Les mesures urgentes et prioritaires

6 avril 2007

Après le Socle du développement, l’Alliance souligne l’importance de « mesures urgentes et prioritaires » afin de créer les conditions du développement. L’emploi est un défi essentiel pour La Réunion. Aux candidats à la Présidentielle, l’Alliance a fait part de propositions dont nous publions aujourd’hui celles relatives au développement de l’économie concurrentielle.

La situation sociale à laquelle sont confrontés les Réunionnais est contrastée : si une partie de la population bénéficie du relatif dynamisme de l’économie ou de la sécurité de l’emploi dans le secteur public, ou pour certains de revenus aisés, les chiffres du RMI, du chômage, de la CMU, de l’illettrisme, de l’insécurité, du nombre d’emplois précaires, des revenus de travail modestes, des demandeurs de logement, de l’érosion du pouvoir d’achat, sont là pour rappeler que la majorité de nos compatriotes est confrontée à des difficultés dans sa vie quotidienne et attend des solutions concrètes à ses problèmes.

C’est pourquoi, au-delà des opérations inscrites dans les documents contractuels, et dans la perspective de la mise en œuvre d’un plan de développement durable à long terme, des mesures urgentes et prioritaires doivent être prises pour répondre aux préoccupations de la population, dans tous les domaines de sa vie personnelle, sociale, ou professionnelle.

L’emploi et le développement économique

Le taux de chômage actuel (30% de la population active) est insupportable. Afin de le résorber et d’accueillir les 144.000 actifs supplémentaires attendus d’ici à 2030, 200.000 emplois sont à créer dans les 20 prochaines années. Seule la mise en place d’un plan de développement durable et global permettra d’opérer le changement d’échelle à la hauteur du défi posé : c’est l’enjeu du Plan Régional du développement durable (PR2D).

Mais compte tenu de l’urgence, sans plus attendre, il convient de prendre un certain nombre de mesures :

A - Le développement de l’économie concurrentielle

A1- Anticiper l’impact des investissements publics

Un inventaire des besoins devra être rapidement réalisé afin, d’une part, de préparer le maximum de Réunionnais à occuper les milliers d’emplois générés par les chantiers programmés dans les documents contractuels, et d’autre part préparer les entreprises locales à participer à la réalisation des investissements. Ainsi, à l’instar de ce qui a été réalisé pour la route des Tamarins, des dispositifs spécifiques devront être mis en place pour les emplois induits par les chantiers du tram train et de la nouvelle route littorale. De même, il conviendra de créer les conditions permettant aux entreprises réunionnaises de prendre toute leur part dans les marchés et activités découlant de ces investissements.

A2 - Créer un statut d’entreprise franche pour les secteurs stratégiques

Le PR2D identifie les « domaines d’activités stratégiques », secteurs où La Réunion peut atteindre l’excellence. Certains de ces secteurs sont soumis aux fortes contraintes de la compétitivité. Il est proposé que les entreprises de ces secteurs stratégiques bénéficient d’un statut d’ « entreprise franche » sans restriction d’ordre géographique. Les secteurs de l’agro-nutrition en milieu tropical, du tourisme, des énergies renouvelables et des nouvelles technologies de communication -qui ont déjà créé des centaines d’emplois pérennes- doivent bénéficier en priorité d’un tel dispositif dont les modalités sont à préciser en concertation avec les acteurs économiques et sociaux.

A3 - La dynamisation du marché intérieur

Compte tenu du dynamisme démographique, les secteurs de l’import substitution représentent des potentialités de développement non négligeables. Le PR2D reconnaît la nécessité de consolider les secteurs traditionnels de l’économie réunionnaise.

C’est pourquoi nous proposons de recherchées les modalités permettant de privilégier la production locale, notamment dans le secteur agro-alimentaire, à travers deux moyens :

• des accords entre la grande distribution et les producteurs locaux ;

• l’organisation de la restauration collective par des conventions entre les producteurs locaux et les autorités concernées ( hôpitaux, armée, collectivités locales pour la restauration administrative et la restauration scolaire).

Par ailleurs, toute action visant à promouvoir la production locale doit être encouragée, en complément de l’amélioration des régimes d’aides mis en place par l’État, les collectivités et/ou l’Europe. Il conviendra, dans ce but, de tirer le meilleur parti de la dotation instaurée par l’Europe visant à compenser les surcoûts et destinée à prendre en charge les “intrants” en provenance de la métropole ou de l’Europe.

