d’emplois.
Ces infrastructures - telles le tram-train par exemple et sa nécessaire extension, la nouvelle route littorale, le prolongement de la route des Tamarins vers le Sud et vers l’Est (voie de moyenne altitude), la piste cyclable en site propre tout autour de l’île - doivent être financées dans le cadre des accords déjà signés avec l’État et l’Union Européenne (Contrat de projet État-Région ; protocole financier de Matignon ; programmes opérationnels européens).

Toutefois, en termes de création d’emplois, la mise en œuvre de ces grands travaux va demander du temps ; compte tenu d’une situation sinistrée de l’emploi à La Réunion et des tensions sociales qu’elle engendre, l’État doit recourir à des mesures immédiates afin de redonner confiance aux citoyens et pour leur permettre d’avoir une activité rémunérée.
Deux grands gisements d’emplois existent : L’environnement et l’aide à la personne.

L’environnement
le Parc national de La Réunion nécessite la création de milliers d’emplois pour entretenir, sauvegarder et mettre en valeur cet espace.

L’aide à la personne
Personnes âgées, personnes handicapées (enfants et adultes) et aide à la petite enfance, la croissance du nombre d’habitants, le vieillissement et l’émergence de besoins sociaux liés à l’urbanisation accrue vont créer des besoins importants dans ce domaine, tant en termes d’équipements qu’en termes d’encadrement.

En se projetant vers La Réunion du million d’habitants d’ici une vingtaine d’années, on voit que de gros retards sont à combler. L’effort du gouvernement dans le domaine des emplois aidés doit être constant et proportionnel à cet état de catastrophe économique, sociale et culturelle que représente le chômage à La Réunion.
C’est pourquoi, dans les meilleurs délais, il est vital de revenir à un niveau d’emplois aidés tenant réellement compte de la situation réunionnaise (60.000 environ dans les années 1999-2000).
Cela suppose évidemment une gestion sans complaisance et une réelle organisation de ces emplois aidés. L’objectif devant être - au terme de la nécessaire période de formation - d’aller vers leur pérennisation avec un mode de fonctionnement écartant toute tentation clientéliste.
Les différents services publics et para-publics constituent d’importants gisements d’emplois en raison de l’augmentation de la population, des départs à la retraite et de l’amélioration du taux d’encadrement.
C’est pourquoi, le maximum d’efforts doit être accompli pour effectuer un recrutement local, en augmentant le nombre de places à l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM), dans les écoles d’infirmières et de sages-femmes, à l’Institut réunionnais de travailleurs sociaux (IRTS) et aussi à l’Institut Régional d’Administration à créer pour former les jeunes et les préparer aux concours de recrutement. Lequel Institut pourrait permettre à La Réunion d’être la terre de formation vers laquelle nos voisins pourraient orienter tous les jeunes administratifs dont ils ont et auront de plus en plus besoin.
Les Zones Franches Globales doivent privilégier les secteurs porteurs d’emplois ; pour cela, nous avons besoin d’un plan global. Or, nous ne partons pas de rien puisque, comme nous l’avons dit plus haut, un Plan régional de développement durable a été élaboré par les collectivités réunionnaises en concertation avec les socio-professionnels.
De même que pour les grands chantiers, la réalisation des Zones Franches Globales d’activités ont besoin d’une Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), à savoir une formation en fonction des besoins dans tous les domaines.
C’est cela que nous appelons “Conférence permanente pour l’emploi” et que recommande la loi Borloo-Larcher.
La loi-programme en préparation pour le premier semestre 2008 représente une opportunité pour que s’instaure un vaste dialogue entre Réunionnais et pas seulement ceux qui vont élaborer et voter la loi. Avec une programmation des différentes étapes et un bilan régulier, il doit être possible de mettre en œuvre le développement durable dont La Réunion a tant besoin.

Croyez, Madame la Ministre, en notre volonté d’être du nombre des meilleurs acteurs d’un tel développement et veuillez trouver ici l’expression de notre haute considération.

Pour le groupe des conseillers généraux de l’Alliance,
Maurice Gironcel,
Maire et Conseiller général de Sainte-Suzanne

LODEOM - Loi d’orientation pour le développement de l’Outre-mer

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