Sur le blog de Paul Vergès

« La situation à La Réunion s’aggrave, la France entre en récession et le bassin sud méditerranéen dessine un nouvel équilibre mondial ! »

30 août 2011

Rentrée scolaire, plan d’austérité, gestion de la continuité territoriale, guerre en Libye et famine dans la Corne de l’Afrique sont les sujets abordés dans l’article publié cette semaine sur le blog de Paul Vergès.

La rentrée des classes : des événements qui vont impacter toute l’année scolaire

Il y a eu des effets de communication de la part du rectorat, mais l’un des événements importants de cette rentrée 2011, c’est sans nul doute l’annonce de l’application, en cas de l’absentéisme de la part des élèves (4 fois par an) de la suppression des allocations familiales. Comment ne pas faire la liaison entre ce phénomène de société à La Réunion qu’est l’absentéisme scolaire (4 à 5 fois plus important qu’en France métropolitaine) et la situation sociale que nous connaissons ?
Cet absentéisme est directement lié à toute une série de causes sociales : le chômage, l’illettrisme, le manque de logement des parents, etc. C’est aussi la question de la langue, la coexistence du créole et du français pour une population pauvre, essentiellement créolophone. Tout cela découle d’une société profondément inégalitaire, sous l’influence de média, et cela a déjà été la cause d’un taux d’illettrisme considérable (plus de 110.000 illettrés à La Réunion). Oublier cette accumulation de facteurs aggravants et imposer, comme solution, la suppression des aides familiales, est impensable, car ces allocations constituent souvent un élément financier décisif pour les familles les plus pauvres.
Malgré l’effort de communication officiel, la réalité s’est imposée très rapidement : on a vu des élèves, des parents d’élèves, des élus, des étudiants etc … protester contre l’aggravation de la situation faite à cette chaîne éducative, qui va de la maternelle à l’université.
Cela concerne 210.000 enfants dans le premier cycle. Si l’on ajoute les parents d’élèves, le personnel enseignant et le personnel occupé à différentes tâches dans les écoles primaires ou secondaires et même supérieures, c’est ainsi une proportion considérable de la population réunionnaise qui est concernée par ces incidents.
La fermeture de classes aux Avirons, à Saint-Leu, à Saint-Paul, à Saint-Denis, à Sainte-Suzanne, à Saint-André … et ailleurs, n’aura pas seulement une incidence ponctuelle, mais va peser sur toute la vie scolaire de la majorité de la population réunionnaise et cela, pendant l’année scolaire 2011/2012.
Et tout cela découle directement des décisions du gouvernement !


La politique générale du gouvernement : la persistance d’une attaque contre les classes pauvres et moyennes

Le 24 août, le gouvernement a pris des décisions budgétaires et financières complémentaires pour faire face à une aggravation de la crise économique. Aggravation dont il est, d’ailleurs, responsable.
Il fallait qu’il trouve à économiser plus de 10 milliards supplémentaires, du fait de l’aggravation de la crise liée notamment à une croissance zéro au second trimestre, à une augmentation du chômage sans précédent et à la stagnation de l’activité des entreprises.
Et cela, en plus de la contribution financière consentie par la France comme par les pays de la zone euro pour essayer de faire face au déficit de la Grèce.
Le constat réalisé par toutes les catégories sociales, après l’annonce des décisions gouvernementales, montre la persistance d’un phénomène : les appels à l’effort s’adressent essentiellement aux couches les plus modestes, non seulement les salariées, mais aussi les classes moyennes (à travers les impôts) ; les entreprises, mais les plus petites, sont aussi concernées par les restrictions des mesures de soutien en vigueur jusque-là.
Le résultat est donc là : cette décision budgétaire, par principe, va peser sur toute l’année 2012. Et l’on va voir, à La Réunion, une aggravation du chômage ; les PME vont être confrontées à une situation de plus en plus difficile, non seulement par manque de croissance économique mais aussi par des aspects qui relèvent de la politique de récession engagée.
Malgré l’effort du gouvernement sur la communication – ce qui semble d’ailleurs être son mode de fonctionnement politique permanent –, on constate que l’appel à contribution des revenus les plus élevés se traduit simplement par … une augmentation de cette contribution à hauteur de 1% ou 2%. Et le caractère totalement provisoire de la mesure doit être souligné !


