12 jours après le 28 mars et 5 jours avant le vote à l’Assemblée, le P.C.R. pose la question

Les députés U.M.P. vont-ils trahir les Réunionnais ?

9 avril 2004

Après la claque magistrale du 28 mars, on aurait pu penser que le Premier ministre allait être démis de ses fonctions. Il n’en a rien été. Ou qu’il allait changer de politique. Ce ne fut pas le cas non plus. Jean-Pierre Raffarin reste sourd et aveugle face aux signaux envoyés par les électeurs. Les trois députés UMP de La Réunion vont-ils eux aussi, être sourds à la volonté populaire ? Lors du vote sur le projet de loi de décentralisation le mercredi 14 avril prochain, après avoir voté la confiance au gouvernement Raffarin lundi dernier, Bertho Audifax, René-Paul Victoria et André Thien-Ah-Koon vont-ils à nouveau trahir les Réunionnais et voter le texte gouvernemental ?

Comme le rappelait hier après-midi Élie Hoarau, lors d’une conférence de presse tenue par le Parti communiste réunionnais, il est une tradition dans la 5ème République : quand un chef de gouvernement est désavoué par la population, il est remplacé. "Jean-Pierre Raffarin a connu un échec cuisant, les 21 et 28 mars, on s’attendait à ce qu’il soit remplacé, conformément à cette tradition".
Eh bien non : "il a été reconduit dans ses fonctions" et s’est entouré de collaborateurs qui, pour un grand nombre, étaient déjà présents dans son précédent gouvernement. "Il n’a renoncé en rien à ses objectifs : la seule chose qu’il ait un peu remise en cause dans son action ce pourrait être la méthode". Et encore.
Car dans son discours de politique générale, le Premier ministre reconduit "a même crédité son action d’un certain nombre de succès", comme une légère décrue du nombre de demandeurs d’emploi, une prétendue hausse du pouvoir d’achat des familles les plus modestes...
Pourtant, après l’intervention télévisée de Jacques Chirac, on s’attendait à "quelques corrections de l’action gouvernementale" et à une modification des décisions à prendre par Jean-Pierre Raffarin. Aucune modification, si ce n’est dans le domaine de la recherche.
"C’est donc un recul de la politique gouvernementale par rapport aux promesses de Jacques Chirac", note le secrétaire général du PCR, car le Premier ministre n’a même pas repris l’engagement du président de la République concernant l’ASS. "Cette attitude du chef du gouvernement est en contradiction avec le jugement électoral très sévère" connu les 21 et 28 mars. Cette prise de position du Premier ministre reconduit a provoqué la déception de quelques députés de la majorité parlementaire. Comme Christine Boutin. Ou Philippe Sauvadet, pour ne citer qu’eux.

Inquiétudes

Élie Hoarau poursuit : "il y a des inquiétudes à avoir quant aux conséquences de cette politique à La Réunion. Nous allons entrer dans une phase de préparation du budget 2005, les différents ministres vont recevoir leur “lettre de cadrage”", c’est à dire ce sur quoi ils peuvent compter pour financer les actions qu’ils doivent mener.
Mais dans le même temps, Jean-Pierre Raffarin a fait savoir qu’il ne souhaite pas donner "de chèque en blanc" à ses ministres pour des "dépenses excessives". Et que dans le même temps, il fallait continuer à baisser les impôts.
"Où le Premier ministre va-t-il trouver l’argent nécessaire pour, d’une part maîtriser le budget, et d’autre part ramener le déficit à ces 3% du PIB ?", interroge le secrétaire général du PCR.
D’autant plus que les prévisions des économistes - et notamment celles de l’INSEE - montrent que la croissance sera "sans éclat, sans entrain". Tout comme ces mêmes économistes indiquent que le taux de chômage risque de ne pas vraiment baisser....

Vigilance

La question essentielle est donc de savoir où trouver les économies. C’est pourquoi "l’outre-mer et La Réunion devront être vigilants avant l’élaboration du budget 2005".
En effet, des politiques comme Pierre Méhaignerie ou Jean Arthuis, l’un à l’Assemblée nationale, l’autre au Sénat, ont fait des propositions, rédigé des amendements, tenu des discours extrêmement ciblés "sur la fiscalité outre-mer, sur ses spécificités". Ils avaient envisagé la suppression de la TVA non perçue récupérable. Ou voulu supprimer la majoration des pensions servies actuellement dans les TOM.
Il y a donc une première échéance : celle de l’élaboration du budget 2005, notamment celui de l’outre-mer.
Mais il y a d’autres échéances, dont une beaucoup plus proche puisque fixée au 14 avril. En effet, le 14 avril, à l’Assemblée nationale, ce sera le vote et les explications de vote sur le projet de loi de “responsabilités locales”, autrement dit de transfert des compétences de l’État vers les collectivités locales. Une échéance que le gouvernement a repoussée d’une semaine, puisque cela était initialement prévu le mercredi 7 avril. Et ce rendez-vous est extrêmement important.

