Sénat : « De fortes inégalités entretenues par les compléments de rémunération dans la fonction publique » –5–

Les différentes sur-rémunérations des fonctionnaires outre-mer

7 août 2014

Dans ce chapitre, le rapport du Sénat sur les niveaux de vie Outre-mer décrit le système des sur-rémunérations des fonctionnaires servant dans les collectivités d’outre-mer.

Le tableau ci-dessus récapitule les indemnités versées aux fonctionnaires civils de l’État en fonction de leur collectivité d’affectation.

S’élevant en moyenne à 31.650 euros, le salaire net annuel des fonctionnaires domiens est supérieur de 18,6% à celui des fonctionnaires hexagonaux. Ces différences ne s’expliquent pas par des différences de structure dans l’emploi. Elles tiennent essentiellement à l’existence des « sur-rémunérations » dont bénéficient les fonctionnaires en poste dans les outre-mer.
Mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les compléments de rémunération visaient à renforcer les effectifs de cadres ultramarins en rendant la fonction publique plus attractive sur ces territoires. Il s’agissait également de prendre en compte l’éloignement par rapport à l’hexagone et de compenser la cherté de la vie outre-mer ainsi que les risques de dévaluation, à l’époque, du franc CFA ou du franc CFP par rapport au franc métropolitain.
Aujourd’hui, ce que l’on nomme « sur-rémunérations » désigne une réalité composite : il existe en effet une superposition de plusieurs dispositifs (majorations de traitement, indemnités diverses, congés bonifiés) et une grande hétérogénéité des règles législatives et réglementaires en vigueur. Initialement cantonnées à la fonction publique d’État, elles ont été progressivement étendues aux fonctions publiques territoriale et hospitalière. Certaines communes les ont également instituées pour des agents contractuels, sous la forme notamment de primes de vie chère. Des mécanismes de sur-rémunérations ont également infiltré le secteur parapublic.

La fonction publique d’État, civile et militaire

(a) Les majorations de traitement

Dans l’ensemble des collectivités ultramarines, les fonctionnaires de l’État bénéficient d’une rémunération majorée par l’application d’un coefficient multiplicateur. Le taux de ce coefficient varie en fonction de la collectivité d’affectation.
Dans les DOM, la majoration applicable aux salaires des fonctionnaires civils se compose de plusieurs strates, dont deux sont communes aux départements français d’Amérique et à La Réunion :
- d’une part, une majoration de 25% du traitement brut instituée en 1950 ;
- d’autre part, un « complément temporaire » à la majoration de traitement créé au taux de 5% en 1953 et porté quatre ans plus tard à 10% à La Réunion et à 15% aux Antilles et en Guyane.
Dans les départements français d’Amérique, la majoration de traitement n’a pas évolué depuis cette date ; elle est ainsi fixée à 40%.
À La Réunion, il est en outre appliqué au traitement majoré un coefficient de 1,138 (soit + 13,8%).
Introduit en 1948, ce dernier dispositif visait, d’un point de vue historique, à tenir compte de la disparité entre le « franc des colonies française d’Afrique » (CFA) et le franc métropolitain. Même si son niveau a baissé au cours du temps, il a survécu à l’introduction du franc métropolitain en 1975 mais ne concerne plus aujourd’hui que La Réunion. Appliqué au traitement net majoré, il porte la majoration de traitement à La Réunion à 53% au total.
Le personnel militaire affecté dans les DOM bénéficie, quant à lui, d’une majoration de solde qui correspond à 25% de la solde de base brute mensuelle. À La Réunion, il voit en outre sa solde de base nette mensuelle indexée de 13,8%.

Dans les COM, le traitement indiciaire, augmenté de l’indemnité de résidence et du supplément familial applicable à Paris, est également affecté d’un coefficient de majoration. La loi du 30 juin 1950 fixant les conditions d’attribution des soldes et indemnités des fonctionnaires civils et militaires relevant du ministère de la France d’outre-mer prévoit en effet pour les personnels civils « un complément spécial proportionnel à la solde et fixé à un taux uniforme pour chaque territoire ou groupe de territoires et chaque catégorie de cadres ». Dans le Pacifique, cette majoration de traitement visait initialement aussi à compenser le risque de dévaluation de la monnaie locale par rapport à la monnaie métropolitaine (« franc des colonies françaises du Pacifique » ou « changes franc Pacifique » introduit en 1945).
Sur ce fondement, un décret du 5 mai 1951 institue un « complément spécial » pour les fonctionnaires civils, calculé en francs métropolitains et versé en monnaie locale. Il prévoit une majoration de 25% en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, 30% à Saint-Pierre-et-Miquelon et 40% à Wallis-et-Futuna.
Le décret du 23 juillet 1967 relatif au régime de rémunération des magistrats et des fonctionnaires de l’État en service dans les territoires d’outre-mer modifie le dispositif antérieur en prévoyant que la rémunération nette des magistrats et fonctionnaires est multipliée par un coefficient de majoration propre à chaque territoire.

L’arrêté du 28 juillet 1967 fixait ces taux à 1,92 pour la Nouvelle-Calédonie, 2,13 pour la Polynésie et 2,05 pour Wallis-et-Futuna. Des arrêtés interministériels ont par la suite majoré ces taux : pour la Polynésie française (de 1,84 pour les Îles-du-Vent et les Îles-sous-le-Vent à 2,08 pour les Marquises, les Australes et les Tuamotu-Gambier) et la Nouvelle-Calédonie (de 1,73 à 1,94 selon les circonscriptions administratives).

