Un enseignement laissé par Laurence Vergès

Les hommages unanimes montrent la véritable influence du PCR

9 novembre 2012, par Manuel Marchal

L’ampleur des hommages apportés à Laurence Vergès apparaît comme le révélateur du sentiment sincère de la représentation du PCR aux yeux des Réunionnais et du monde. Cette considération dépasse largement le résultat d’une élection législative, simple péripétie dans la bataille d’un peuple pour arracher la responsabilité.

Depuis samedi, de tous les bords politiques, et venant bien au-delà de La Réunion, des messages rendent hommage à Laurence Vergès. Ainsi, à la veille de son 18e Congrès chargé d’élire les nouveaux dirigeants d’un pays de plus de 1,3 milliard d’habitants, le Parti communiste chinois a consacré un temps pour adresser un message de condoléances au secrétaire général du Parti communiste réunionnais. François Baroin, ancien ministre de l’Outre-mer, il est de l’UMP, a envoyé un télégramme de condoléances. Martine Aubry qui vient de diriger le PS pendant cinq ans, n’a pas non plus manqué de participer aux hommages.

Au cours de la veillée, dans la nuit de lundi à mardi, tous les principaux dirigeants politiques du pays sont venus présenter leurs condoléances. Le "Journal de l’île de La Réunion" a publié au lendemain des obsèques de Laurence Vergès un éditorial riche et équilibré. Ce sont là des signes qui n’enlèvent rien au combat politique.

La fin du PCR proclamée à quasiment chaque élection

Toutes ces expressions apportent une lecture radicalement différente de l’influence politique à La Réunion. Depuis la création du Parti communiste réunionnais, nombreux ont été les experts en politique à annoncer la fin du PCR. Ces prédictions se construisaient à partir de la lecture de résultats d’élections marquées par 3 siècles d’esclavages, d’engagisme et de colonisation. La période moderne d’un demi-siècle a été le théâtre d’affrontements électoraux pour la liberté d’opinion et la liberté de vote. Quand on gagnait, c’était vraiment la supériorité physique, car les conditions malsaines du clientélisme n’ont jamais disparu.

Ainsi dans les années 60, les conservateurs pouvaient se vanter d’avoir fait disparaître le PCR. Grâce à la fraude, ils s’attribuaient des scores compris entre 80 et 100% dès le premier tour des municipales de 1965. À La Possession, le pouvoir donnait au PCR moins de 1% des suffrages. Six ans plus tard, le PCR remportait la mairie de La Possession avec la liste conduite par Roland Robert, Le Port avec Paul Vergès, et Saint-Louis en coalition avec le socialiste Dambreville.

En 1981, lors de législatives, le PCR n’obtenait aucun député. Cinq ans plus tard, lors du renouvellement de l’Assemblée nationale à la proportionnelle, le PCR saluait l’élection de 2 députés sur 4 représentants pour La Réunion.

En mai dernier à la présidentielle, le candidat soutenu par le PCR dès les Primaires citoyennes obtenait plus de 71% des voix. Quelques semaines plus tard, le PCR n’a aucun élu aux législatives, et aussitôt ressort le refrain sur la fin du PCR.

Une influence réelle jamais démentie

Les hommages rendus à une militante du PCR montrent au contraire un parti bien vivant, prêt à continuer le combat pour lequel Laurence Vergès a été un exemple et a donné toute sa vie.

Une fois encore est faite la démonstration qu’à La Réunion, les élections ne déterminent pas l’influence d’un parti politique, et notamment celle du PCR. Cela n’est guère étonnant, car qui peut croire sérieusement que les élections se déroulent normalement dans notre île ? C’est en effet le système d’un pays développé qui s’applique dans une île qui n’est pas encore arrivée au stade du développement.

Alors, il existe d’autres moyens de connaître l’influence du Parti communiste réunionnais. Si dans les années 60 il ne pesait réellement qu’à peine 1%, Paul Vergès n’aurait jamais pu bénéficier des soutiens qui lui ont permis d’organiser pendant plus de deux ans la lutte dans la clandestinité. L’Histoire vient de lui donner raison.

Si le PCR était si peu influent, il n’aurait jamais eu autant de dirigeants condamnés à des peines privatives de droits civiques par l’institution judiciaire.

Si le PCR n’était pas un parti respecté parce qu’il estime qu’un PC ne doit rendre des comptes qu’à son peuple, le Parti chinois n’aurait pas pris sur son temps précieux en pleine préparation de congrès pour saluer la disparition d’une dirigeante du PCR.

Et si le PCR ne représentait rien, le décès d’une militante qui n’a jamais été maire, conseillère générale ou députée, n’aurait jamais eu un tel retentissement.

Tous les hommages mesurent la véritable influence du Parti communiste réunionnais, un parti intimement lié au peuple réunionnais grâce aux décisions prises par ses dirigeants et à la droiture de leur vie. Ils ont le mérite de ramener une élection à sa juste valeur.

M.M.

Un système électoral français sur une réalité réunionnaise

La moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, les plus gros employeurs sont les maires, les contrats précaires sont utilisés comme des moyens de pression par des élus sans scrupule… à cela s’ajoute un héritage bien singulier : il y a 164 ans, la majorité des habitants de La Réunion n’étaient pas considérés comme des êtres humains, et cela ne fait que deux générations que La Réunion n’est plus officiellement une colonie de la France. Tout cela décrit une situation bien différente de la France, et c’est le système de représentation français qui est à l’œuvre à La Réunion, avec une domination du scrutin majoritaire à deux tours. Or la France n’a pas notre Histoire, et n’est pas un pays où la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, et où plus de 60% des jeunes sont au chômage.
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