LODEOM : Intervention d’Huguette Bello

Les États généraux « suscitent naturellement de grands espoirs »

9 avril 2009

Mardi, la députée-maire de Saint-Paul est intervenue dans la discussion générale du projet de loi d’orientation pour le développement économique de l’Outre-mer. La parlementaire constate les insuffisances du texte dans des domaines essentiels : emploi, jeunesse, continuité territoriale… Huguette Bello souhaite que les États généraux soient l’occasion d’expliciter les revendications spécifiques à chaque territoire portées par le mouvement social. Nous reproduisons ci-après son discours, avec des intertitres de ’Témoignages’.

Le recours à un label connu, les zones franches. Une expérimentation hasardeuse, la défiscalisation du logement social. Un dispositif recentralisé et toujours mal doté, la continuité territoriale. Une préoccupation de dernière minute, le pouvoir d’achat. Voilà l’équation à quatre variables, et à beaucoup d’inconnues, que nous propose ce projet de loi pour le développement économique de l’Outre-mer.

Doter les quatre régions les plus pauvres de l’Union européenne de zones franches fiscales n’est en soi ni une innovation ni un événement. Shannon, en Irlande, nous a devancés d’un demi-siècle. Les années 90 ont vu le gouvernement d’Alain Juppé recourir plus d’une fois à ce dispositif pour des territoires français en difficulté. L’objectif assigné à ces nouvelles zones franches peut être perçu comme une tentative pour briser le cercle par lequel, année après année, les transferts publics vers l’Outre-mer, dans une coïncidence quasi parfaite, reviennent à leur point de départ sous forme de transferts commerciaux privés ; ce qui, en fait, n’est que le reflet actualisé de ce qu’on appelait le pacte de l’exclusif.

Quelles mesures pour l’emploi ?

On ne peut cependant oublier que ces zones franches coexisteront avec les Accords de partenariat économique qui seront conclus entre l’Union européenne et les pays dits ACP dès les premiers mois de 2010. Ces APE, qui viendront souligner les difficultés pour nos départements de concilier appartenance juridique et position géographique, doivent être pris en compte dès maintenant si l’on veut laisser une chance à ces zones franches.
Pour la Réunion, cette nouvelle tentative de relancer le développement économique ne pourra être comprise que si elle produit une amélioration notable de l’emploi. L’expérience nous a appris que, fiscales ou sociales, les exonérations ne sont pas automatiquement suivies de créations d’emploi. Les derniers chiffres du chômage, malgré la modification des critères sont venus assombrir une situation déjà fort difficile. L’emploi demeure la priorité des Réunionnais, le chômage est la hantise de toutes les familles, le diplôme n’est plus un sauf-conduit.
Vous comprendrez donc qu’il est difficile d’accepter qu’aucune mesure directe en faveur de l’emploi ne figure dans ce texte. Le dispositif de soutien au jeunes diplômés est supprimé au motif qu’il ne rencontre pas le succès escompté. Il y a quelques années, le programme Emplois jeunes, auquel des milliers de Réunionnais avaient souscrit, a été, lui, supprimé du fait de son succès. Il en a été de même pour le congé-solidarité qui, lui, avait le tort de ne pas coïncider aux objectifs nationaux sur les retraites. Reste le service militaire adapté, protégé par son ancienneté. Plébiscités ou sous-utilisés, les dispositifs pour les jeunes sont rayés de la carte. La jeunesse risque de commencer à se poser des questions.

« Placer les jeunes au centre de nos décisions »

La place étant vide, je vous propose, Monsieur le Ministre, que le prochain texte sur l’Outre-mer soit consacré à la jeunesse en sorte qu’elle soit placée au centre des décisions politiques. Je vous propose de construire l’avenir avec l’avenir. C’est pourquoi je ne défendrai pas, au cours de ce débat, d’amendements relatifs à la jeunesse. Ils seraient beaucoup trop périphériques.
Je vous demande simplement de régler le sort des 1.500 assistants d’éducation dont les contrats arrivent à leur terme en juillet prochain. Il suffit pour cela de leur appliquer la loi de 2005 qui rend possible le renouvellement pour une durée indéterminée des contrats des agents ayant au moins six ans d’ancienneté.
Placer les jeunes au centre de nos décisions nous amènera nécessairement à aborder de façon différente la question de la continuité territoriale. Dans ce XXIe siècle nomade et mobile, il n’est plus possible de tolérer les obstacles qu’on ne cesse d’opposer à nos déplacements.
Certes, des communiqués de victoire claironnent des offres promotionnelles. Certes, le fonds de continuité territoriale prévu par ce texte se veut plus efficient.

«  Nous voulons construire des logements durables  »

Mais tout cela ne constitue pas une politique de continuité territoriale pérenne et équitable. Le gouvernement mise beaucoup sur le marché pour régler la question, mais toutes les mises en concurrence de nos dessertes se sont toujours terminées de la même manière : retour au quasi monopole et prix élevés. Il est temps que le principe de la libre circulation ne soit plus pour nous un vain mot.
Cette obsession du sort de la jeunesse qui doit être la nôtre, je souhaite qu’elle nous conduise à lui proposer un cadre de vie de qualité. Le logement social, on le sait, va représenter une grande partie de ce que nous aurons à bâtir.
Durant la prochaine décennie, la Réunion devra construire, chaque année, au moins 5.000 logements sociaux. Ces logements vont dessiner le paysage urbain. Nous savons quels ravages a fait dans d’autres générations un habitat sinistrement fonctionnel. Les critères environnementaux et esthétiques devront être pris en considération. Nous voulons construire des logements durables. Nous voulons bâtir des villes qui réconcilient.
Pour conclure, un dernier mot sur les États généraux. Décidés au plus haut niveau de l’État, et à l’occasion d’une crise exceptionnelle, ils suscitent naturellement de grands espoirs. Le jaillissement populaire qui a surgi durant ces longues semaines doit être explicité et non pas canalisé, encore moins détourné. Il s’agit de percevoir tout ce que cette expression populaire a eu de spécifique et d’inattendu sans chercher à l’enfermer dans des schémas préconçus et dans des débats répétitifs. Ni réduction, ni extrapolation de la parole vivante. Nous avons là une splendide occasion de faire vivre la démocratie, ne la manquons pas.

LODEOM - Loi d’orientation pour le développement de l’Outre-mer A la Une de l’actuParti communiste réunionnais PCRHuguette Bello

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