L’avenir de La Réunion s’assombrit encore … dans le silence total et la complicité de certains élus

Les conséquences, pour La Réunion, vont se traduire par une aggravation encore plus profonde d’une situation déjà extrêmement difficile. Et cela va peser non seulement sur le présent mais aussi sur l’avenir.
Prenons un exemple : compte tenu des mesures de restrictions prises, on construira encore moins de logements sociaux, alors que 30.000 familles sont en attente d’un logement. Or la population augmente chaque année, et atteindra 1 million d’habitants dans moins de deux décennies. Le déficit en logements va encore s’accentuer !
Devant cette situation, toute la population réunionnaise ne peut que remarquer le silence des élus qui ont soutenu, pendant des années, l’action du gouvernement, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, en votant les dispositions du budget 2011, comme des années précédentes. Ces dispositions préparaient ces mesures et permettaient d’entrevoir la restriction importante du budget 2012.
Ce silence éloquent interpelle les Réunionnais : en effet, ces mêmes acteurs, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, sont candidats aux élections sénatoriales dans quelques semaines. Comment ces élus peuvent-ils aujourd’hui, faire preuve d’un tel cynisme, en se taisant devant de telles mesures ? Comment peuvent-ils appeler à voter pour eux au Sénat, pour qu’ils continuent à voter ces dispositifs amenant à une aggravation de la situation ?


Les Réunionnais paient eux-mêmes la continuité territoriale !

Si nous prenons un autre exemple de cet acharnement, il y a l’effort du Conseil régional pour célébrer son « action » en matière de continuité territoriale ; pourtant la continuité territoriale est un principe, une responsabilité et un financement admis par tous les États, illustrant l’effort d’intégration au territoire national qu’ils préconisent, et cela, quelle que soit la situation des résidents.
C’est le cas non seulement en France avec la Corse mais aussi en Espagne, avec les Canaries, au Portugal, avec les Açores et Madère. Le principe posé est que les mesures de continuité territoriale relèvent, par principe, de la seule compétence et de la seule responsabilité des États.
Cela a été la position constante des responsables des Régions d’outre-mer (jusqu’à 2010 à La Réunion), ils ont ainsi appliqué ce principe avec vigueur.
Or les chiffres publiés par le Conseil régional de La Réunion montrent deux choses :
d’une part, malgré tous les efforts de communication réalisés, le nombre de bénéficiaires de la « continuité territoriale » n’est pas plus important aujourd’hui (il l’est même moins) que ce qu’il n’était avant 2010 ;
d’autre part, le pourcentage de familles en grande difficulté (ne payant pas l’impôt sur le revenu) aidées par le nouveau dispositif a considérablement baissé : plus de 98% avant 2010 contre 33% seulement aujourd’hui.
Mais la différence fondamentale, c’est que la mandature précédente au Conseil régional avait appliqué avec rigueur ce principe de continuité territoriale, valable pour tout l’outre-mer français, en Espagne et au Portugal : c’est à l’Etat de payer.
Le document publié par la direction actuelle du Conseil régional indique clairement que l’épuisement des ressources de l’Etat va être intégralement compensé – sans limitation – par les fonds propres de la Région !
Imaginons la même situation en Corse : le désengagement de l’Etat, et la compensation par les instances corses de ce manque à gagner, tout cela en faisant fi du principe de continuité territoriale … il y aurait à prévoir une explosion générale !
Mais à La Réunion, on compte sur la communication, le clientélisme et l’on porte atteinte à un principe intangible. C’est la voie ouverte pour faire peser sur toutes les collectivités locales de La Réunion des efforts relevant de la seule compétence et de la seule responsabilité de l’Etat et du gouvernement.
Sur ce plan, il faudra bien que les Réunionnais réfléchissent : on va leur faire payer, de plus en plus, ce dispositif de continuité territoriale, en lieu et place de l’Etat !


