La bombe de la Cour des comptes

Les compléments de rémunération des fonctionnaires d’État outre-mer : refonder un nouveau dispositif

12 février 2015

Voici un résumé de la partie du rapport de la Cour des comptes consacrée à la surrémunération.

Tableau illustrant le rapport de la Cour des Comptes : 300 millions d’euros d’économies possibles à La Réunion rien que sur la paie des fonctionnaires d’État.

Un cadre juridique inextricable

Les fonctionnaires de l’État affectés outre-mer bénéficient de compléments de rémunération, qui se décomposent en majorations de traitements, aux taux variables en fonction des territoires, et en diverses indemnités associées.
Environ 91 000 fonctionnaires civils de l’État, soit 4,2 % de l’effectif total, sont aujourd’hui concernés, dont près des deux tiers relèvent de l’Éducation nationale, et 10 % de la mission budgétaire « sécurité ». La charge budgétaire des compléments de rémunération s’élevait à 1,18 Md€ en 2012.
Ce sont actuellement 2 lois, 13 décrets et 11 arrêtés qui constituent les fondements des « surrémunérations », représentant un inextricable maquis législatif et réglementaire.
Des fragilités juridiques ont été relevées : elles concernent par exemple le défaut de base réglementaire de l’index de correction applicable à La Réunion (qui représente près de 86 M€ en 2012).

Une pertinence et une efficacité en question

Les justifications des « surrémunérations » s’appuient sur trois piliers :
- la compensation du surcoût de la vie,
- la prise en compte des sujétions spécifiques
- et l’attractivité.

Toutefois, ces éléments se sont progressivement mêlés, au point qu’il est difficile de savoir aujourd’hui à quels objectifs répond chacune des strates des « surrémunérations ». De plus ces dernières font plus que compenser les écarts de prix avec la métropole, tandis que les conditions de vie outremer ont considérablement évolué, notamment du point de vue de l’accessibilité des territoires. La légitimité d’ensemble du système, dont les bases ont été jetées en 1950, s’en trouve ainsi affectée.
Par ailleurs, ayant été étendues aux fonctionnaires territoriaux, alors même qu’ils ne subissent pas les contraintes liées à l’éloignement de la métropole, les « surrémunérations » pèsent sur les budgets des collectivités territoriales et obèrent leur capacité à investir.
En outre, comme les contractuels n’en bénéficient pas, elles incitent les collectivités ultramarines à avoir recours à eux plus fréquemment qu’en métropole (37 % de non-titulaires dans les DOM contre 19 % en métropole), créant le risque d’une fonction publique « à deux vitesses ».
En conséquence, depuis 20 ans, de nombreux rapports administratifs et parlementaires ont traité de ce sujet, avec une tonalité critique, et ont appelé à une évolution du système.

Des évolutions nécessaires

Une clarification des objectifs des compléments de rémunération est nécessaire, qui conduirait à une refonte complète du dispositif.
Trois strates pourraient être retenues :
- une première visant à compenser le surcoût de la vie,
- une deuxième pour couvrir les frais spécifiques d’installation,
- une troisième permettant de compenser l’éloignement et la pénibilité des affectations dans certaines zones géographiques pouvant être qualifiées de peu attractives.

En réduisant les majorations de traitement à un niveau représentatif du différentiel de coût de la vie, des économies de l’ordre de 850 M€ pourraient être générées. Des économies supplémentaires seraient dégagées si on limitait effectivement le bénéfice de la troisième strate aux zones les moins attractives, alors que les indemnités actuelles s’élèvent à plus de 140 M€ par an. Toutefois, en raison de la sensibilité du sujet et de l’impact économique de telles mesures, les réformes souhaitables devraient se faire de manière progressive.

En outre, des dispositions d’accompagnement devraient nécessairement être prises. Les économies générées créeraient des marges de manœuvre pouvant, le cas échéant, servir au financement d’autres projets dans les territoires ultramarins. Par ailleurs, des leviers non financiers pourraient être activés pour préserver l’attractivité des postes, à travers des cellules d’accompagnement professionnel des conjoints, la prise en compte du calendrier scolaire dans les mutations ou le choix préférentiel de l’affectation ou du poste lors du retour en métropole

Recommandations

La Cour formule les recommandations suivantes :
– simplifier le régime des compléments de rémunération en le refondant sur une nouvelle architecture réglementaire structurée autour d’un décret unique et d’arrêtés ministériels ;
– réserver les indemnités spécifiques à la compensation des frais d’installation et de l’affectation en zone géographique difficile ;
– compléter l’incitation financière à l’affectation de fonctionnaires outre-mer par des dispositifs d’incitation non financiers et une animation de l’offre locale d’emploi ;
– substituer de manière progressive aux taux en vigueur depuis 1981 des taux correspondant au différentiel de coût de la vie dans chaque territoire.

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