Retraites et salaires

Le gouvernement veut réformer « globalement » les majorations

Énième suite du rapport Laffineur

18 novembre 2003

Lors de la 2ème séance du jeudi 13 novembre 2003, les députés de l’Assemblée nationale ont étudié, dans le cadre du vote du budget de la nation, un chapitre intitulé ’charges communes’, dans lequel figurait l’amendement Laffineur, visant à supprimer la majoration des retraites outre-mer. Si l’amendement n’est pas passé, il faut néanmoins, de l’aveu même du ministre du Budget, s’attendre à ce que cette question soit à nouveau posée. Il propose, en effet, une « réforme globale ». Et répond donc aux ’préoccupations’ de Laffineur...

Lors de la 2ème séance du jeudi 13 novembre 2003, les députés de l’assemblée nationale ont étudié, dans le cadre du vote du budget de la nation, un chapitre intitulé "charges communes", dans lequel figurait l’amendement Laffineur, visant à supprimer la majoration des retraites outre-mer. Si l’amendement n’est pas passé, il faut néanmoins, de l’aveu même du ministre du budget, s’attendre à ce que cette question soit à nouveau posée. Il propose, en effet, une « réforme globale ». Et répond donc aux "préoccupations" de Laffineur...
Daniel Garrigue, rapporteur spécial expliquait que cet amendement « a été adopté par la commission des finances » mais que « à titre personnel », il avait « émis des réserves », il a laissé au président de la commission « le soin de le présenter ».
Pierre Méhaignerie a donc expliqué que « cet amendement n’est qu’indicatif, dans la mesure où il s’agit d’une disposition d’ordre réglementaire ». Rappelant que le point de départ de cet amendement était le rapport de la Cour des comptes, lequel estimait « que la majoration de retraite dont bénéficient les retraités titulaires d’une pension de l’État justifiant d’une résidence dans certaines collectivités d’outre-mer est injustifiée, injuste, incontrôlable et d’un coût croissant », il expliquait qu’il était « légitime que les retraités qui ont passé leur vie active dans ces collectivités continuent à bénéficier de cette majoration -qui va de 35 à 75% ».
Il soulignait également qu’il en en allait de même pour ceux « qui sont venus travailler en métropole et souhaitent retourner chez eux pour prendre leur retraite ». En soulignant qu’un « député de La Réunion » avait lui-même « reconnu que chaque année, environ 500 personnes s’y faisaient domicilier de façon fictive, afin d’obtenir cette majoration - à laquelle s’ajoutent des réductions d’impôt », il s’interrogeait : « Peut-on accepter cela, au moment où notre système de retraite connaît des difficultés ? ». Il préconisait alors que le Gouvernement « travaille le sujet avec les députés d’outre-mer ». Et de conclure : « Pour ma part, j’ai décidé de ramener de 15 à 5 millions la réduction de crédits proposée, afin de seulement lutter contre les abus ».
Le Ministre délégué au budget lui répondait « Qu’il s’agisse de 15 ou de 5 millions, cet amendement a pour objet de provoquer un changement normatif ». Il avançait un chiffre : 25.000. Tel serait selon lui, le nombre de retraités de la fonction publique qui bénéficieraient des « dispositions incriminées », ces retraités résidant à La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Mayotte et Wallis-et-Futuna.

