La décision du Conseil constitutionnel sur les TOS

Le mauvais coup socialiste

16 août 2004

L’enchaînement des responsabilités ayant abouti à la décision prise jeudi dernier par le Conseil constitutionnel concernant le transfert des T.O.S. de l’État vers les collectivités dans les D.O.M. est clairement établi.

Avec l’amendement qu’il a déposé lors de la révision constitutionnelle en novembre 2002 sous prétexte de refuser le vote de “lois péi”, Jean-Paul Virapoullé a bloqué toute possibilité pour La Réunion d’obtenir des adaptations des lois aux réalités réunionnaises et, dans le cas qui nous concerne aujourd’hui, dans le transfert des T.O.S..
Devant la colère des intéressés, soutenus par leurs collègues enseignants et par l’opinion publique, le sénateur-maire de Saint-André avait reculé et tentait une manœuvre en déposant à la va-vite un amendement proposant de subordonner le transfert des T.O.S. à un rattrapage préalable de leurs effectifs dans les D.O.M. par rapport aux régions métropolitaines.

Une mise au point socialiste attendue

Cet amendement a ouvert la porte à un ballet politicien et à une réédition du ridicule face-à-face Jean-Paul Virapoullé/Rue Oudinot. Affirmant que la proposition de l’élu saint-andréen était non-conforme à la Constitution, le gouvernement en proposait une autre version.
Pour de nombreux observateurs, tout en donnant l’impression de satisfaire les parlementaires UMP de La Réunion qui étaient montés au créneau sur la question du transfert des T.O.S., Matignon et la Rue Oudinot les piégeaient : ils savaient que ce qui était préconisé n’était pas recevable constitutionnellement. Il faudra, en tout cas, que le gouvernement explique pourquoi, tout en admettant la pertinence de procéder préalablement à un rattrapage avant tout transfert, il a lui aussi attendu le dernier moment pour mettre cette idée en application et cela dans des conditions qui ont entraîné et le recours socialiste et la décision du Conseil constitutionnel.
Il n’en reste pas moins - et c’est le point capital - que la Haute juridiction s’est prononcée sur une saisine de plus de soixante députés députés socialistes, parmi lesquels François Hollande, Henri Emmanuelli, Arnaud Montebourg et Laurent Fabius, c’est-à-dire les chefs de file de tous les courants au sein du P.S..
De toute évidence, avant d’agir, le Parti socialiste n’a pas consulté les députés de l’Outre-mer, membres de son groupe parlementaire : aucun d’entre eux n’est signataire de la saisine. Il n’a pas non plus consulté les autres forces progressistes de l’Outre-mer. Il est, en cela, logique avec l’attitude qui a été la sienne au moment de désigner ses candidats pour les européennes de juin dernier : il a décidé seul, au nom de l’Outre-mer.
La direction nationale socialiste a-t-elle pris langue avec sa fédération locale ? Si les dirigeants socialistes réunionnais ont été consultés, ils doivent une mise au point à l’opinion publique.
S’ils ne l’ont pas été et s’ils ont été - en quelque sorte - ignorés sinon méprisés par leur direction parisienne, ils le doivent à eux-mêmes. N’ont-ils pas réaffirmé à maintes reprises, au cours de ces derniers mois, le respect total sinon l’admiration qu’ils portent à leur direction et à ses décisions ? N’ont-ils pas, par leur attitude, encouragé Paris a prendre des décisions en passant par dessus l’avis des ultra-marins ?