A4 - L’ouverture sur l’extérieur

Dans le droit fil des orientations du PRD2, il convient de saisir les opportunités offertes par le développement des échanges économiques à l’échelle mondiale, et en particulier dans notre environnement géo-économique. La résolution du problème de l’emploi à La Réunion exige l’extension de son marché. Au delà de l’enjeu constitué par les Accords de Partenariat (A.P.E.) entre l’Union européenne et les pays ACP et de la nécessité de faire prévaloir les intérêts de La Réunion, nous pensons qu’il est à notre portée de mettre l’accent sur des accords de complémentarité entre notre île et ses voisins de l’océan indien, en accompagnant les entreprises et la mobilité des hommes dans une démarche de co-développement. Des accords ciblés avec les deux géants que sont l’Inde et la Chine représentent également des possibilités pour nos entreprises. Mais cette ouverture de La Réunion sur l’extérieur devant s’appuyer sur le tissu économique local, implique qu’elle soit maîtrisée et progressive.

A5 - Le foncier d’entreprises

La question de la disponibilité et de la mobilisation du foncier économique est décisive pour la création de zones d’activités génératrices d’emplois.
C’est pourquoi, dans le cadre du partenariat État-Région en faveur du développement économique, il s’avère indispensable qu’un outil approprié soit mis en place.


Paroles de Réunionnais

Éric Magamootoo, président de la CCIR

Des secteurs dynamiques

En premier lieu, je souhaite mentionner quelques éléments de contexte dont les impacts seront significatifs pour La Réunion, et ce sur une période de plus de dix ans.
Notre île va bénéficier dans le cadre de divers contrats avec l’Europe, et l’État de financements considérables permettant de donner une grande lisibilité aux acteurs tant publics que privés.
Cela dit, notre territoire mérite que de nouveaux dispositifs législatifs permettent d’améliorer encore les conditions de notre développement économique, et je pense plus particulièrement à des conditions susceptibles de faire émerger davantage de TPE et PME.

Dans cet objet, un groupe de travail important s’est réuni à de nombreuses reprises pour caractériser quelques secteurs d’activités que l’on peut qualifier de “porteurs”, c’est ainsi que dans une fiche de synthèse intitulée “La Réunion laboratoire vert”, nous présentons l’agro-nutrition en milieu tropical, le tourisme, et les énergies renouvelables. S’agissant de l’aspect Technologies de l’Information et de la Communication, de par le caractère transversal de ce sujet, et compte tenu des potentialités de ce secteur, il est inclus de manière implicite dans les propositions que je viens de mentionner.

Au delà de ce travail partenarial, la CCIR propose également, et pour une période de temps limité, le déploiement de mesures de “discrimination positive” au bénéfice du secteur du commerce indépendant de centre-ville. Il en va de la dynamisation indispensable des cités.

Un élément essentiel à la réussite d’un tel programme concerne la nécessaire prise en compte de l’équilibrage du territoire, et donc, le dispositif législatif attendu, devra répondre aux attentes des micro-régions les moins favorisées. Ainsi, la concentration d’activités sur certaines communes, dont celle du port, devrait se réguler, répondant ainsi, au besoin de respiration attendu par ces villes.

Le dispositif permettant de répondre à ces divers points pourrait indifféremment être dénommé « entreprises franches pour des domaines d’activités stratégiques » ou encore « zone franche globale d’activités », l’essentiel tenant au contenu dudit dispositif.

Propos recueillis par Matthieu Damian


Guy Dupont, Président de l’Agence de Développement de La Réunion

Le développement de l’économie concurrentielle est la base du développement durable

D’une façon générale, le développement de l’économie concurrentielle (les entreprises) est la base du développement durable à long terme : il crée la richesse susceptible d’être partagée entre les missions publiques et les besoins privés.

La plateforme de l’Alliance doit tenir compte du contexte

De par son expérience d’appui à la conduite de projets d’entreprises, l’Agence de Développement considère que les systèmes de promotion et d’accompagnement des entreprises doivent répondre à deux principes :
Tout d’abord celui de la visibilité. En effet, les entreprises ont besoin d’évoluer dans un environnement stable et dont les modalités ne varient pas sans arrêt. Rien n’est plus déstabilisant pour un entrepreneur de voir les règles du jeu changer sans arrêt. Les régimes d’intervention doivent donc être conçus pour durer (10 à 15 ans par exemple) et n’évoluer selon les besoins que par touches dosées et si possible négociées entre la puissance publique et les bénéficiaires.
Le deuxième principe d’intervention doit être celui des degrés d’exposition. En effet, plutôt que saupoudrer tous azimuts, il vaut beaucoup mieux identifier les secteurs qui ont particulièrement besoin de concours pour émerger ou progresser. C’est ainsi que la concurrence internationale se fait largement sentir sur les produits ou les services qui concernent l’import-substitution (le remplacement des produits et services importés par des productions locales). Mais plus encore, doivent être soutenus les produits et services destinés à être vendus à l’extérieur (l’exportation et le tourisme) car ils correspondent à une concurrence très mondialisée.
C’est dans ce contexte que les propositions de la plateforme peuvent être examinées.

