ACCORDS DE PARTENARIAT ÉCONOMIQUE

La Réunion sort du domaine protégé et accède à la mondialisation des échanges

« Une ère nouvelle commence », a commenté hier le président de la Région Réunion

3 novembre 2007

Au retour de la conférence qui a réuni à l’île Maurice les quatre pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) de la Commission de l’Océan Indien et La Réunion, Région Ultrapériphérique (RUP) européenne, pour une discussion finale sur les Accords de Partenariat Économique (APE), le président de la Région alerte l’opinion réunionnaise sur le « changement de cadre » auquel les îles de l’Océan Indien, chacune selon son organisation propre, vont devoir se préparer.

« Si, comme il y a de très grande chance, l’Accord de partenariat économique se réalise pour application au 1er janvier 2008, c’est une ère nouvelle pour La Réunion (...). Ce qui serait terrible, c’est qu’une partie de l’opinion réunionnaise ne s’en aperçoive pas ». Ce propos par lequel le président de Région, Paul Vergès, s’est adressé aux journalistes hier, se veut solennel. Il n’a rien d’enthousiaste.
À quelques jours de la rencontre entre les pays d’Afrique orientale et australe (AfOA) et la Commission de Bruxelles - en marge de laquelle les pays de la Commission de l’océan Indien (COI) - Réunion comprise - vont déposer leurs propositions d’ajustement, l’heure est à la lucidité sur les changements qui s’annoncent.
Quelle autre comparaison tenter que celle avec la loi de 1946 ? « Lorsque la loi a été votée, il n’y a pas eu de changements immédiats, mais tout le monde se rendait compte que c’était une ère nouvelle qui commençait... Même si cela a pris du temps, La Réunion d’aujourd’hui serait impensable sans la loi du 19 mars 1946 ». A cette différence près que les bouleversements opérés en 1946 l’ont été à l’initiative des élus de l’Outre-mer et dans le seul cadre national ; tandis que ceux annoncés par la signature des APE découlent des rivalités et contradictions d’une économie mondialisée, où La Réunion va devoir jouer sa partition, avec ses voisins, dans le cadre des règles du libre-échange imposées par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).
Et le moins que l’on puisse dire est que la société réunionnaise n’est guère préparée aux bouleversements qui s’annoncent, dans le contexte d’un renversement total des relations historiques construites sur “l’exclusive colbertiste”, les « forteresses commerciales » et leurs kyrielles de dérogations.

Libéraliser les échanges

Ce qui se passe actuellement dans les relations entre l’Europe (27 États) et les 79 pays ACP liés à cette dernière par les Accords de Cotonou - après ceux de Yaoundé et de Lomé - va changer toute la donne. Ces relations avec les anciennes colonies, inscrites depuis les débuts de l’Europe dans un cadre préférentiel, vont désormais se déployer dans le champ de la libéralisation des échanges. Certes, il y aura un temps d’adaptation : 5 ans de moratoire et 10 ans de “désarmement tarifaire” - c’est ce que consacre l’entrée en application, au 1er janvier prochain, des APE (voir encadré). Mais au terme de cette phase d’adaptation qui commence, les règles auront complètement changé.

Aurons-nous suffisamment anticipé pour aborder cette “ère nouvelle” ? Paul Vergès voit deux conditions à cela :
1/ créer dès maintenant les conditions pour que les APE « soient les moins négatifs possible » et
2/ combiner cette évolution avec les dispositions nouvelles de développement de La Réunion intégrées à la loi-programme.
A l’invitation des pays ACP, Paul Vergès s’est rendu aux deux conférences de la COI, à Mahé et à l’île Maurice, pour insister tout particulièrement sur ces conditions du développement de nos pays.
Les cinq îles sont tombées d’accord pour faire acter dans leurs travaux la tenue d’un « Séminaire d’étude et de programmation du développement coordonné et simultané » des pays de la COI. Elles se reverront au début de l’année 2008 pour préciser, dans ce Séminaire de programmation, les actions, sur tous les plans, qui conditionneront le départ de ce “co-développement”.
« Nous commençons une ère nouvelle où nous intégrons notre effort de développement durable dans l’effort de toutes les îles en respectant chaque entité », a ajouté Paul Vergès sur ce point.

Tel est désormais le cadre dans lequel La Réunion de demain va évoluer. Même si, au 1er janvier 2008, en apparence, rien n’aura changé du jour au lendemain, c’est une vraie « révolution mentale » qu’il faut opérer pour intégrer ce qui va changer dans nos relations avec nos voisins et surtout pour mettre ces changements au service de relations rééquilibrées qui, elles non plus, n’auront plus rien à voir avec ce que nous a légué l’Histoire.

P. David


Les APE : un cadre nouveau

Qu’est-ce que les Accords de partenariat économique (APE) ? Il faut rappeler que ces Accords constituent un aménagement de la Convention de Cotonou signée en juin 2000 entre l’Europe et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Cette Convention, qui entre en vigueur au 1er janvier 2008, impose à ces pays le libre-échange avec l’Europe contre le maintien de l’accès privilégié de ces pays sur les marchés européens.
Le caractère ultra-libéral de cette convention, dictée par une volonté d’aligner des échanges historiquement protégés sur les règles de l’OMC, a été dénoncé et les Accords de partenariat économique, proposés comme une voie d’aménagement pour faire accéder au développement les pays les moins avancés.
La Réunion, en tant que région européenne entourée de pays ACP, a tout à craindre a priori des nouvelles règles imposées au niveau mondial. Un des dangers les plus évidents pourrait être un risque de délocalisation généralisée de l’appareil de production de notre île.
Les discussions engagées depuis 2002 entre les îles de la COI - qui comptent 2 ACP et 2 PMA - et poursuivies en 2005 lors du Sommet d’Antananarivo ont jeté les bases de l’Accord qui se précise entre nos îles et qui sera proposé à Bruxelles la semaine prochaine. S’il est accepté par la Commission européenne, il permettra de lier indissociablement l’accès au commerce de nos îles, dans des relations régulées, et le co-développement de chacun des pays de la COI.
C’est le contenu de ces ajustements - qui vont courir sur une quinzaine d’années - qui a été débattu à Mahé et à Maurice : comment faire la transition ? dans quels délais ? avec quel “désarmement tarifaire” ? etc...


Solidarité des pays de la COI

Dans quelques jours, les propositions discutées à Mahé et Maurice seront portées à la Commission de Bruxelles. « Nos voisins ACP auraient parfaitement pu nous exclure, en tant qu’observateurs, et au contraire, ils nous ont invités à discuter avec eux, nous demandant d’assister à la mise en place du compromis », a observé Paul Vergès. Ils ont aussi invité La Réunion à les accompagner dans la rencontre prochaine avec le Commissaire au Développement, M. Michel.
S’il y a accord dans quelques jours, les positions des pays ACP étant arrêtées, La Réunion, en tant que membre intégré de l’UE, par l’intermédiaire de la France, discutera de l’APE. L’APE va définir les relations de nos quatre voisins avec l’Union Européenne, et La Réunion, en ce qui la concerne, a demandé que des dispositions spécifiques (dont l’Octroi de mer) soit intégrées dans le cadre européen.
Cette situation n’était pas prévue au départ. Elle est le résultat des discussions et de la solidarité entre pays de la COI.

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