Réforme globale

Le ministre précisait : « Le Gouvernement est opposé à une réforme ponctuelle. Toute évolution ne saurait être décidée que dans le cadre d’une réforme globale, mise au point de façon concertée. Néanmoins nous examinerons les moyens de renforcer les contrôles afin de lutter contre les abus. En outre, le Gouvernement n’est pas opposé à ce qu’une expertise exhaustive soit réalisée sur l’ensemble des dispositifs relatifs à la fonction publique outre-mer, afin de mesurer objectivement leurs effets tant positifs que négatifs. Il ne verrait qu’avantages à ce que les commissions des finances y soient associées ».
En clair : il n’était pas opposé à une modification du régime de majoration des retraites. Bien au contraire...
Après les interventions de quelques députés, Pierre Méhaignerie revenait à la charge : « Les conclusions du rapport de la Cour des comptes sont claires : "Il importe de mettre fin à l’attribution de cette indemnité injustifiée, d’un montant exorbitant". S’agit-il de remettre en cause les 200 millions acquis ? Non. S’agit-il de remettre en cause la progression des retraites ? Non. Sur 25 millions, seuls 5 sont remis en question. Tout le monde prétend vouloir réduire les abus, et nous ne nous en donnerions pas les moyens ? Je ne retire pas l’amendement ».
Méhaignerie persistait et signait. Et même si l’amendement n’a pas été adopté, la menace est encore plus précise, la réforme proposée par le gouvernement en est la preuve puisqu’elle répond aux préoccupations de Laffineur.
Le député UMP ne se contentait pas de mettre l’accent uniquement sur les indexations des traitement des agents de la fonction d’État, mais intégrait au titre des "spécificités de la fonction publique outre-mer" d’autres "compléments de rémunération" : congés bonifiés ou abattement de 30% de l’impôt sur le revenu, pensions de retraite indexées, etc... Le député UMP Laffineur évoquait non seulement la fonction publique d’État mais aussi la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière.
La déclaration du ministre, appelant à une « réforme globale » répond donc parfaitement aux points soulevés par le député Laffineur.
Comme nous l’écrivions dans une précédente édition : l’UMP est fermement décidée à aller jusqu’au bout. Et cette fois, ce n’est pas à travers d’amendements de députés ou sénateurs, (« On ne fait pas une politique à coup d’amendements » disait le premier ministre) mais par un projet de loi...

L’aveu de Victoria
Quant à René-Paul Victoria, il plaçait le débat sous un autre signe : « En outre, depuis que l’on parle des amendements Laffineur ou Méhaignerie, nous constatons que les cadres métropolitains viennent de moins en moins nous apporter leur contribution ».
Alors là, c’est le pompon. Ce qui nous dit le député, c’est ni plus ni moins que les Réunionnais n’ont pas le savoir faire nécessaire pour développer leur pays, puisqu’il faut que ce soient des « cadres métropolitains » qui viennent à La Réunion « apporter leur contribution ».
Le syndrome de la goyave de France a encore frappé : et cette fois, chez un député. Qui se targue de défendre les Réunionnais. Et cette image négative d’une Réunion qui manque de cerveaux et de compétences a aussitôt frappé Éric Raoult, qui dans une intervention tonitruante expliquait : « Là-bas, il n’y a pas de politique de la ville ; il y a des tôles ondulées », le « là-bas », étant conjointement Le Chaudron de La Réunion et le ghetto de Pointe-à-Pitre...
et celui d’Audifax
Bertho Audifax déclarait : « Nous, parlementaires des DOM, ne sommes ni d’obtus réactionnaires ni des adeptes d’un clientélisme éhonté. Nous sommes comme vous animés d’un esprit de réforme et comme vous, nous faisons de la politique dans nos circonscriptions. (...). Ce que la commission des finances considère comme un avantage inique remonte à une cinquantaine d’années. (...). S’il est accordé à des personnes qui sont nées outre-mer, qui y ont fait carrière, qui y mourront, et qui à la retraite supportent un coût de la vie supérieur à celui de la métropole, où est l’injustice ? (...). De combien le coût de la vie à la Réunion est-il supérieur à celui de la métropole ? Aucun gouvernement, à ce jour, n’a voulu ou n’a su l’apprécier ».
Y compris l’actuel gouvernement, donc. Mais le "député qui travaille en silence" n’a pas poussé l’idée plus loin... On se demande bien pourquoi... Mais on a noté au passage qu’il ne s’opposait pas aux réformes envisagées...

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