Le foncier économique, une priorité

Certaines propositions correspondent à l’amélioration de l’environnement des entreprises : aujourd’hui, la lacune la plus pénalisante concerne le foncier économique. Il est devenu quasiment impossible de trouver un terrain ou un bâtiment pour s’implanter ou se développer. Cette difficulté doit être traitée lourdement et d’urgence avec un pilote clairement identifié. Car toute autre intervention risque d’être inutile si l’on ne lève pas ce handicap majeur.
Préparer les entreprises et prévoir la formation pour les futurs emplois liés aux grands travaux paraît en effet judicieux. Toutefois, au delà des opérations identifiées d’ores et déjà (tram-train, route du littoral...), il faut rapidement travailler à l’adéquation entre la volonté de développer certains secteurs d’activités (énergie, TIC...) et les formations adaptées. Il y a toujours un décalage de l’ordre de 5 ans entre la mise en place de formations et la satisfaction des besoins lourds concernés.
Mettre en place une conférence permanente pour l’emploi susceptible de fluidifier et d’apaiser et de rendre plus attractive la relation entre les 3 partenaires concernés (salariés, employeurs et puissance publique) pourrait être une bonne initiative si chacun vient à la table des discussions en déposant son armure et ses préjugés. Dans ce domaine, un vrai travail de formation et de conviction est nécessaire. Par ailleurs, un outil statistique commun réactif et fiable à la disposition de tous les partenaires est nécessaire pour que chacun puisse venir avec les mêmes éléments d’information.

Valoriser les produits pays, encourager l’innovation

D’autres mesures correspondent au développement des productions et des marchés.
Il s’agit tout d’abord de conquérir ou reconquérir le marché intérieur à La Réunion. Dans la plupart des cas, cela concerne l’import-substitution des biens et services. Deux conditions de mise en œuvre sont indispensables : la promotion et la mise en valeur des “produits pays”, sans concession à la médiocrité, mais avec détermination, une attention très vive à l’innovation, car les consommateurs de La Réunion sont devenus extrêmement exigeants et, il faut le dire, beaucoup moins fidèles s’ils ont le sentiment que la production locale est en décalage avec l’importation.
Il s’agit ensuite des marchés extérieurs régionaux ou lointains. Dans ce cas l’exposition est maximale et les entreprises qui se lancent doivent faire l’objet d’un soutien maximal, pour peu qu’elles aient choisi des créneaux crédibles. La lutte est en effet féroce sur les marchés internationaux et nos PME locales partent souvent avec un handicap de taille et de distance important. Là encore, l’innovation, l’intensité des investissements et des qualifications peuvent faire la différence. Cela nécessitera parfois des implantations complémentaires à l’extérieur de La Réunion qui sont parfois indispensables pour établir des complémentarités ou des courants d’affaires nouveaux.

Le statut d’entreprise franche, « une idée séduisante »

Enfin, est proposé l’établissement d’un statut d’entreprise franche pour certaines activités à fort potentiel de développement. L’idée est séduisante, car la notion d’entreprise ou de zone franches est une très belle bannière pour attirer les initiatives et les implantations. Les secteurs d’activité à privilégier ont été largement débattues par “La Réunion économique” et un consensus s’est dégagé pour promouvoir particulièrement l’agro-nutrition en milieu tropical (et son pôle de compétitivité), l’énergie et l’environnement et le tourisme. Mais cela n’implique pas de se désintéresser d’autres segments intéressants également comme les TIC, l’ingénierie et la recherche développement, la santé...
Mais dans ce domaine, il convient de respecter la règle de la visibilité évoquée plus haut. Les régimes existants (LOOM, LOPOM...) présentent quelques faiblesses, mais ils ont de grands mérites et il faut les conserver comme cœur des systèmes d’intervention en leur apportant quelques améliorations complémentaires (prise en compte du fret sur les intrants et extrants, allègements fiscaux divers...)

Tous ensemble, améliorer l’image de la Réunion

Au delà des dispositifs prévus pour favoriser le développement de l’économie concurrentielle, il est indispensable de mener une campagne d’amélioration de l’image de La Réunion. En effet, notre image extérieure est un préalable incontournable pour la plupart des secteurs d’activité et non seulement pour le tourisme. Dans ce domaine, il est indispensable de constituer un noyau commun de communication pour le secteur public comme pour le secteur privé, avec des moyens dédiés, chacun y ajoutant les éléments complémentaires qui lui sont spécifiques. Un discours commun, porté par tous les partenaires de La Réunion, est devenu une étape vitale pour notre île. Nous pourrons ainsi acquérir la crédibilité interne et externe qui nous permette de franchir une nouvelle étape de développement.

Propos recueillis par Edith Poulbassia


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