À Saint-Pierre-et-Miquelon, un décret de 1978 prévoit à la fois une majoration de traitement équivalente à celle des Antilles (soit 40% sur le traitement brut) et, pour remplacer l’index de correction des territoires d’outre-mer, une indemnité spéciale compensatrice sur le traitement indiciaire net, fixée alors à 56%. Ce taux a été réduit à chaque augmentation générale des rémunérations de la fonction publique jusqu’en avril 1982. Depuis cette date, il s’élève à 30,67%, ce qui porte la majoration totale à 75%.

Jusqu’en 2013, Mayotte était la seule collectivité ultramarine dans laquelle il n’existait pas encore de dispositif de majoration de traitement pour les fonctionnaires civils de l’État. La fonction publique militaire y bénéficiait toutefois d’un index de correction de 1,9. De plus, le régime de l’indemnité d’éloignement est plus favorable à Mayotte que dans les autres collectivités bénéficiaires. Les majorations de traitement ont cependant été étendues à cette collectivité par décret avec effet rétroactif au 1er janvier 2013 et montée en charge progressive jusqu’au 1er janvier 2017.
Les majorations de traitement sont applicables à l’ensemble du secteur public, tous les fonctionnaires de l’État y étant éligibles, qu’ils soient résidents ou en séjour administratif de durée limitée dans la collectivité.

b) Les indemnités spécifiques d’éloignement, de sujétion et d’installation

Aux majorations de traitement s’ajoutent un certain nombre d’indemnités dont l’objet et le montant varient en fonction de la collectivité concernée.
Supprimée dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon en 2001, l’indemnité d’éloignement continue d’être versée aux fonctionnaires civils effectuant des séjours de durée limitée dans les collectivités du Pacifique et à Mayotte.
Payable en deux fractions égales au départ et au retour, elle se compose forfaitairement du traitement indiciaire de base versé sur un certain nombre de mois, variable en fonction de la collectivité concernée. Elle est versée sur la base d’un séjour de deux ans, renouvelable une fois consécutivement. Elle ne peut être affectée du coefficient de majoration. Pour un séjour de deux ans, chaque fraction de l’indemnité d’éloignement correspond à 5 mois de traitement indiciaire net en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, 9 mois de traitement indiciaire net à Wallis-et-Futuna et 11 mois et 15 jours de traitement indiciaire net à Mayotte.

En Guyane, à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, une indemnité particulière de sujétion et d’installation (IPSI) a été créée en 2001 pour une durée de cinq ans au bénéfice des magistrats et des fonctionnaires de l’État dont la précédente résidence était située en dehors de ces zones géographiques. Le montant de l’indemnité représentait 16 mois de traitement indiciaire brut de l’agent. Le versement s’effectuait au taux plein sur la base d’une durée de services de quatre ans et en trois fractions.
Le dispositif de l’IPSI a été reconduit à cinq reprises et a fait l’objet d’une dernière prorogation jusqu’au 1er avril 2013. Il a été remplacé, par décret du 15 avril 2013, par une indemnité de sujétion géographique visant à « tenir compte des spécificités intraterritoriales et de la difficulté des postes à pourvoir » pour les fonctionnaires de l’Etat et magistrats affectés en Guyane, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Saint-Barthélemy. Le montant de ce nouveau régime indemnitaire, entré en vigueur au 1er octobre 2013, est variable selon les collectivités concernées.

Le personnel militaire affecté dans un DOM (hors Mayotte) bénéficie quant à lui d’une indemnité d’installation qui correspond, pour un séjour réglementaire de deux ans, à 9 mois de la solde de base brute mensuelle pour la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion et à 12 mois pour la Guyane. À La Réunion, le montant de l’indemnité d’installation est indexé. Il bénéficie en outre d’une indemnité de départ outre-mer (DEPOM) qui comprend un élément principal forfaitaire (variable selon le grade) et une majoration familiale.
Dans les COM et à Mayotte, les militaires perçoivent une indemnité résidentielle de cherté de vie (IRCV) fondée sur des taux variables affectés à une solde de base maintenue au taux atteint au 1er avril 1956. Les taux s’étagent de 10% dans les collectivités du Pacifique et à Mayotte à 18% à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ils bénéficient en outre d’une indemnité d’éloignement payable en deux fractions et constituée d’un nombre forfaitaire de jours de solde de base variable en fonction de la collectivité (75 jours pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, 83 jours pour Mayotte). Ils se voient enfin attribuer un complément spécial de solde (COSP) calculé, à l’instar de l’IRCV, à partir de taux variables affectés à une solde de base cristallisée sur des indices applicables au 1er avril 1956.

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Messages

  • Tous ça c’est très bien résumée et explique les privilèges qui perdurent. On découvre la complexité du système administratif, avec ses arcanes. Ce qu’on aurait pu rajouter c’est que concernant les retraites des fonctionnaires, depuis le 1° Janvier 2OO9, ils ne peuvent plus bénéficier "à vie" de l’indexation des pensions sous le seul pretexte qu’ils viennent s’installer dans un DOM-POM, (qu’on devrait nomé POM depuis longtemps au fait). Une lente est certaine décôte est prévue. Tous ce système était pour lutter contre la vis chère, encourager les volontaires mais peut-on encore aujourd’hui, surtout en étant sur place,y croire encore à cette égalité pourant nécessaire ? Y a qu’à voir dans la rue, les magasins... La Réunion devient une île de consommation, de services, c’est tout avec la pollution qui va avec, un sacré cadeaux pour les futures générations qui nous le reprocheront en plus et elles auront raison ! Qu’avez-vous fait pour nous pour vivre comme vous ? Où sont passés les fruits, arbres pei lontan ? Les requins, les poissons, les coraux ?....


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