Regards... des Réunionnais sur le Nouveau contrat social

Les propositions des élus de l’Alliance - 1 -

12 octobre 2006

À la séance du Conseil général qui avait lieu le 9 octobre, les élus de l’Alliance ont tenu à faire une déclaration de principe dont nous présentons la première partie, en de larges extraits.

À l’heure où La Réunion doit négocier, tant avec l’Europe qu’avec notre Gouvernement, les moyens avec lesquels elle doit avancer dans les 10 prochaines années, il est important que le Département, à travers la discussion que suscitent les objectifs budgétaires, participe par une réflexion globale à la réalisation d’un objectif unique : "Permettre à ce que l’élaboration des priorités budgétaires produise des effets multiplicateurs sur plusieurs niveaux".

Sur le plan de l’Europe, (...) la situation réunionnaise est amenée à ne plus être considérée comme placée en objectif premier. Présentement, les Canaries sont tombées sous le coup de cette réévaluation, la Martinique fait partie de ces territoires qui ont subi les affres de cette reconfiguration européenne par l’adhésion de nouveaux États membres et le tour de La Réunion ne saurait tarder.

Pour autant, nos pays d’Outre-mer ont tous des situations d’insularité, d’éloignement avec la Métropole et d’étroitesse de marché dont le gouvernement français avec l’Europe devront tenir compte impérativement. À défaut, le risque serait grand de voir ces régions d’Outre-mer, et La Réunion en particulier, accuser plus que jamais un retard de développement.

Nous devons aussi prendre en compte le fait que notre territoire compte actuellement 140.000 illettrés et un taux de chômage qui avoisine les 30%, malgré les tentatives multiples d’application de mesures gouvernementales devant juguler à la baisse ce phénomène. Pourtant, nous restons confiants à l’annonce faite par le Gouvernement au sujet des dotations des contrats de Plan. Effectivement, une augmentation de 30% se profile alors que l’enveloppe de l’Europe ne progresserait pas, par rapport aux programmations précédentes.

Rester optimiste

La Réunion peut donc rester optimiste quant aux moyens pour atteindre l’objectif principal qui lui est assigné : contribuer à rattraper son retard. Mais à condition que nous parlions tous d’une même voix au-delà de nos divergences politiques. (...) Sur le plan national, seule la prise en compte de La Réunion en tant que zone socialement sinistrée permettra que des mesures adaptées présentent une efficacité certaine.

L’heure est à l’inquiétude, car au vote du budget de l’Outre-mer, une remarque d’ordre générale persiste, les crédits constants jusqu’ici et donnés à nos départements subissent une baisse de 3,6% par rapport à 2003 et non une progression de 3,4% comme annoncé. Les raisons à ce constat : "L’Outre-mer devant contribuer à l’effort de la maîtrise de la dépense publique".
(...)
75 millions d’euros ont été amputés de l’actuel budget, et si l’on y ajoute les 31 millions d’euros enlevés à la créance du proratisation du RMI, ce sont au total 106 millions d’euros pour l’emploi et l’insertion qui ont été supprimés. À terme, nous constaterons, sans détour, un risque de cassure de la dynamique de baisse du chômage enclenchée par la LOOM.

Dans ce contexte, comment financer les mesures nouvelles issues de la loi programme ? Comment maintiendra-t-on le nombre des emplois aidés ?
Actuellement, les emplois aidés ne représentent plus que 67% des crédits, contre 76% en 2003, de telle façon qu’en réalité, la baisse du chômage dans les DOM n’est pas le résultat de la politique de l’actuel gouvernement. (...)

Il nous faut activer les leviers qui nous permettrons d’avancer

Actuellement, les quelques lois pour l’Outre-mer ont su démontrer que la situation de chômage est persistante. La mise en œuvre successive de la loi d’orientation pour l’Outre-mer porte à son actif la création de 5.000 emplois en 2001, à savoir, juste après son entrée en vigueur ; quant à la loi programme pour l’Outre-mer en 2004, on compte 3.000 emplois créés. Malgré ces efforts, le chômage reste insupportablement haut. Cette crise persistante est liée, nous le rappelons, à un problème d’ordre structurel du fait de l’étroitesse du marché, d’un manque de perspectives de marchés pour certains secteurs d’activités ou certaines entreprises, d’un manque de marge de manœuvre stratégique pour les entreprises (du fait de l’absence d’espaces géographiques, de marchés) et du poids des importations. Ces quelques éléments font que la nature du problème constaté doit amener une réponse du même ordre.

Autrement dit, Il est impératif d’offrir un horizon plus large à l’économie réunionnaise, d’encourager une politique axée sur la coopération régionale qui constitue en soi des leviers pour une véritable politique de développement, gage de création d’activités, de flux marchands régionaux puis d’emplois.
Il faut que notre assemblée porte ensemble les solutions pour que La Réunion entame une réelle progression sur le plan économique
Il faut que notre assemblée trouve en notre gouvernement l’oreille attentive qui souhaite fortement nous accompagner dans cette démarche.
Il faut que nous nous mobilisions pour que soient donnés à l’Outre-mer les moyens d’une politique adaptée à notre situation.

