La COVID-19 souligne les limites des EHPAD : 50 % des morts en France concentrés dans ces établissements

Les bibliothèques vivantes des Réunionnais ne doivent pas mourir dans des EHPAD

2 novembre 2020, par Manuel Marchal

A La Réunion, la semaine dernière a été marquée par la découverte d’un premier foyer de contamination à la COVID-19 dans un EHPAD. 30 cas ont été découverts et 1 décès est malheureusement à déplorer. En France, la moitié des décès en lien avec le coronavirus sont survenus dans ces établissements. Alors que la population de La Réunion va connaître un vieillissement accéléré avec plus de 250.000 personnes âgées sur un million d’habitants dans 20 ans, le modèle importé de l’EHPAD montre toutes ses limites. D’autres existent, ils reposent sur l’intégration des personnes âgées dans la société. C’est notre modèle traditionnel à La Réunion et chez nos voisins, ce qui permet de bénéficier de toute la richesse de ces vies remplies d’expérience.

En Europe, le développement du capitalisme et de la quête du profit à tout prix s’est accompagnée de luttes sociales permettant d’importantes avancées. Le droit à la retraite des vieux travailleurs a ainsi été reconnu. Cette conquête s’est appliquée à La Réunion au moment de l’abolition du statut colonial obtenu par le rassemblement créé par la CGT, la Ligue des droits de l’Homme et des communistes à La Réunion : le CRADS.
Ceci a donc une conséquence : les travailleurs ne sont plus contraints de produire des biens ou des services sources de profits jusqu’à la fin de leurs jours sur Terre. Mais dans le monde capitaliste, ils deviennent des bouches inutiles. Ce sentiment a suffisamment imprégné la société française que de nombreuses personnes ne peuvent s’occuper de leurs parents âgés faute de moyens pour les accueillir, ou parce que c’est leur volonté. Nombreux sont alors ces anciens jugés non-productifs à terminer leurs vies dans un EHPAD (établissement d’hébergement de personnes âgées dépendantes), en recevant de rares visites de leurs enfants plutôt préoccupés par l’argent qu’ils comptent obtenir de l’héritage.

Industrie française importée à La Réunion

C’est donc une véritable industrie qui est née, financée par la Sécurité sociale. Et quand le montant de la retraite n’est pas assez élevé pour payer l’EHPAD, alors la Sécurité sociale intervient pour verser un minimum vieillesse qui sera ensuite déduit de la succession si le montant de l’héritage dépasse une certaine somme.
Les EHPAD concentrent donc des personnes âgées qui ont besoin de soins, et qui sont jugées vulnérables à toutes les épidémies. En France, avec le développement de cette industrie, toutes les conditions étaient réunies pour la catastrophe : sur plus de 37.000 décès, environ la moitié sont survenus dans ces établissements.
Conséquence de l’assimilation à la France, La Réunion voit les EHPAD se multiplier. Selon les projections de l’INSEE, La Réunion comptera un million d’habitants d’ici 20 ans, dont le quart aura plus de 60 ans. La part des personnes âgées sera alors plus importante que celle des jeunes de moins de 25 ans.
Ce changement doit être préparé, ce qui suppose de définir quelle sera la place de nos aînés dans La Réunion du futur. Traditionnellement à La Réunion, ce sont les enfants qui s’occupent de leurs parents, juste retour de l’éducation donnée par les aînés aux plus jeunes. Ainsi intégrée dans la société, la personne âgée peut faire partager aux plus jeunes son immense expérience. Cela peut se traduire notamment par la transmission de techniques, de remèdes ou autres connaissances.
Avant le développement du capitalisme en France, les révolutionnaires de 1792 avaient saisi tout le potentiel de cette génération. Les anciens étaient amenés sur les places publiques pour encourager les volontaires qui allaient combattre les armées étrangères, ils parlaient notamment de leur expérience des crimes de l’Ancien régime qui n’allaient pas manquer de se reproduire en cas de victoire des réactionnaires.

Porteurs de notre histoire

A La Réunion, les anciens sont d’emblée porteurs d’une histoire qui n’est pas enseignée dans notre île où les programmes dépendent de Paris. Ils sont les témoins voire les acteurs des luttes menées pour libérer La Réunion du colonialisme. A cela s’ajoutent les richesses propres à cette génération.
Ceci souligne donc toute l’importance de cibler les moyens financiers sur le maintien dans le domicile familial de nos bibliothèques vivantes. La Réunion ne peut en effet se permettre de voir toutes ces richesses se retrouver en marge de la société dans un établissement médicalisé. De plus, l’épidémie de COVID-19 montre que cette médicalisation n’empêche pas le virus d’entrer dans des EHPAD où la concentration de personnes vulnérables peut alors déboucher sur des hécatombes, et donc des décès prématurés d’anciens.
C’est maintenant que doivent s’opérer les choix stratégiques pour préparer le vieillissement de la population de La Réunion. Manifestement, l’EHPAD n’est pas compatible avec la valorisation des richesses de la génération la plus expérimentée.

M.M.

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