Baisse du nombre des emplois aidés : face à la gravité de la situation, tous les maires se rassemblent

Les 24 maires de La Réunion demandent à rencontrer Yves Jégo

26 août 2008, par Manuel Marchal

Une semaine après la rentrée, l’Association des Maires a fait le point hier sur les difficultés rencontrées dans toutes les communes à la suite de la baisse du financement des emplois aidés par l’Etat, chiffres à l’appui. Les 24 maires de La Réunion ont décidé à l’unanimité de demander ensemble à rencontrer Yves Jégo vendredi. Car dans les conditions actuelles, la rentrée de février risque d’être encore plus catastrophique que celle que viennent de connaître les communes et les parents d’élèves. Face à une crise qui s’aggrave, les maires sont solidaires pour faire avancer l’intérêt général de La Réunion.

La baisse du financement des contrats aidés par l’Etat a des conséquences catastrophiques dans toutes les communes. La rentrée 2008 a eu lieu dans des conditions très difficiles. Ce constat est partagé par tous les maires de La Réunion, rassemblés hier au Conseil général lors de l’Assemblée de l’Association des Maires de La Réunion. De plus, les élus font part de leur très grande inquiétude au sujet de la rentrée de février. Dans les conditions actuelles se pose en effet la question de la possibilité d’accueillir les élèves à la fin des vacances d’été.
En effet, toutes les communes sont touchées par des réductions d’effectif dans l’encadrement scolaire. Si les écoles primaires et maternelles ont pu ouvrir mardi dernier, cela est dû à des redéploiements de personnels et à des embauches précaires réalisées sur les fonds propres des municipalités.
A titre d’exemple, Stéphane Fouassin cite le transfert du service animation vers les écoles, ce qui pose le problème de l’animation dans les quartiers. Roland Ramakistin, Maire de Trois-Bassins, se fait l’écho d’un autre palliatif mis en place par les maires : le transfert d’une partie du service environnement vers les écoles. Quant à Roland Robert, Président de l’Association des Maires, il annonce qu’une partie du personnel du CCAS de La Possession a dû être affectée dans les établissements scolaires.
Les communes ont dû également se recentrer sur leurs compétences légales afin d’économiser du personnel. Ce qui veut dire que des actions comme le soutien scolaire ne sont plus assurées, et si l’Etat ne prend pas des mesures pour lutter contre la pénurie qu’il a provoquée, la situation va encore s’aggraver.

Sous la présidence de Roland Robert, l’Association des Maires a décidé d’organiser une délégation des 24 premiers magistrats de l’île pour demander à rencontrer Yves Jégo vendredi prochain.
(photo MM)

Aggravation de la situation

Parmi les missions que les communes assument à la place de l’Etat dans les écoles primaires figure notamment l’accueil des élèves handicapés, rappelle la représentante du maire de Saint-Leu. Elle signale que Thierry Robert, le Maire de Saint-Leu, a adressé au recteur une lettre l’alertant sur cette question. Elle note également que pour faire face aux réductions d’effectif, la charge de travail des agents a été considérablement augmentée. Au lieu de 35 repas, un agent doit désormais en faire 60. Quant au taux d’encadrement pour la surveillance des élèves, il a dû être multiplié par deux : un agent doit maintenant surveiller 50 élèves.
Pour sa part, Patrick Lebreton, Maire de Saint-Joseph, annonce que pour ouvrir deux jours après la date prévue, il a embauché 40 CDD pour assurer la rentrée.
Au-delà de la réduction des effectifs, les élus pointent également du doigt la complexité et les délais de traitement des dossiers d’embauche pour les Contrats Uniques d’Insertion (CUI), tout en constatant que les jeunes de moins de 25 ans sont exclus de ce dispositif. Alors que pour les contrats aidés précédents, quinze jours suffisaient, il faut maintenant deux mois. Les maires constatent également le retard dans les notifications des contrats de la part des services de l’Etat. Roland Robert indique qu’il n’a été prévenu que la veille, quant à Patrick Lebreton, il indique que c’est ce retard qui est à l’origine de sa décision de repousser de deux jours la rentrée dans les écoles de sa commune.
D’un commun accord, les maires constatent que le plus dur est à venir. Si l’Etat ne répond pas aux besoins des communes en finançant une dotation suffisante d’emplois aidés, la rentrée de février aura-t-elle lieu ? Et Michel Fontaine de préciser que les contrats des derniers emplois-jeunes vont se terminer d’ici la fin de l’année. Comment remplacer plusieurs centaines de personnes ?

