Lettre du Parti communiste réunionnais au Garde des Sceaux

Le PCR demande une enquête urgente sur les embauches discriminatoires d’emplois aidés à quelques semaines des élections

22 février 2011

Suite à la révélation du scandale des emplois verts attribués massivement par la Région à des associations créées voici quelques mois, et après sa conférence de presse dénonçant l’utilisation à des fins électoralistes de la détresse des Réunionnais, le Parti communiste réunionnais a écrit au ministre de la Justice, Garde des Sceaux. Il est demandé au ministre de la Justice d’ouvrir une enquête afin de faire toute la transparence sur des méthodes qui sont une atteinte à la dignité des Réunionnais, et un trouble manifeste à l’ordre public. Voici le texte de cette lettre signée par Élie Hoarau, secrétaire général du PCR, avec des inter-titres de ’Témoignages’.

« Monsieur le Garde des Sceaux

En 2008, l’INSEE a publié une enquête révélant que, dans notre Département, 52% de la population vivaient sous le seuil de pauvreté national. La crise économique de ces deux dernières années — amplifiée par la suppression de nombreux projets d’envergure — a projeté ce chiffre au-delà des 60%. Le taux de chômage est 3 fois plus élevé qu’en métropole et on relève 20% d’illettrés chez les jeunes qui effectuent le service civil.

Ce contexte social tendu à l’extrême offre un terreau favorable à des discriminations de toute nature, et singulièrement en matière d’embauche, ces discriminations étant le fait de personnes d’autorité.

Cette situation nous a paru suffisamment grave et exceptionnelle pour vous demander de diligenter une enquête afin de mettre un terme à ce qui constitue un trouble manifeste à l’ordre public. À la veille du scrutin cantonal, vous conviendrez — nous n’en doutons pas — du caractère urgent d’une telle enquête.

Le préfet dénonce des "emplois magouilles"

Les faits :

En 1995, le Conseil d’État a annulé l’élection du maire de Saint-Paul au motif que le recrutement massif de C.E.S. (contrat emploi solidarité) avait dépassé « le cadre normal de l’activité municipale » et avait « revêtu le caractère d’une manœuvre susceptible d’avoir altéré la sincérité du scrutin ».

Dix ans plus tard, le même grief a entraîné une décision identique à Saint-Philippe, ce qui a conduit à de nouvelles élections municipales.

Le 5 décembre 2007, lors de l’assemblée plénière du Conseil général, le préfet de La Réunion, rendant compte des activités des services de l’État, a dénoncé le mode d’attribution et l’utilisation à des fins électoralistes d’un certain nombre d’emplois aidés en les qualifiant « d’emplois-magouilles ».
Malheureusement, cette dénonciation n’a été suivie d’aucune initiative du représentant de l’État. L’absence d’enquête et de mesures administratives et judiciaires immédiates a été reçue comme un brevet d’impunité par les élus concernés, lesquels ont donc persévéré dans leurs abus. Au final, la dénonciation du préfet est restée sans effet sinon que ce sont aujourd’hui toutes les personnes travaillant en emplois aidés qui supportent le poids de ce reproche, accusées qu’elles sont de bénéficier d’un « emploi-magouille ».

Les chiffres démontrent — cette dénonciation préfectorale n’ayant pas été suivie d’effet — qu’à l’occasion du renouvellement des conseils municipaux, en mars 2008 (trois mois après la « sortie » du préfet), le phénomène a été accentué à un point tel qu’il confine parfois au scandale.

Le précédent des municipales de 2008

Nous joignons à la présente, chiffres et diagrammes illustrant ce scandale.

En 2008, juste avant les municipales, la commune du Tampon avait raflé 34% des emplois aidés attribués par l’État aux 24 communes. Aujourd’hui, l’État n’a toujours pas publié la répartition des emplois qu’il subventionne et qu’il attribue aux collectivités.


Au sommet de ce palmarès des abus concernant les emplois aidés se trouve la commune du Tampon. Cette commune s’est octroyé l’équivalent de 5016 mois de CES, suivie de Saint-Paul (2700), de Saint-Pierre (1500), de Saint-Louis (1452). Ces quatre communes se réclamant alors de la majorité présidentielle. En fin de liste, trois communes d’opposition : Sainte-Suzanne obtenant 48 emplois aidés, tandis que Le Port et La Possession n’en obtenant aucun. L’excès d’emplois aidés pour les quatre communes de la majorité présidentielle tout comme la privation quasi totale, voire totale, de ces emplois aidés pour les trois communes de l’opposition ne découle ni de la taille des communes, ni du « besoin normal » de chacune, selon la définition du Conseil d‘État. Le caractère massif et discriminatoire de ces embauches se lit dans cette répartition.

Aujourd’hui, alors que nous sommes en pleine période des six mois précédant le scrutin cantonal des 20 et 27 mars, le Conseil régional, finance l’embauche discriminatoire de contrats aidés par des associations récemment créées au point que, pour certaines, leurs statuts ne sont à ce jour pas publiés au "Journal Officiel". Aucun appel à projet n’a été publié ; les critères qui ont prévalu à l’embauche des uns et à l’exclusion des autres ne sont pas connus.

La lumière sur les recrutements au Tampon et à la CCSud

Au dévoiement que constitue cette attribution sélective d’emplois aidés, s’ajoute le mépris tant à l’encontre des personnes embauchées que des contribuables : la presse démontre que des personnes embauchées se trouvent sans activité et parfois même — dès leur embauche — immédiatement en position de congés payés alors même qu’elles n’ont pas travaillé. Obnubilés qu’ils sont par le calendrier électoral, les auteurs de ces attributions d’emplois aidés ne disposent même pas des conventions règlementaires préalables à l’examen de la fiabilité des projets soumis à financement. Il s’ensuit une pagaille constituant un réel trouble à l’ordre public tant le scandale est visible.

Le scandale des emplois qualifiés de « magouilles » n’a été dénoncé par le préfet que pour ce qui concerne le recrutement de ceux que la situation économique condamne au chômage. L’enquête que vous ne manquerez pas de diligenter, devra également s’attacher à faire la lumière sur les conditions ayant présidé, depuis 2008, au recrutement de maires et d’adjoints embauchés et rémunérés au Tampon, soit par la municipalité, soit par la C.C.SUD, deux collectivités dirigées, au moment des faits, par la personne même qui, aujourd’hui, est à l’origine d’une vaste organisation d’« emplois-magouilles » à la direction de l’institution régionale.

Je vous prie de croire, Monsieur le Garde des Sceaux, en l’expression de ma Haute considération.

Élie HOARAU
Secrétaire Général du PCR »

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