Une constante dans la politique des gouvernements depuis 61 ans

Le désengagement de l’État payé par les Réunionnais

16 novembre 2007, par Manuel Marchal

Le désengagement de l’État ne date pas d’hier. Promulguée le 19 mars 1946, la loi Vergès-Lépervanche reconnaissait l’abolition du statut colonial. 61 ans après, cette loi n’a jamais été totalement appliquée. Ce sont les Réunionnais qui en payent les conséquences.

« Les lois et décrets actuellement en vigueur dans la France métropolitaine et qui ne sont pas encore appliqués à ces colonies feront, avant le 1er janvier 1947, l’objet de décrets d’application à ces nouveaux départements » : quelles sont les lois sociales qui ont été appliquées dès le 1er janvier 1947 à La Réunion ?
Il a fallu aux Réunionnais des décennies de bataille pour arracher l’égalité sociale prévue pourtant dès le 1er janvier 1947. Les exemples sont nombreux : droit aux allocations chômage, versement des allocations familiales, montant du SMIC, montant du RMI...
Plus d’un demi-siècle de bataille ont été nécessaire pour que les gouvernements qui se sont succédé à Paris finissent enfin par exécuter une loi de l’État.
Mais pendant ce temps, la crise s’est amplifiée à La Réunion. Elle s’est traduite par le chômage massif, le manque de logements sociaux, et la vie chère.

Trois fois plus de chômage à La Réunion

Alors qu’en France, le taux de chômage est aujourd’hui inférieur à 10%, il est encore trois fois plus important à La Réunion. Pourquoi a-t-on laissé faire cette injustice ? Quant au droit au logement, la situation actuelle exclut beaucoup de Réunionnais de ce droit élémentaire et bientôt opposable en justice.
Emploi et logement sont deux crises contre lesquelles l’État n’a jamais pris les mesures nécessaires pour inverser la tendance. C’est ce qui se passe depuis plus de 60 ans.
C’est ce qui explique pourquoi il est plus que jamais nécessaire de faire preuve d’ambition pour remédier à cette situation. Or, le budget 2008 est comme ses prédécesseurs : il ne donne pas les moyens de résoudre la crise dans les secteurs qui sont de la compétence de l’État.
Conséquence : ce sont donc les Réunionnais qui devront payer.
Payer veut dire avoir toujours plus de difficulté à avoir un travail, ou un logement. Payer veut également dire voir les taxes locales augmenter, et constater une diminution de la qualité des services publics.

L’exemple des TOS précaires

Un exemple suffit à rappeler que la politique actuelle se situe dans le prolongement de plus de 60 ans de désengagement des différents gouvernements.
L’État emploie aujourd’hui des centaines et des centaines de travailleurs précaires dans l’Éducation nationale. Le gouvernement prévoit de les licencier progressivement au cours de l’année qui vient. Alors que l’emploi est le problème numéro un de La Réunion, et que cette compétence relève de l’État, le gouvernement prévoit de licencier des centaines de travailleurs réunionnais.
Qu’adviendra-t-il de ces travailleurs ? Aux Réunionnais de se débrouiller si le gouvernement conclut ce projet. Cette situation ne serait jamais arrivée si les gouvernements avaient créé le nombre nécessaire de postes de fonctionnaires "techniciens et ouvriers de service" dans les collèges et les lycées. Au lieu de cela, le désengagement de l’État s’est traduit par le maintien dans la précarité de ces travailleurs, et par la menace du chômage pour des centaines d’entre eux après des années de service payées au salaire minimum.
C’est d’une tout autre politique dont a besoin La Réunion. À l’heure où la crise de l’emploi, du logement et du pouvoir d’achat ont franchi depuis longtemps le seuil de l’intolérable, tout nouveau désengagement ne peut qu’aggraver la situation.

M.M.

6 mai 1978 : 32 ans après le vote de la loi d’égalité, l’inégalité grandit entre le SMIC de France et celui de La Réunion
1er mai 1979 : contrairement aux chômeurs en France, le chômeur réunionnais doit lutter pour être indemnisé.
9 mai 1987 : 50 ans après l’engagement de l’État à appliquer les lois sociales à La Réunion, le gouvernement refuse toujours : 2 milliards économisés sur le dos de l’Outre-mer en quelques mois.

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