Pour la mise en place d’un institut d’administration régional

Quant à la situation globale de l’emploi à La Réunion qui affiche un taux de chômage de 30% malgré les efforts constants des politiques en la matière, force est de constater que l’expérience réunionnaise apporte un début de solution. Effectivement, sous la mandature d’Eric Boyer à la Présidence du Conseil général, l’établissement d’un moratoire de 15 à 20 ans réservant aux Réunionnais diplômés des recrutements dans l’Éducation nationale a permis de répondre de façon quasi immédiate à un besoin local.

Aujourd’hui, sur la même base, cette démarche pourrait être amplifiée dans les effets, dès lors que cette période prédéfinie servirait à la mise en place d’un institut d’administration sur notre territoire. En ce sens, nous interpellons notre assemblée pour que des solutions adaptées à la réalité réunionnaise soient prises.

Il faut qu’ensemble nous fassions preuve d’innovation pour que le changement s’opère. (...) C’est pourquoi, dans un second temps, nous appelons à ce que les moyens donnés pour redresser une situation de crise persistante ne soient pas diminués. La Réunion en tant que DOM a besoin d’un soutien fort de l’État en matière de développement économique. Or, cette dynamique est actuellement brisée par une diminution constante de l’investissement public depuis 3 ans, notamment dans les crédits de paiement de la LBU (Ligne Budgétaire Unique).

Doit-on interpréter cette évolution comme une remise en cause de la loi programme pour l’Outre-mer, 2 ans après son vote, alors que nul n’ignore, que les dispositifs spécifiques sont prévus pour une durée de 15 ans ?

Au plan local, nous ressentons immédiatement l’impact d’un tel choix. Alors que l’article 41 de la loi de cohésion sociale fixe comme objectif 500.000 logements sociaux sur 5 ans, avec les financements correspondants sur la période 2005-2009 pour la Métropole, la politique du logement social outre-mer ne bénéficie pas, quant à elle, des arbitrages lui reconnaissant une certaine priorité dans l’affectation des ressources budgétaires de la nation.

La crise du logement social

Est-ce à dire que les DOM ont été évincés du champ d’application de la loi Borloo ? Sûrement. Pourtant, nous restons convaincus que la relance de la politique du logement social passe par une programmation pluriannuelle. Actuellement, les raisons pour lesquelles nous assistons à la faillite de la LBU pour La Réunion tiennent entre autres aux énormes annulations de crédits en cours d’année. Des chantiers ont dû être ralentis faute de crédits ; cela met les entrepreneurs en difficulté. 26 millions ont été gelés cette année, après 50 millions les années précédentes. Aucune mesure nouvelle ne figure dans le collectif budgétaire. La Commission des finances du Sénat formulait dernièrement son regret quant aux annulations massives de crédits en ce domaine. Faute de paiement, certains chantiers sont suspendus, fragilisant la situation financière des entreprises artisanales impliquées, et réduisant encore l’offre de logements sociaux déjà tellement insuffisante (...). Pour exemple, quelque 800 familles réunionnaises sont en attente d’amélioration de leurs habitats pour lesquels elles ont déjà versé leur contribution aux PACT et à la SICA Habitat Rural. Concrètement, parce que la LBU a vu ses crédits gelés pour les DOM, où le taux est le plus bas depuis 5 ans ; nombre de chantiers sont aujourd’hui arrêtés, ce que nous ne pouvons tolérer, pas plus que les professionnels de la construction accepter, d’autant que les besoins sont considérables.

Nous constatons à la lecture des chiffres la faillite de la LBU : 6.000 logements sociaux posés comme objectifs, seule la moitié trouve réalisation, encourage l’État à reconsidérer sa position en la matière, permettant l’attribution de fonds sur une période plus longue.

Dans un contexte où :

- le coût de la construction a augmenté de 50% en 3 ans et a quasiment triplé pour le foncier,

- le Logement évolutif social et le Logement locatif très social, tous deux destinés aux populations les plus pauvres, ne seraient pas rentables pour certains opérateurs,
Force est de constater que c’est ce public déjà très fragile qui est mis en péril par le système. Le vrai risque aujourd’hui serait la diminution de moitié de la Ligne Budgétaire Unique, soit 150 millions d’euros au lieu de 270, au détriment du financement du logement social.

Nous appelons le Conseil général à solliciter la mise en place d’une programmation pluriannuelle des crédits en faveur du logement. Les montants ainsi programmés devront mieux tenir compte et des retards à combler et des demandes liées à l’évolution démographique. À l’heure où nous enregistrons 25.000 demandeurs de logements sociaux en même temps que la situation se dégrade depuis le vote du dernier budget, il nous appartient de sensibiliser le Gouvernement pour que l’État s’engage avec l’Outre-mer sur la voix de la résolution de cette crise.
Là aussi, c’est tous ensemble que l’on doit pouvoir inscrire dans la politique gouvernementale les solutions adaptées à l’Outre-mer.

(La suite dans l’édition de demain)


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus