Le changement climatique au cœur du débat politique

7 août 2006

o Nicolas Hulot, conseiller de Jacques Chirac pour l’environnement, crie sa colère face au désintérêt total de la majorité des candidats à l’élection présidentielle face aux énormes défis posés par les changements climatiques.

o Des députés UMP et PS dénoncent ensemble le fait que leurs organisations respectives sous-estiment les effets du réchauffement de la planète dans leurs projets présidentiels.

o Des sénateurs et des députés de différentes tendances publient un rapport de plus de 200 pages sur la gravité de la menace que fait peser sur l’humanité le modèle énergétique mondial actuel.

À la veille d’une échéance majeure - l’élection présidentielle qui fixera les grandes lignes d’action gouvernementale pour les cinq ans à venir -, ces prises de position soulignent l’absence dramatique de volonté politique face aux défis majeurs pour l’humanité qui représentent les conséquences du réchauffement de la planète.
Ces événements donnent raison au PCR et à Paul Vergès, qui ont attiré depuis plusieurs années l’attention de l’opinion et des décideurs sur l’importance du défi que constituent les changements climatiques dans les années à venir. Des données essentielles que l’Alliance a intégrées dans les orientations de la Région Réunion.

“Témoignages” présente aujourd’hui trois documents d’actualité qui ont trait au même sujet : le changement climatique. Et les retombées de ce dernier sur la vie politique en France.
Il y a le coup de colère de Nicolas Hulot, un des écologistes les plus célèbres de France qui a soutenu Jacques Chirac lors de la dernière présidentielle. Il y a la protestation commune de deux députés - une socialiste et un UMP - contre les carences de leurs partis face à l’effet de serre. Enfin, il y a ce rapport parlementaire de 204 pages qui appelle à un dépassement de la crise environnementale et énergétique.
Ces trois documents-événements illustrent l’importance grandissante de la prise de conscience des problèmes posés par le réchauffement de la planète. D’autres prises de position de plus en plus nombreuses dans ce sens illustrent également cette évolution des mentalités.
Cela nous rappelle ce qui se passait à La Réunion dès les années 90 lorsque Paul Vergès tirait la sonnette d’alarme sur les effets du réchauffement climatique : beaucoup de responsables politiques et de journalistes se sont répandus en quolibets, la presse publiait des caricatures avec le responsable politique réunionnais dans une bouée, en ironisant sur ses discours à propos de la montée des eaux des océans.

Hommage à la politique de rassemblement

Aujourd’hui les mêmes médias reconnaissent de plus en plus l’importance du problème. Et les politiques aussi. Mais pas encore suffisamment.
C’est ce qui a mis en colère Nicolas Hulot. Celui-ci ne comprend que la plupart des candidats déclarés ou présumés à la présidentielle de l’an prochain en France se soucie tellement peu du péril climatique qui menace l’humanité. Au point qu’il n’exclut pas d’être candidat à cette élection, comme il le dit dans une interview parue le 30 juillet dans “Le Journal du Dimanche”. Cette prise de position de l’animateur de “Ushuaïa” a suscité beaucoup de débats en France.
Il en va de même pour la protestation commune des députés Jean-Yves Le Déaut (PS) et Nathalie Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP). Ils n’apprécient pas du tout que leurs partis ne fassent pas un compte avec le réchauffement climatique.
Le fait que ces deux élus appartenant à des camps opposés unissent leurs forces face à ce grave problème pourrait faire sourire certains. Comme ceux qui souriaient à l’époque où Paul Vergès, parlant de ce problème, plaidait pour la nécessité du rassemblement le plus large.
En fait, cela montre que face à de graves difficultés et menaces, il faut que le maximum de personnes se rassemblent autour de projets destinés à relever ce défi et à anticiper des solutions.
Nous signalons enfin la parution du premier tome du rapport publié en juin dernier par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur “Les apports de la science et de la technologie au développement durable”. Ce document est intitulé : “Changement climatique et transition énergétique : dépasser la crise”. Il a été réalisé par des sénateurs et des députés de tous bords.
Dans tout cela, on ne voit pas de meilleur hommage à la politique de rassemblement face aux grands défis de La Réunion comme de l’humanité.

L. B.


Présidentielle et changement climatique

Des élus PS et UMP dénoncent les carences de leurs partis

Dans son édition de jeudi dernier, le journal parisien La Tribune” signale que "le réchauffement climatique tente de se faire une place dans le débat politique". En effet, "du PS ou de l’UMP, plusieurs députés s’inquiètent de la pauvreté du discours politique sur l’effet de serre. L’opinion publique est plus sensibilisée à l’écologie que ses élus", disent-ils. Extraits.

Une alliance paradoxale. Les députés Jean-Yves Le Déaut (PS) et Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) se sont retrouvés il y a quelques semaines sur la même estrade pour défendre un thème qu’ils affirment "dépasser les clivages politiques". L’un comme l’autre, en effet, s’inquiètent que leur parti respectif traite comme secondaire la thématique de l’environnement, et plus particulièrement celle du réchauffement climatique, notamment dans la perspective de la campagne présidentielle. Et cela alors que "le réchauffement climatique est la plus grave menace du 21ème siècle", clament-ils d’une même voix.
Les faits ne leur donnent pas tort. Le projet politique du PS, rendu public en juin, ne mentionne à aucun moment les mots “réchauffement climatique” ou “effet de serre”, ont déploré de nombreuses organisations écologistes.
Celui de l’UMP évitera-t-il cet écueil ? À vérifier cet automne au moment de sa publication. Mais le traitement du réchauffement climatique par la droite au pouvoir suscite également les critiques de la secrétaire nationale à l’environnement de l’UMP. Dans le volet logement du plan de cohésion sociale qui prévoit la construction de plusieurs milliers de logements sociaux, "la norme haute qualité environnementale (HQE) n’a pas été intégrée", regrette Nathalie Kosciusko-Morizet.
Cette norme permet de construire des habitations très économes en énergie. Ce qui a pour effet de participer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dont le logement est l’un des principaux émetteurs, mais également de réduire la facture énergétique des locataires, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités.
"Il faut sortir d’une politique [écologique - NDLR] de contraintes et faire en sorte qu’elle devienne une politique de compétitivité", insiste Nathalie Kosciusko-Morizet, qui déclare se vivre "comme une avant-garde" au sein de sa formation.
Pourtant le réchauffement climatique, lui, est bien présent dans l’esprit des électeurs. De nombreuses enquêtes d’opinion ont montré l’intérêt croissant des Français pour les thèmes environnementaux en général, et celui du réchauffement climatique en particulier.


Interrogé par “Le Journal du Dimanche”

"Nicolas Hulot en colère"

L’animateur de télévision écologiste Nicolas Hulot a souhaité donner un coup de pied dans la fourmilière. Dans une interview publiée par “Le Journal du Dimanche” du 30 juillet, il envisage désormais de se présenter à l’élection présidentielle, ne serait-ce que pour faire vivre le débat écologique et surtout, dit-il, faire en sorte qu’il prenne sa juste place dans le débat démocratique. Voici des extraits de cet entretien.

Quel regard portez-vous sur la campagne présidentielle qui s’amorce ?

- C’est parti pour être bien franchouillard ! Comme si tout se jouait à l’intérieur de l’Hexagone alors que les désordres climatiques rendent obsolètes les frontières ! On n’a toujours pas intégré la plus grande menace qui ait jamais pesé sur l’humanité : le péril climatique. La majorité des candidats à l’élection présidentielle semblent s’en désintéresser. Il faut examiner à la loupe leurs tribunes, leurs ouvrages ou leurs interviews pour trouver une malheureuse allusion au réchauffement climatique. C’est atterrant. Quant aux écologistes, faute de privilégier une démarche unitaire, ils sont inaudibles ! Il faut décréter la mobilisation des consciences, mettre en place une véritable union sacrée autour de la lutte contre l’effet de serre.

Est-ce dire que vos efforts incessants de lobbying auprès des politiques sont inutiles ?

- (...) Je renvoie dos à dos personnalités de gauche et de droite. (...) On m’écoute poliment, mais on ne m’entend pas. La preuve ? J’ai proposé à Nicolas Sarkozy d’un côté, à François Hollande et Ségolène Royal de l’autre, la création d’un poste de vice-Premier ministre chargé du développement durable. Tous m’ont promis de prendre en compte cette proposition. Depuis, aucune nouvelle...

Peut-être ont-ils trouvé cette réforme institutionnelle un peu osée...

- C’est inédit, mais je répète que l’humanité court à sa perte ! Se contenter d’un ministère de l’Écologie, c’est le meilleur moyen de ne rien faire. Il faut placer le développement durable au cœur de la politique gouvernementale. Cela ne peut venir que du sommet de l’État. Un vice-Premier ministre se chargerait d’une planification à moyen et long terme, de façon de soulager le Premier ministre et le président, forcément prisonniers du court terme. (...)

Quels autres réformes réclamez-vous ?

- L’objectif principal est de lutter contre l’effet de serre. Pour cela, j’attends des changements radicaux dans le domaine de l’énergie, des transports et de l’agriculture. Premièrement, il faut mettre en place une politique drastique d’économies d’énergie et créer un bouquet énergétique en misant sur tout ce qui est renouvelable. L’éolien, par exemple, peut être optimisé. On peut instaurer, petit à petit, une fiscalité énergétique qui se substituera à la fiscalité sur le travail. Hors de question de mettre au pilori seulement les 4x4. Tous les biens de consommation doivent être concernés. Imaginons une fiscalité incitative pour tous les produits respectueux de l’environnement. Et pénalisons tout ce qui est énergivore.

Que proposez-vous en matière de transport ?

- Tout simplement un changement de priorité. Un exemple parmi d’autres : comment peut-on continuer à créer la tentation avec des voitures qui peuvent rouler à 200 km/h alors qu’on va vers la pénurie du pétrole ? Contraignons l’industrie à cesser de fabriquer des véhicules qui n’ont plus aucune raison d’être. Pourquoi créer la tentation d’un côté et la culpabilité de l’autre ?

Et les réformes agricoles ?

- Il faut modifier en profondeur les pratiques dans ce domaine. Notre agriculture est énergivore et polluante. Encourageons les agriculteurs, qui sont d’abord les victimes d’un système, à produire de la qualité. En conditionnant les aides non à la production mais au coût environnemental. (...)

C’est ni plus ni moins une révolution globale que vous proposez...

- Si on ne veut pas aller vers une société de privation, il faut imaginer une société de modération. Ce n’est pas par dogmatisme que je mets en cause l’ultra-libéralisme, mais par pragmatisme : chacun peut comprendre que dans un monde où les ressources s’épuisent (eau, pétrole...) il faut de la régulation. (...)

Tout le monde semble avoir aujourd’hui conscience de la menace climatique, surtout avec le retour de la canicule...

- Plus aucun scientifique sérieux ne conteste que l’effet de serre génère un réchauffement climatique global. En France, les climatologues ont constaté un degré d’élévation moyen de la température depuis une vingtaine d’années. Même s’il faut rester prudent, la canicule actuelle semble témoigner de cette évolution, comme les inondations à répétition ou la sécheresse. Nous allons assister à des désordres colossaux : des précipitations plus violentes, de graves sécheresses qui engendreront des crises migratoires, sanitaires, des tensions géopolitiques. Elles provoqueront aussi une érosion plus brutale encore de la biodiversité.

Selon vous, c’est l’autre grand péril écologique de ce siècle...

- (...) C’est une tragédie : on assiste actuellement à la plus grande perte d’espèces animales et végétales depuis que la vie existe sur Terre.
Chaque jour, des espèces disparaissent sans même qu’on ait eu le temps de les recenser. Non seulement on se prive ainsi de ressources alimentaires ou médicales, mais tous les grands équilibres se trouvent bouleversés. Dans la nature, comme dans l’humanité, on est plus fort quand on est varié et divers que quand on est uniformisé.


Rapport parlementaire sur l’énergie et le climat

"En 2030, tout sera joué"

"L’homme, par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot, par son insouciance pour l’avenir et pour ses semblables, semble travailler à l’anéantissement des moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce..."

Cette citation du botaniste français Lamarck date de 1820. Elle a été mise en exergue par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques au début du premier tome de son rapport sur “Les apports de la science et de la technologie au développement durable”.
Ce texte, intitulé “Changement climatique et transition énergétique : dépasser la crise”, est signé par les sénateurs Pierre Laffitte et Claude Saunier. Ce rapport a reçu la contribution de 18 députés et de 18 sénateurs, de différents bords politiques. Il souligne notamment que le changement climatique est "une réalité très inquiétante".

Une "menace incontournable"

La première partie dresse l’état et les perspectives du modèle énergétique mondial. Elle établit qu’"une certitude s’installe progressivement : il nous sera de plus en plus difficile de continuer à fonder notre développement économique sur un modèle énergétique qui présuppose l’utilisation sans frein de sources d’énergie fossile abondantes et bon marché.
Mais on ne peut traiter des problèmes liés au modèle énergétique mondial actuel comme on l’aurait fait à l’occasion des crises pétrolières de 1973 et 1980. Car la Terre est à la fois un espace de vie et une réserve de ressources.
La menace sur cet espace de vie, déjà pressentie par Lamarck en 1820, est devenue incontournable : le changement climatique. Ce phénomène majeur, d’ampleur historique, que les scientifiques mesurent avec plus d’acuité depuis le milieu des années 1980 est d’origine fortement anthropique ; il est une des conséquences directes de nos modes d’utilisation des ressources énergétiques. Cette menace est désormais ressentie comme aiguë par la quasi-totalité des scientifiques mondiaux"
.
La deuxième partie démontre que "la pente actuelle du modèle énergétique mondial conduit à penser qu’en 2030 tout sera joué ou presque. En fonction du déroulement des événements à venir en l’espace d’une génération, beaucoup des traits dominants de ce modèle seront acquis, sinon pour le reste du siècle, tout au moins pour les trente années qui suivront. Mais l’éventail des possibles reste ouvert".

"Subir ou agir"

La troisième partie souligne l’apport de la science et de la technologie à la transition énergétique. Elle affirme que "le constat effectué sur le modèle énergétique mondial et ses scénarios d’évolution à l’horizon d’une génération montrent clairement l’urgence de décisions en matière de politique énergétique. Le défi est simple : il faut avoir mis en place avant 2020 un modèle énergétique pertinent dans chaque pays, mais également à l’échelon planétaire".
Dans la quatrième partie, dix propositions sont émises pour réussir la transition énergétique. "À l’horizon de 2030, la poursuite de la tendance actuelle aboutira à une situation mondiale caractérisée par des coûts croissants dus au changement climatique et des prix du pétrole élevés. À l’échelon national comme à celui de la planète, ce mouvement aboutira à renforcer les inégalités, à créer des tensions inquiétantes et à rendre les investissements nécessaires pour la transition énergétique plus difficile à financer. Face à ces données, il y a deux comportements : subir ou agir", conclut la présentation du rapport.


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