Augmentations d’impôts locaux

Le gouvernement et ses soutiens locaux veulent faire financer l’emploi par les Réunionnais

1er avril 2004

La bataille pour une véritable décentralisation est l’un de ces « rendez-vous redoutables des six prochaines années » annoncés par le président de Région Paul Vergès au soir du deuxième tour des élections

À peine tournée la page des élections de mars, les citoyens ont sous les yeux l’exemple d’élus et d’hommes politiques de la majorité gouvernementale, dont les déclarations et les premiers actes peuvent être interprétés comme un mépris souverain de l’électorat et des messages qu’il vient d’envoyer aux gouvernants.
C’est, au plan national, un Premier ministre reconduit alors que plus de 66% des électeurs lui ont manifesté leur défiance. Et si, à La Réunion, la majorité UMP du Conseil général déclare, côté cour, à des confrères du “JIR”, qu’elle se cherche un(e) président(e) capable "d’incarner une rupture" d’avec le gouvernement, les premiers actes pris, côté jardin, par deux maires UMP dans leurs Conseils municipaux démentent totalement cette tendance.
Pourquoi le sénateur-maire de Saint-André augmente-t-il de 44% la taxe d’habitation dans sa commune ? C’est "pour ne pas mettre à la porte les emplois-aidés dont le contrat arrive pour certains à échéance prochainement". "Les recettes nous permettront également de financer une partie des travaux du Colosse, des trois ZAC, des logements sociaux ainsi que des écoles", explique le sénateur-maire UMP en mélangeant allégrement des réalisations relevant de compétences et de lignes budgétaires très différentes. La compétence en matière de logements sociaux, par exemple, ne lui incombe pas et les contribuables saint-andréens n’ont aucune raison d’accepter qu’on leur fasse payer la diminution, l’an dernier, de près de 32% de la LBU. Même chose en ce qui concerne les emplois aidés. Des emplois-aidés auxquels l’État voudrait retirer sa participation de 80% : pour la faire supporter par les finances des collectivités locales ?

Une logique clientéliste

La même ligne de conduite inspire le maire de Cilaos dont la majorité du Conseil municipal a voté mardi les taux 2004 des impôts locaux : 24,30% pour la taxe d’habitation ; 33,2% de taxe sur le foncier bâti et 36,95% sur le foncier non bâti. Le tout pour "financer les dépenses de personnel". Des dépenses représentant 70% du budget fonctionnement, dont l’augmentation depuis 2003 est causée par des "embauches massives", selon les critiques formulées par l’opposition municipale. Il s’agit soit d’emplois précaires financés par le FEDOM, mais dont certaines promesses de campagne ont crevé le plafond, soit de titulaires recrutés dans la même logique clientéliste. Que penser de ces titularisation aussi de ces titularisations arbitraires ? Et dans ce second cas, la politique des revenus dans la fonction publique est de la compétence de l’État, comme ont su l’Intersyndicale et l’Association des maires, et l’État doit assumer ses responsabilités, en particulier sur le dossier de la surrémunération.
En ce qui concerne les emplois-jeunes, par exemple, le gouvernement n’a eu de cesse dans les mois qui ont précédé les élections, d’expliquer par la voix de Mme Girardin qu’aucun jeune ne serait laissé "sur le bord du chemin". À l’époque, la ministre était relayée par les élus UMP de l’île, qui à chaque critique de leurs opposants rétorquaient que les transferts financiers correspondant aux nouvelles compétences "sont inscrits dans la Constitution". Sans doute.

Payer pour les incompétences de l’État

Mais la mise en œuvre de ce volet de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 est renvoyée à une loi organique, dont l’examen par les parlementaires ne commencerait que le 13 avril prochain et dont le contenu est essentiel à l’encadrement législatif de ce que sera cette autonomie financière des collectivités. Déjà deux élus UMP de La Réunion ont fait voter des augmentations très importantes des impôts locaux (1), avant même de savoir dans quel ensemble financier ils viendront s’inscrire.
C’est contre ces orientations que s’est prononcée une forte majorité des Réunionnais dans le scrutin des régionales et des cantonales. En donnant près de la majorité absolue à la liste d’Alliance conduite par Paul Vergès, l’électorat réunionnais a clairement indiqué les orientations qu’il voulait voir prendre par la collectivité régionale : à l’opposé de ce que font tous ceux, de droite ou de gauche, qui acceptent de faire payer par les Réunionnais des réalisations (emplois, logement social, continuité territoriale, etc...) relevant des compétences de l’État. La décentralisation est un acte politique trop sérieux pour que les Réunionnais puissent accepter de le voir dénaturé par des apprentis sorciers bien pressés de précéder - sans véritable anticipation - une réforme dont l’architecture d’ensemble n’est pas achevée.

P. David

(1) L’augmentation de 5% des impôts locaux, votée le même jour par le Conseil municipal du Port, a été calculée dans la limite de l’assiette fiscale communiquée, pour garantir l’équilibre budgétaire. Le maire, Jean-Yves Langenier, a donné par ailleurs deux exemples de désengagement de l’État : un dans le Contrat de ville et un concernant les CES.


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