Cartographie de la pauvreté

Le système en place à La Réunion augmente les inégalités

5 octobre 2018, par Manuel Marchal

Le dernier numéro d’INSEE Analyses, revue de l’INSEE Réunion-Mayotte dresse une cartographie de la pauvreté dans notre île. Ceci montre que des quartiers concentrent la pauvreté, alors qu’il existe également des poches de richesse. La dégradation de la situation des habitants des quartiers classés comme les plus pauvres illustre bien la nature profondément inégalitaire du système en place à La Réunion.

Les quartiers les plus pauvres ont également une forte densité de population.

Dans sa « Cartographie de la pauvreté à La Réunion » publiée mardi, l’INSEE fait le constat suivant :

« Pour le groupe de quartiers urbains qui cumulent les difficultés socio-économiques, la situation n’évolue guère, voire se dégrade au regard de plusieurs indicateurs. Ainsi, l’accès à l’emploi stagne, alors qu’il était déjà faible en 2010 : seulement 34 % des personnes en âge de travailler ont un emploi. La situation se détériore même au Port-ZUP (- 7 points) et à Saint-Denis-Le Chaudron (- 2 points). C’est aussi dans ce groupe que la part de personnes en âge de travailler et bénéficiant du RSA-socle a le plus progressé (+ 2 points). À Saint-Benoît-Bras Fusil et à Saint-Denis-Le Chaudron, la hausse est la plus vive (+ 4 points). La part de jeunes ni en emploi, ni en formation est aussi en légère hausse dans ce groupe de quartiers, alors qu’elle stagne ou diminue légèrement ailleurs : c’est particulièrement le cas à Saint-André-Centre et à Saint-Benoît-Centre (+ 5 points). Autre signe de fragilité sociale, la part d’enfants sans parent en emploi augmente très fortement au Port-Zup (+ 13 points), au Port-ZAC (+ 12 points), à Saint-Benoît-Centre (+ 12 points) ou à Saint-Denis-Le Chaudron (+ 7 points).
Dans ce groupe de quartiers les plus précaires, au vu des indicateurs mobilisés ici, la situation s’améliore uniquement pour les quartiers de Saint-Pierre-Basse Terre et de Port-Rivière des Galets, dont l’accès à l’emploi progresse entre 2010 et 2015 (respectivement + 4 et + 5 points). »

Plus de 100.000 Réunionnais vivent dans ces quartiers. Voici la description qu’en donne l’INSEE :

« Le Port (SATEC, Rivière des Galets, SIDR, ZAC, ZUP) ; Saint-André (Centre) ; Saint-Benoît (Beaufond, Bras-Fusil, Centre) ; Saint-Denis (Le Chaudron) ; Saint-Louis (Sud) ; Saint-Paul (Grande Fontaine) ; Saint-Pierre (Basse-Terre).
Rassemblant 100 300 habitants, soit 12 % de la population réunionnaise, treize quartiers cumulent les fragilités économiques et sociales les plus aiguës de l’île. Il s’agit de quartiers urbains, chacun d’eux comprenant au moins un quartier de la politique de la ville sur son territoire. Ils sont principalement situés au Port, à Saint-Louis, ainsi que dans les villes de l’Est, à Saint-André et Saint-Benoît.
En 2014, 52 % des habitants de ces quartiers vivent sous le seuil de pauvreté, soit 12 points de plus que la moyenne régionale. La pauvreté culmine à Saint-Louis Sud (61 %) et au Port-ZAC (55 %).
Cette forte précarité sociale est d’abord liée à la faible proportion des habitants en âge de travailler qui ont un emploi et donc à la faiblesse des revenus d’activité qui en découle. Bien qu’assez proches des principaux pôles d’emplois, seulement 34 % des personnes de ces quartiers sont en emploi, contre 45 % en moyenne.
Cette précarité est aggravée par des structures familiales qui pèsent sur les niveaux de vie : beaucoup de familles nombreuses (14 % contre 10 % en moyenne sur l’île) et de familles monoparentales (45 % contre 31 %). Les familles monoparentales sont plus que les autres en situation de pauvreté, la majorité des parents concernés n’ayant pas d’emploi. En conséquence, les enfants sont particulièrement touchés par la précarité dans ces quartiers : 63 % vivent sous le seuil de pauvreté.
Quant aux jeunes de 16 à 24 ans, ils peinent encore plus qu’ailleurs sur l’île à s’insérer sur le marché de l’emploi : 42 % de ces jeunes ayant arrêté leurs études n’ont pas d’emploi, contre 35 % en moyenne sur l’île. »

Cela signifie qu’un des résultats de toutes les politiques publiques mises en œuvre au cours de ces dernières années a abouti à aggraver la situation des plus pauvres. C’est bien la preuve que structurellement, le système en place à La Réunion a parmi ses principales caractéristiques la reproduction voire l’accentuation des inégalités. Cela va à l’encontre des Objectifs du développement durable signés en 2015 par la France et qui engage cet État à aller vers l’éradication de la pauvreté dans la République d’ici 2030.
À La Réunion, c’est le contraire qui se produit. C’est sans doute là une des conséquences de son intégration à la France, et qui a pour effet que les politiques menées ne sont pas conçues, décidées et mises en œuvre par les personnes les plus concernées, c’est-à-dire les Réunionnais.
Ceci condamne pour le moment La Réunion à rester un pays où cohabitent une majorité de personnes pauvres ou légèrement au-dessus du seuil de pauvreté, une minorité ayant la capacité de vivre selon les standards d’une métropole située à 10.000 kilomètres et entre les deux, une classe moyenne très réduite, caractéristique d’un pays qui n’est pas développé.

M.M.

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