Les maires solidaires

Huguette Bello craint que cette aggravation de la situation soit le premier pas vers la suppression de l’école maternelle. Du fait qu’elle ne fait pas partie de la scolarité obligatoire, l’Etat a-t-il l’intention de laisser les communes se débrouiller avec la scolarisation des moins de six ans ? La députée-maire constate en tout cas l’impossibilité aujourd’hui d’ouvrir de nouvelles classes pour accueillir les jeunes de moins de 3 ans. Et elle propose d’élargir le rassemblement des maires aux associations de parents d’élèves.
Sur la base de tous ces éléments, tous les maires ont décidé de passer à l’action.
Michel Dennemont, Maire des Avirons, souligne que si les 23 autres maires avaient décidé de fermer les écoles le jour de la rentrée comme l’a fait Patrick Lebreton, une telle action aurait permis de se faire entendre de la part de tous les services de l’Etat compétents dans les domaines de l’emploi et de l’éducation. Pour sa part, Didier Robert, Maire du Tampon, rappelle que l’emploi est la compétence de l’Etat, il plaide pour « une attitude commune qui s’adresse à l’Etat ».
A l’unanimité, les 24 maires ont donc décidé de former ensemble une délégation afin de rencontrer Yves Jégo lors de sa visite à La Réunion vendredi pour lui exposer les revendications. Le bureau de l’Association des Maires, reflétant toutes les tendances politiques des élus, est quant à lui chargé de rédiger une motion qui sera remise au représentant du gouvernement.
Face à l’aggravation de la situation, tous les maires ont donc unanimement décidé de parler d’une même voix, pour faire avancer l’intérêt général de La Réunion.

Manuel Marchal


Les chiffres de la pénurie décidée par l’Etat

Le désengagement de l’Etat sur le front de la lutte contre le chômage s’illustre dans la diminution des dotations financières pour les emplois aidés. Outre le fait que ces emplois sont indispensables au bon fonctionnement de services publics tels que l’enseignement, ils jouent également un rôle social. Roland Ramakistin rappelle que 800 personnes sont privées d’emploi à Trois-Bassins, et il n’a que 77 contrats à proposer. Provoquée par l’Etat, cette diminution ne peut que contribuer à l’aggravation de la situation sociale à La Réunion, voici quelques chiffres donnés par les maires. Les emplois supprimés se comptent par centaines dans plusieurs communes.


TABLEAU

Communes, Besoins en emplois, Nombre d’emplois, financés par l’Etat, Manque (équivalent temps plein)

La Possession 180 110 70
Plaine des Palmistes 181,5 (1) 38,5 (1) 153 (1)
Trois-Bassins 201 (1) 77 (1) 124 (1)
Saint-Denis 350 150 200
Saint-Joseph 293 130 163
Saint-Benoît 130 76 54
Saint-Louis 84
Le Tampon 400 48 352
Sainte-Rose 100 25 75
Le Port 300 116 184
Saint-Paul 630,5 (2) 372,5 (2) 358
Saint-Pierre 400 189 211
Petite Ile 120 70 50
Cilaos 70 26 44

(1) Ces données concernent la totalité des contrats aidés dans les services municipaux de ces communes.

(2) La Mairie de Saint-Paul indique qu’en 2006, elle avait droit à 1.666 contrats de six mois, 1.261 contrats en 2007 et 745 pour cette rentrée. Les nombres du tableau sont donc ramenés en équivalent temps plein.

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