Sanction considérable

En effet, le désaveu de la politique gouvernementale, qui s’est exprimé les 21 et 28 mars, porte sur plusieurs aspects. Et notamment sur le projet de loi de décentralisation. "À La Réunion surtout, ce transfert pose problème". Les TOS - et les autres personnels transférés, d’ailleurs - sont les principaux concernés.
Les grandes manifestations d’avril - juin derniers ont "certainement pesé dans l’expression populaire, au moment des scrutins des 21 et 28 mars". En France, bien sûr, mais surtout à La Réunion puisque "l’échec a été plus que cuisant" pour le gouvernement, ce vote ayant revêtu ainsi "un caractère exceptionnel", puisque "deux tiers des Réunionnaises et des Réunionnais se sont prononcés contre la politique gouvernementale, un tiers seulement l’a approuvé. C’est donc une sanction considérable".

“La faute au gouvernement”

Et devant cette sanction considérable, les responsables politiques locaux soutenant la majorité gouvernementale ont expliqué que le vote des Réunionnais s’expliquait "par la politique du gouvernement", politique "qu’ils rejetaient". Ces mêmes responsables politiques n’ont pas hésité, au soir du 28 mars, à "mettre en cause, et nommément, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et la ministre de l’outre-mer, Brigitte Girardin". Et certains de demander leur départ immédiat... et définitif...
Ary Yee Chong Tchi Kan ironise sur le silence du représentant réunionnais de l’UMP - l’ancien président du Conseil général, Jean-Luc Poudroux - que "l’on n’a pas entendu, ni après le 1er tour, ni après le 2ème tour".
Pierre Vergès enfonce le clou en rappelant les propos de ceux qui avaient fustigé l’idée du vote sanction, disant même que c’était "une escroquerie" que de vouloir faire croire cela. Ceux-là mêmes qui n’en étaient pas à une contradiction près, puisqu’avant les scrutins ils expliquaient que ces élections étaient une consultation locale, mais après les résultats, au vu de la raclée, ils expliquaient que c’était la “faute au gouvernement”.
Et toujours dans le domaine de leurs propres contradictions, ils poursuivaient que cette sanction allait se dérouler "en son temps", autrement dit en 2007. Mais au soir du 28 mars, ils n’ont "pas résisté à la tentation en demandant des sanctions définitives contre Jean-Pierre Raffarin et Brigitte Girardin".
"La question qui se pose maintenant, c’est de savoir ce que ces parlementaires UMP vont faire", enchaîne Élie Hoarau, qui rappelle que la présidente du Conseil général a dit "de manière très claire son opposition au transfert des TOS de l’Éducation nationale au Département".
La même opposition a été prise par le Conseil régional, ou plutôt rappelée car "cela a été la position traditionnelle du Conseil régional depuis le début de la discussion du projet de loi de transfert des compétences".
Quelle va donc être la position des trois députés-maires UMP : celui de Saint-Denis, celui de Saint-Benoît et celui du Tampon ? Et dans un deuxième temps, quelle sera la position du sénateur-maire de Saint-André sur ce dossier du transfert de compétences ?

Fidélité ou trahison ?

Le 14 avril, soit dans moins d’une semaine, les trois députés UMP de La Réunion auront à se prononcer lors du vote solennel. Que vont-ils faire ? Vont-ils être fidèles aux engagements pris devant la population réunionnaise, à savoir celle de défendre ses intérêts ? Vont-ils respecter les souhaits des exécutifs des deux assemblées, Région et Département ? Alors qu’au moment de l’élection à la présidence du Département, chacun y était allé de son petit commentaire de satisfaction - du style : “une nouvelle façon de faire de la politique” -, vont-ils être aux ordres de Paris ? À qui vont-ils être fidèles : à leurs électeurs et concitoyens ou à leurs supérieurs parisiens ?
Et Élie Hoarau de conclure : "ces parlementaires sont à un tournant décisif de leur carrière politique".
Ce sera l’épreuve de vérité. Mais ils ont déjà voté la confiance au gouvernement Raffarin III, lundi soir...

Dominique Besson


Victoire du 28 mars

L’approbation d’une double démarche

La victoire de la liste de l’Alliance avait été manifeste déjà au premier tour. "Mais au second tour, elle s’est considérablement amplifiée", commente Élie Hoarau.
Un vote qui est à la fois l’expression d’un rejet d’une politique, mais aussi "l’approbation d’une double démarche" : une démarche de rassemblement des Réunionnais "au-delà de leur appartenance politique" et une démarche "d’élaboration de solutions réunionnaises à des problèmes réunionnais".
À l’opposé de la position prise par d’autres qui estiment que "tout vient de Paris, puisque c’est Paris qui décide", ou à ceux qui se raccrochent "à un grand frère parisien".
Élie Hoarau explique qu’on voit ainsi se dessiner sur l’échiquier politique réunionnais deux pôles : l’un avec ceux qui veulent élaborer ici des réponses spécifiques à leurs problèmes ; l’autre avec ceux qui pensent que les solutions proposées par d’autres sont possibles. Même si l’on ne retrouve ni Free Dom ni d’autres à Paris...
Et cette prise de position n’est pas la simple transposition du “clivage” traditionnel gauche/droite...

D. B.


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