Conférence d’Ary Yee Chong Tchi Kan

Les dimensions nouvelles de l’action politique

3 octobre 2009, par Geoffroy Géraud-Legros

Auteur de l’essai ’Réconciliation et Fraternité’, Ary Yee Chong Tchi Kan est revenu jeudi soir de cette semaine à la Mutualité de Saint-Denis les Camélias, à l’invitation de l’Université Solidaire, sur quelques points essentiels de son ouvrage.

L’accolade entre Paul Vergès et Jean-Louis Debré : cet acte très commenté mais finalement fort peu analysé est à la base de la réflexion globale initiée par Ary Yee Chong Tchi Kan dans son ouvrage "Réconciliation et fraternité".
Face à l’auditoire de l’université solidaire, il a choisi d’approfondir une dimension de la réflexion que l’actualité fait émerger.

La prise de conscience d’un changement d’échelle

L’auteur a souligné la révolution sans précédent dont fait l’objet notre rapport au monde, tant dans la manière dont nous le percevons, que dans la manière dont le monde agit sur nous. Celle-ci agit dans l’espace, que l’explosion des flux d’hommes, de marchandises et d’informations a ouvert et mis à portée humaine. Elle agit aussi sur l’humanité dans son rapport au temps : aucun homme ne peut aujourd’hui se croire hors du monde et hors des enjeux immédiats et à venir.
Quelles sont dès lors les répercussions de cette transformation sur l’action politique, se demande l’ancien dirigeant du FJAR (Front de la jeunesse autonomiste réunionnaise) et du CORJ (Comité d’organisation réunionnais de la jeunesse), qui fut en 1982 l’organisateur des marches de la jeunesse pour "L’emploi et l’avenir de La Réunion’ ?
La réponse à cette question passe d’abord par le remise en cause des réflexes idéologiques et militants acquis par les progressistes au cours des décennies de luttes passées. En effet, si la devise des Européens – « penser global, agir local » – a pu convenir à une période historique où les défis que doit relever l’humanité se trouvaient localisés dans des entités bien définies – États, « blocs » géopolitiques, etc. – le phénomène de la globalisation nécessite aujourd’hui de penser global et d’agir… global.
Car une autre conséquence de l’ouverture du monde est la faculté ouverte aux êtres, de prendre en compte le caractère global des contraintes qui hypothèquent leur devenir. En peu de temps, les hommes ont ainsi été mis en demeure par l’histoire d’agir sur leur environnement.
Dans ce contexte, que valent les clivages hérités du passé, tributaires d’une perception limitée de ces enjeux globaux.

La fraternité est un combat global

L’ajustement à cette situation concrète nécessite un réexamen des attitudes d’antan : le monde pourra-t-il être transformé sans l’apport du plus grand nombre et donc à partir des formes inédites de gouvernances ? La rencontre de Copenhague, en décembre, n’est pas une structure institutionnelle. L’histoire a montré ce que valaient les systèmes qui ne travaillaient qu’à l’intérêt d’un nombre réduit d’individus au détriment de tous. Les contradictions insupportables qui naissent de la prédation de petits groupes contraint le monde à répéter sans cesse les sanglantes erreurs du passé. Dans un contexte où plus personne ne nie l’urgence de sauvegarder la vie sur une planète que nous ne pouvons pas quitter ni reproduire, la permanence des antagonismes archaïques signifierait l’accélération de notre disparition à tous.
C’est au regard de ces considérations que doit être comprise la fraternité qu’évoque Ary Yee Chong Tchi Kan. Celle-ci prend le sens d’un changement radical, défini par le conférencier comme « le dépassement de soi et l’union sur l’essentiel ». La fraternité et la réconciliation sont envisagées par l’auteur comme le refus du sentiment d’abdication. À l’inverse, ces concepts combinés doivent être compris comme un appel à une entrée en masse dans une « nouvelle ère de combats fondamentaux » ; "Réconcilation et fraternité" s’oppose ainsi aux illusions immobilistes : plaidant pour une rupture avec les haines et les oppositions dépassées par la réalité contemporaine, l’auteur réaffirme la nécessité de parvenir à une solution globale par la justice sociale et le respect de l’Autre.
Dans cette réflexion, le point de vue réunionnais qui s’appuie sur le génie collectif de notre peuple montre la possibilité de composer un patrimoine commun par les luttes créatrices et pacifiques intéressant le plus grand nombre. Ainsi voit-on le maloya, hier encore stigmatisé et refoulé, accéder au patrimoine mondial de l’UNESCO, grâce au combat, à l’adhésion et au partage à l’échelle de toute un peuple. Un tel geste de reconnaissance universelle ferme le chapitre de l’oppression culturelle coloniale, et ouvre la page de nouveaux combats… Faisant écho à l’accolade entre adversaires d’hier, qui a initié la réflexion d’Ary Yee Chong Tchi Kan.

Geoffroy Géraud


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