L’incroyable amnésie d’Etats européens envers la Lybie

Un autre sujet a marqué ces quelques jours, sujet extérieur à La Réunion et à la France. C’est la question de la Lybie. Tout le monde s’est étonné de la résistance étonnante de Kadhafi. Mais il apparaît aujourd’hui qu’il ne pourra résister plus longtemps à l’action de la population libyenne, appuyée de façon décisive sur le plan militaire, par les pays occidentaux de l’OTAN, et tout particulièrement de la France, de la Grande-Bretagne et des Etats Unis.
Sur ce plan, il nous faut être clair : très rapidement, le coup d’Etat réalisé par Kadhafi, il y a 42 ans, s’est transformé en dictature et, dans certains moments, en terrorisme. Cela a été avéré lors du procès des responsables des deux catastrophes aériennes en Afrique ou en Écosse.
Dans les actions personnelles de Kadhafi, il y a aussi la lutte contre les révolutions internationales et extérieures. On se rappelle, par exemple, de la capture faite dans l’espace aérien libyen, d’un avion transportant les dirigeants du Parti communiste du Soudan, retournant dans leur pays pour participer au soulèvement populaire. Kadhafi a arrêté ces dirigeants et les a livrés à la dictature soudanaise. Celle-ci les a fusillés.
Or cette attitude permanente du régime libyen, tant dans la dictature imposée à son pays que dans les actes terroristes sur le plan international, ne posait pas de problème aux dirigeants des pays occidentaux. Ils ont passé l’éponge sur ces attentats terroristes, et oublié les morts des avions qui se sont écrasés.
On a même vu une opération de communication du gouvernement français, et tout particulièrement du Président de la République, lors d’une réception grandiose de Kadhafi à Paris (2007). Avec cet aspect particulier de Kadhafi installant sa tente dans les jardins de l’Hôtel Marigny, résidence officielle des hôtes de l’État !
Tout cela pour montrer la réalité de l’arrière-plan de la situation actuelle : il a fallu la protestation de la population libyenne pour que l’Occident prenne conscience que cela faite partie de l’ensemble du mouvement des peuples arabes de la zone sud de la Méditerranée.


Une nouvelle carte du pourtour méditerranéen se dessine

L’analyse insuffisante des Occidentaux a ainsi amené à l’intervention militaire française et des fores de l’OTAN. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur les raisons justificatives de protection de la population libyenne, se transformant en actions militaires de plus en plus directes.
Cette action militaire est néanmoins un élément essentiel qui a permis le renversement du régime libyen ; cela doit permettre d’avoir une vision rationnelle de la multiplicité des revirements de la politique occidentale dans ce domaine, mais aussi de cerner les raisons fondamentales tenant à l’évolution actuelle et à venir en Méditerranée.
Personne ne conteste l’importance du pétrole libyen, dont les débouchés sont conséquents, principalement en Europe, en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Mais en même temps, toute les Chancelleries d’Europe et des Etats Unis ont été surprises et préoccupées par l’évolution rapide des pays arabes et musulmans du Sud de la Méditerranée : la Tunisie et Égypte, puis la Libye et la Syrie. Sans compter les États de l’arrière-pays, comme le Yémen, le Soudan ou le Bahreïn.
Si l’on tient compte des pays directement riverains du Sud de la Méditerranée, l’Algérie, la Tunisie, le Maroc, l’Egypte, la Libye, cela représente aujourd’hui une population de 231 millions d’habitants.
Les pays de la côte orientale, c’est-à-dire la Syrie, la Turquie, la Palestine, représentent une population de 100 millions 700 mille personnes. En 2050, celle-ci sera de 139 millions. En comptant celle des territoires proches, la population passera de 268 millions 700.000 aujourd’hui, à quelques 370 millions en 2050.
Quant aux États de l’arrière-pays, ils connaîtront la même évolution : le Soudan passera de 44 millions à 91 millions habitants ; l’Irak de 32 millions 700.000 à 83 millions à l’horizon 2050 !
Ce réveil des pays arabes et musulmans – et notamment de leur jeunesse -, le renversement de dictateurs et les recherches de voies spécifiques vers la démocratie et le développement, vont peser de plus en plus dans l’évolution de cette partie du monde. La progression démographique dans ces pays du Sud de la Méditerranée, au sens large, sera beaucoup plus importante que celle de l’Europe entière, et non pas de la seule Union européenne !
Cela doit non seulement nous aider à construire notre vision de l’avenir mais aussi participer à la compréhension de la situation actuelle en « Occident ».
Nous ne pouvons pas non plus ignorer ce que vivent les 12 millions de personnes en Somalie, dans le nord du Kenya, à Djibouti et en Éthiopie, victimes d’une famine sans précédent dont les causes sont multiples. Parfois la situation est aggravée par des conflits armés et militaires.
Il convient enfin de s’interroger non seulement sur l’évolution de cette partie du monde, mais aussi sur l’organisation d’une communication inadmissible, faite pour éloigner les esprits des problèmes centraux et vitaux qu’elle connaît. On ne pourra jamais admettre l’organisation d’un tel silence sur l’agonie des pauvres.

