Paul Vergès dans ’l’Express’

« Le système actuel génère un apartheid social »

31 août 2013

Cette semaine, ’l’Express’ fait sa une sur un dossier intitulé ’Antilles, Guyane, La Réunion : les fonctionnaires ont-ils trop d’avantages ?’. Après l’article introductif (voir ’Témoignages’ d’hier), ’l’Express’ donne la parole à un syndicaliste et à des fonctionnaires. Il fait état des conséquences de la surrémunération sur les budgets des collectivités, puis compare les revenus entre le public et le privé. Dans ce dossier, une interview de Paul Vergès qui propose une piste pour sortir de l’impasse : un fonds d’investissement abondé par une épargne collectée à partir de la surrémunération des fonctionnaires déjà en poste. Pour ceux qui seront nommés, le remplacement de la surrémunération par l’indemnité de résidence.
Voici la reproduction de cet article.

Dans ce numéro de "l’Express", Paul Vergès est le seul à proposer une solution qui ne lèse personne.

« Le sénateur communiste Paul Vergés voudrait faire évoluer le système des surrémunérations. Sa proposition : le remplacer par un fonds d’investissement destiné à relancer l’économie réunionnaise. Propos recueillis par Laurent Decloitre

Pourquoi militez-vous pour la suppression de la surrémunération des fonctionnaires dans l’outre-mer ?

—  Paul Vergès : Je ne souhaite pas la supprimer, mais l’adapter. La Réunion est en situation d’apartheid social. D’un côté, des fonctionnaires gagnent 53 % de plus que leurs collègues de métropole ; de l’autre, la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté. Depuis cinquante ans, les gouverne­ments de droite comme de gauche favorisent une partie des Réunionnais en organisant la pauvreté des autres. Cela doit cesser.

Mais les quelque 600 millions d’euros versés au titre de la surrémunération profitent à l’économie de l’île  !

— Bien sûr ! Rassurez-vous, je n’ai pas l’intention d’appauvrir La Réunion. Je souhaite évidemment que cet argent reste dans le département. Mais je propose un système dans lequel les revenus des nouveaux fonctionnaires seraient ramenés au niveau de la métropole, agrémentés d’une indemnité de résidence pour faire face au surcoût de la vie. Les futurs candidats à la fonction publique désireux d’exercer dans l’outre-mer postuleront donc aux concours en connaissance de cause.

Concernant les fonctionnaires déjà en place, je souhaite créer un fonds alimenté par leur surrémunération. Cette épargne sera rémunérée. Au bout de cinq, dix, quinze ans — cela reste à définir —, les fonctionnaires récupére­ront leur mise, plus les intérêts.

Entre-temps, cette épargne abonderait un fonds qui permettrait de réaliser des investissements à La Réunion, sans que cela coûte un centime à l’Etat. La somme d’argent en jeu — 600 millions d’euros — est considérable. Elle repré­sente davantage que les montants accordés à La Réunion dans le cadre du contrat Etat-région, et presque autant que l’ensemble des fonds européens. Ce dispositif aurait un effet collatéral positif : les demandes de mutation sur l’île diminueront, ce qui augmenter les chances d’insertion des jeunes Réu­nionnais désireux de travailler dans la fonction publique.

Les fonctionnaires seront-ils vraiment obligés d’épargner ?

— Nous travaillerons en concertation avec leurs représentants. Il faudra tenir compte des situations particulières (contraintes familiales, emprunts en cours, etc.). Cela dit, s’ils ne sont pas d’accord, ils pourront toujours deman­der leur mutation en métropole, où ils percevront le salaire normal de la fonc­tion publique mais sans l’épargne qu’ils auraient pu constituer grâce à notre réforme.

Dans ce cas, pourquoi ne déposez-vous pas une proposition de loi dès aujourd’hui ?

— Le faire maintenant ne servirait à rien car nous aurions peu de chances qu’un tel texte soit adopté. Mes collègues parlementaires d’outre-mer ne se montrent, hélas, guère enthousiastes. Quant à la classe politique de La Réunion, ses représentants sont quasiment tous concernés à titre personnel par le sujet. Maires, conseillers généraux ou régionaux, députés, sénateurs : la plupart bénéficient personnellement de la surrémunération. Le statu quo leur convient donc parfaitement.

La partie est-elle perdue d’avance ?

— Lorsque je discute avec les ministres, ils sont unanimes à penser qu’il faut supprimer le système actuel. A Bercy [le ministère des Finances], on est fasciné par la somme [plus de 1 milliard d’euros] que représente ce complément de revenu sur l’ensemble de l’outre-mer. Or, regardez ce qui se passe avec la défiscalisation : elle vit probablement ses dernières heures. Si nous ne prenons pas les devants, si nous n’agissons pas, il y a fort à parier que le dénouement sera identique avec la surrémunération. Mieux vaut réfléchir et s’organiser dès maintenant afin de formuler des propositions concrètes plutôt que d’attendre qu’il soit trop tard. »

Les Chagossiens sur France Inter

Ce dimanche matin 1er septembre à 9h - heure de France (11 h à La Réunion) :

Sur France Inter une émission sur les Chagos, "Chagos : les déracinés de l’océan Indien".
A la Une de l’actuPaul VergèsImpasse du modèle

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