Une jurisprudence est créée

Au-delà de ces considérations, la démarche socialiste et son résultat sont lourdes de conséquences pour l’Outre-mer. Car elles dépassent désormais le seul cadre du transfert des T.O.S..
En cas d’alternance en 2007, le P.S. va diriger les affaires de l’État. Au nom du principe de l’égalité, il refuse tout traitement spécifique pour les DOM. Le parti de François Hollande mettra donc en œuvre sa propre orientation, celle qui transparaît dans le contenu même de son recours.
Jusqu’à présent, ce débat sur la reconnaissance ou pas d’une spécificité outre-mer ressortait du domaine politique, de la confrontation d’idées. En recourant contre l’article 203 de la loi de décentralisation, les députés socialistes - qui auraient pu éviter de le faire - ont ouvert la voie à la décision du Conseil constitutionnel qui, faut-il le rappeler, est majoritairement composé actuellement de membres issus de familles politiques de droite. Ce qui était l’argument d’un parti est devenu, depuis le 12 août, une jurisprudence qui s’impose à tous.
Dans leur recours, les parlementaires socialistes fournissent au Conseil constitutionnel les arguments essentiel pour fonder leur décision et créer une jurisprudence. La Haute juridiction ne reconnaît pas au titre de "caractéristique ou contrainte particulière" ni les retards constatés ni les besoins créés par la situation démographique. "On ne saurait s’appuyer sur le seul déséquilibre démographique", précisaient - dans leur recours - les députés socialistes.
Le gouvernement avait ajouté dans son argumentation une autre “spécificité”, qui n’a pas retenu l’attention du Conseil constitutionnel. Il arguait des "aléas climatiques" qui, selon lui, "sont susceptibles d’affecter les départements et régions d’outre-mer (et qui) justifient également un renforcement des effectifs d’au moins certaines catégories de personnels techniciens, ouvriers et de service".
Retard en équipements et en personnels et nécessité de faire face aux besoins de la progression démographique étaient les deux arguments essentiels pour exiger la mise en œuvre d’une égalité collective entre les D.O.M. et les départements métropolitains. Avec la décision du Conseil constitutionnel, ces deux bases sautent. Cela au moment même où l’argumentation commençait à prendre poids.
C’est en effet la première fois que, dans une loi, on reconnaissait l’existence de retards dans les DOM et qu’on posait le principe d’un rattrapage. La bataille pour la reconnaissance des spécificités des DOM et pour l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique adéquate vient de recevoir, en ce 12 août 2004, un très mauvais coup.


Michel Vergoz, décrédibilisé

Le 27 juillet dernier, réagissant à propos de l’amendement Virapoullé sur les T.O.S., Michel Vergoz déclarait : "Pour nous, il n’y a aucune victoire sur ce dossier. Ce qui est à déplorer, c’est que le transfert des TOS soit acquis. (...) L’amendement Virapoullé revenait à dire “oui” au transfert des TOS. Nous ne voulons pas de cette politique du pire, fût-elle la moins pire, car elle porte atteinte à l’unité de la communauté éducative et déstructure l’éducation nationale. Pour ma part, je ne crois pas au rattrapage des TOS. En disant qu’il est repoussé aux calendes grecques, c’est entériner le fait qu’il n’est pas prêt de se faire. C’est insoutenable politiquement et injurieux à l’égard de l’Éducation nationale. Nous nous engageons à revenir sur cette réforme si nous remportons les élections de 2007".
Nous écrivions alors que l’engagement de revenir sur la réforme en 2007, en cas d’alternance, aurait mérité d’être pris par les responsables nationaux du PS. À commencer par son premier secrétaire, François Hollande. Question de crédibilité.
Il aurait en effet fallu que Michel Vergoz précise par quelles voies et par quels moyens il compte revenir en 2007 sur la réforme et, plus précisément, sur son seul volet réunionnais, qui semblait être l’unique préoccupation de l’élu socialiste.
Avec l’épisode récent du recours de soixante députés socialistes - dont François Hollande -, nous savons que Michel Vergoz a parlé en l’air.
Les requérants n’ont pas contesté le transfert des TOS. Au nom du principe d’égalité, ils demandaient que ce transfert se fasse dans les DOM aux mêmes conditions qu’en Métropole. Sur ce point, ils ont été suivis par le Conseil constitutionnel.
Nous savons donc maintenant que le point de vue de Michel Vergoz sur le sujet était à l’opposé de celui de ses camarades parisiens. Et, comme on peut l’imaginer, Michel Vergoz a certainement été consulté par sa direction nationale avant le dépôt du recours. Au cas où il aurait donné son accord, il tiendrait donc un double langage. Cela appelle en tout cas une mise au point.
Toujours est-il que nous voyons mal comment le premier secrétaire fédéral aurait pu aller contre la volonté de son parti et réclamer, en 2007, une remise en cause du transfert des TOS.
L’amendement Virapoullé, plus ou moins remanié par le gouvernement, donnait un sursis, qui rendait possible une remise en cause. Le recours socialiste et la décision du Conseil constitutionnel qu’il a entraînée ruinent totalement cet espoir.
Maintenant, une chose est claire : à chaque fois que Michel Vergoz prendra, au nom de son parti, un engagement quelconque, on ne manquera pas de s’interroger et de se demander si le secrétaire fédéral socialiste n’est pas en train de nous rouler dans la farine.


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