Luttes pour l’emploiA la Une de l’actuUnion européennePaul VergèsLibyeSénatoriales 2011

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?

Messages

  • bonjour a tous je tiens à vous dire que des dictateurs comme kadafi j’aimerais etre gouverné par cet homme arretez les mensonges la diabolisation et la propagande.regardez ci joint le niveau de vie des libyens et est ce que l’europe peut offrir le quart de ce que kadafi a offert à son peuple.
    1- L’électricité à usage domestique est gratuite !
    2- L’eau à usage domestique est gratuite !
    3- Le prix d’un litre d’essence est de 0,08 EUROS !
    5- Les banques libyennes accordent des prêts sans intérêts !
    6- Les citoyens n’ont pas d’impôts à payer, et la TVA n’existe pas !
    8 – Le prix pour l’achat d’une voiture est au prix d’usine (voitures importées du Japon, Corée du sud, Chine, Etats-Unis…) !
    9- Pour chaque étudiant voulant faire ses études à l’étranger, le « gouvernement » attribue une bourse de 1627,11 Euros par mois !
    10- Tout étudiant diplômé reçoit le salaire moyen de la profession du cursus choisi s’il ne trouve pas d’emploi !
    11- Lorsqu’un couple se marie, l’« Etat » paie le premier appartement ou maison (150 mètres carrés) !
    12- Chaque famille libyenne, sur présentation du livret de famille, reçoit une aide de 300 euros par mois !
    13- Il existe des endroits nommés « Jamaiya », où on vend à moitié prix les produits d’alimentation pour toute famille nombreuse, sur présentation du livret de famille !
    14- Pour tout employé dans la fonction publique, en cas de mobilité nécessaire à travers la Libye, l’ « Etat » fournit une voiture et une maison gratuitement. Et quelque temps après, ces biens sont à lui.
    15- Dans le service public, même si la personne s’absente un ou deux jours, pas de déduction de ces jours sur son salaire, et pas de justificatif de maladie.
    16- Tout(e) citoyen(ne) libyen(ne) n’ayant pas de logement peut s’inscrire auprès d’un organisme d’ « Etat », et il lui en sera attribué un sans qu’il ou elle n’avance aucuns frais, et sans crédit. Le droit au logement est fondamental, en Libye. Et un logement doit appartenir à celui qui l’occupe.
    17- Tout citoyen libyen souhaitant faire des travaux dans sa maison peut s’inscrire auprès d’un organisme d’ « Etat », et ces travaux seront effectués gratuitement par des entreprises de travaux publics choisies par l’ « Etat ».
    18- Le souci de l’égalité entre hommes et femmes prévaut, et les femmes ont accès à des fonctions importantes et à des postes de responsabilité.
    Les soins médicaux sont gratuits !
    L’éducation secondaire et universitaire est gratuite. Le taux d’alphabétisation est supérieur à 90% !
    Il y a des subventions sur toutes les denrées alimentaires de bases (ex : un kg de pâtes acheté 1€ à un producteur tunisien, le gouvernement libyen le revend 0,50€ aux Libyens) !
    Si cela c’est de la dictature je signe maintenant, car aucun dictateur ne ferait ces genres de choses, les libyens vivaient mieux que nous avant cette guerre, les médias nous ont menti pour la guerre en Irak et en Afghanistan et tout d’un coup on nous dit la vérité sur la Libye ?

    • d’accord avec vous, le probléme Lybien n’était pas kadhafi ni les " massacres d’innocents " plusieurs Français qui ont travaillé pendant des année en Lybie affirment la méme chose que vous ! sarkozy et l’EU nous ont menti ! nous y sommes habitués ! c’est le pétrole qui était en jeu , car des massacres il y en a eu aussi en Syrie à Gaza, plus d’un millier d’innocents tués par israél sans que sarkozy, l’otan, l’onu et les USA interviennent ! combien d’innocents ont été massacrés en Irak,en Afganistan, au pakistan par les USA ses complices Français, Anglais et compagnie ? Là le TPI ne lance pas de mandat d’arrét contre les responsables de ces actions ? maintenant les Lybiens vont toucher du doigt le changement de politique et la soi -disant "liberté " retrouvé ! dans quelques mois isl regreteront le " dictateur " mais cela sera trop tard !


Témoignages - 80e année


+ Lus