La crise financière et ses répercussions à La Réunion

Le “silence” des banques menace les investissements des collectivités

15 octobre 2008

Quel impact la crise financière internationale aura-t-elle (a-t-elle déjà...) sur les collectivités locales, à travers les chocs pris par les banques et les organismes de prêt ?

Par la pression mise sur les établissements bancaires, les collectivités locales - qui en sont actuellement à la finalisation de leur emprunt 2008 et à la préparation des Orientations budgétaires pour 2009 - ont du souci à se faire.
Le contenu de la conférence de presse donnée hier par la présidente du Conseil général donne le ton. Dans les communes, il faut s’attendre à des réajustements drastiques.
D’abord parce que plusieurs établissements bancaires (Dexia, la Caisse d’Epargne) figurant parmi les principaux prêteurs des collectivités, sont touchés par les répercussions de la crise venue des Etats-Unis.
Au moment où elles doivent conclure leur emprunt 2008, les collectivités notent, depuis la mi-septembre, « un grand silence » des banques dont elles attendent des propositions. L’expression vient du Secrétariat de l’AMDR, à La Possession, où l’on fait remarquer que depuis un mois environ, il est devenu impossible d’avoir un échange avec un responsable de Dexia, par exemple.
Malgré les assurances reçues de ces mêmes banques en début d’année, le sentiment partagé des responsables des collectivités locales de La Réunion est que « les banques ne veulent plus prendre de risques avec des petites communes fragiles, sans grande assise fiscale ».
A la Possession, qui dégage une épargne nette faible mais positive, les responsables n’en sont pas moins devant un dilemme. « Nous avons prévu à notre budget primitif une épargne nette de 3 millions d’euros. Les conditions que nous escomptions en début d’année s’appuyaient sur un taux d’intérêt de l’ordre de 3.5%, actuellement les taux sont plus proches de 6%, nous devons donc doubler notre provision pour les frais financiers » souligne le Secrétaire général.

En l’absence de propositions bancaires pour “boucler” leur budget, combien de communes de l’île vont se trouver déficitaires ? Ce déséquilibre peut entraîner d’une part la mise sous tutelle et d’autre part de très sérieuses difficultés de paiement, causant une aggravation de la trésorerie et des finances des entreprises qui travaillent pour ces collectivités.

Avant la crise déjà, la situation financière des collectivités de l’île était jugée préoccupante. « Des communes comme Saint-Paul, le Port, Saint-Benoît ou Saint-Louis, malgré certaines capacités, ont aujourd’hui une épargne nette négative » signale le secrétariat de l’AMDR, en renvoyant au dernier rapport de la Chambre régionale des Comptes.
Selon ce rapport annuel 2007, c’est la moitié des communes réunionnaises qui sont dans ce cas. D’une façon générale, la situation des communes de l’île y est décrite comme difficile (voir encadré).
Leur capacité d’investissement, déjà faible dans la plupart des cas, va se trouver réduite par la pression mise sur l’emprunt. Selon une estimation globale avancée par l’AMDR, le volume des emprunts dans les financements d’investissement des communes représenterait 20% à 25%.
« Cela veut dire grosso qu’aujourd’hui 20% à 25% des moyens de financement de la moitié des communes réunionnaises sont très incertaines. Nous n’avons pas de réponse » constate Doris Carassou, à la mairie de la Possession.
Arrivées en fin d’année, ces communes n’ont plus de possibilité d’ajustement : elle ne peuvent pas augmenter l’impôt (pour celles qui le voudraient) et n’ont pas les moyens d’améliorer leurs fonds - ce qui va nécessairement remettre en cause les investissements communaux.

P. David


Collectivités locales

Une marge de manœuvre réduite

« L’équilibre financier d’une collectivité peut être défini par le maintien de la capacité à investir qui dépend elle-même de la capacité d’autofinancement et de la capacité d’endettement » expose le rapport 2007 de la Chambre régionale des comptes, dans son chapitre sur l’Environnement financier communal à La Réunion et à Mayotte. Les 24 collectivités locales réunionnaises brassent un budget de 1.432,3 millions d’euros (chiffres de 2005), que le rapport a considéré à travers « trois ratios significatifs ».

Le ratio de rigidité des charges : (rapport entre les charges obligatoires et les recettes entrant dans la capacité d’autofinancement), mesure les marges de manœuvre d’une collectivité après paiement des dépenses obligatoires.
A La Réunion, ce ratio est « le plus préoccupant » puisque 12 communes sur 24 sont au-dessus du seuil d’alerte (58%) - situation due au poids élevé des dépenses de personnel.
La capacité de désendettement compare l’encours de la dette d’une commune à sa capacité d’autofinancement brute (solde des dépenses et recettes réelles de fonctionnement) - 2 communes (Ste-Suzanne, saint-André) sur 24 auraient besoin de 10 à 15 ans pour amortir le capital de sa dette, en supposant qu’elle y consacre l’intégralité de son autofinancement. Les autres communes sont dans une moyenne de 5 ans et demi, soit la durée d’un mandat municipal. L’endettement des communes - d’un montant global de 653 millions d’euros - est jugé « peu important ».
Ratio relatif au déficit : c’est le rapport entre le compte de clôture consolidé et les recettes réelles de fonctionnement. Selon les chiffres de 2005, le déficit moyen des communes s’établissait à 13,59% et deux communes (Cilaos et Saint-Joseph) présentait un ratio négatif (de -5% à 0%).
Une saisine peut être déclenchée dans les communes dont le ratio est inférieur à 10% (article 1612-14 du code général des collectivités territoriales).Pour les communes de 20.000 habitants et plus, cette même procédure peut être déclenchée dès que le déficit atteint 5%.

Source : CRC, rapport annuel 2007 : L’environnement financier communal à La Réunion et à Mayotte

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