Le peuple d’Italie, nouvelle victime de la rigueur

La rigueur : un choix contre les citoyens

31 juillet 2010, par Geoffroy Géraud-Legros

« Rigueur, austérité »… Qu’on les prononce ouvertement, qu’on fasse mine de ne pas y toucher ou qu’on bricole des formules douteuses — la « rilance » -, ces termes recouvrent une même réalité : celle de l’extension, dans les pays développés, d’un modèle économique implacable, qui écrase immédiatement les plus faibles, menace l’existence des classes moyennes et condamne la reprise elle-même.

D’abord la Grèce, puis le Portugal, aujourd’hui l’Italie : impitoyablement, les « paquets » de mesures anti-sociales sont inscrits à l’agenda des États du Sud de l’Europe.
Le gouvernement italien a rendu public avant-hier le contenu des mesures qui vont être infligées à l’économie italienne : avec des mesures-phares telles que le gel pour trois ans des rémunérations de la fonction publique, la réduction de 10% des budgets alloués à chaque ministère, une série de coupes sombres dans le budget des collectivités décentralisées, le « plan Berlusconi » ressemble comme un frère siamois à ceux qui ont été annoncés à Athènes, à Madrid et à Lisbonne. Présentés comme « inévitable » face à un effondrement annoncé, les plans d’austérité européens sont pourtant loin de faire consensus parmi les économistes, libéraux compris.

La rigueur contre la reprise…

Joseph Stiglitz, ancien directeur de la Banque mondiale, aujourd’hui conseiller de nombreux chefs d’État, déclarait ainsi récemment que le zèle en faveur de la rigueur « exposait l’Europe au désastre ». Même son de cloche du côté de Paul Krugman, “Nobel” d’économie en 2008, qui ne craint pas d’établir un parallèle entre les choix économiques contemporains et ceux qui ont précipité l’Allemagne de l’Entre-deux Guerres dans la crise… et hâté la montée du nazisme.

… pour rassurer les marchés

« Destruction de la classe moyenne » : tels sont les termes employés par les représentants du Parti social-démocrate PSD (centre-droit), principal parti d’opposition portugais, après l’annonce le 9 mars dernier d’un plan de rigueur sans comparaison dans l’histoire du pays. Plus à gauche sur l’échiquier politique, le Parti communiste portugais (PCP) parle pour sa part « d’attaque terroriste ». Ces critiques sourdent aussi du mouvement social grec et du plus grand syndicat italien, la CGIL, qui a rassemblé plus d’un million de personne le 25 juin dernier, au cours d’une première manifestation contre la rigueur. Des dénonciations qui rejoignent les diagnostics de nombreux experts, pour qui le poids combiné des hausses d’impôts et de la baisse de revenus des ménages va écraser définitivement la consommation...ruinant les possibilités de reprise en Europe.

G.G.-L.


Le poids des agences de notation

À entendre les gouvernants et les institutions internationales, il s’agit moins de venir en aide aux citoyens-consommateurs que de « rassurer les marchés ». Un refrain entonné par Silvio Berlusconi, à la suite de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI, Papandréou en Grèce, José Socratès au Portugal. Mais l’image que « les marchés » se font d’un État découle elle-même des fameuses agences de notation dont on ne cesse de parler depuis le début de la crise. “Moody’s”, “Fitch”, “Standards & Poor’s” : derrière ces noms se trouvent les experts dont le travail consiste à « noter » des acteurs économiques et des collectivités — dont des États. Des agences qui ne sont bien entendu guère indépendantes des grandes compagnies, qui les paient pour être correctement notées, ni des des pouvoirs politiques. L’histoire économique abonde d’exemple de pressions exercées avec plus ou moins de succès sur les "rating agencies", dans le but de faire paraître des économies sous un jour moins favorables. Pourtant, malgré les fréquentes remises en cause de leur rôle et de l’objectivité de leurs diagnostics, ces bureaux sont toujours capables de faire « tomber » une économie par une simple mauvaise note.

G.G.-L.


Diversions

En France comme en Italie, la marche vers la rigueur a lieu dans une atmosphère de scandales à répétitions, qui font éclater au grand jour tant la collusion des politiques et du capital, que le train de vie scandaleux de la haute bourgeoisie et de quelques grands commis de l’État. Ce grand déballage favorise-t-il la prise de conscience ? Pas si sûr. À bien y regarder, les « affaires » des cigares de Christian Blanc, du jet de Joyandet et les méandres de l’affaire Woerth ont plutôt pour effet de détourner l’attention de l’opinion publique du gigantesque drain d’argent public vers les intérêts privés. Car face à l’effondrement du système financier et des économies, l’utilisation des états et leur fiscalité demeure le seul moyen de rétablissement pour un capitalisme en pleine crise structurelle . En focalisant l’attention citoyenne sur des individus, des intrigues de palais et de grandes familles, les scandales favorisent finalement un système, qui parvient à dissimuler ses mécanismes essentiels en se drapant dans ses propres turpitudes.

G.G.-L.


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