Autonomie financière des collectivités locales : Vote demain du projet de loi

Les trois députés U.M.P. voteront-ils le texte ?

17 mai 2004

Les députés continuent aujourd’hui d’étudier le projet de loi portant sur l’autonomie financière des collectivités locales. Un texte qui ne prend pas en compte les particularités de l’outre-mer.

Sur le plan de l’évolution démographique comme sur le plan des richesses disponibles et de l’ampleur des défis à relever, les collectivités d’outre-mer n’ont rien de commun avec celles de métropole. L’application aux unes et aux autres des mêmes règles pour les transferts financiers aura des conséquences catastrophiques outre-mer. (photo Kalo)

Malgré les protestations de 8 associations d’élus locaux et, malgré les mises en garde des députés, toutes tendances confondues, le gouvernement est resté arc-bouté sur son projet de loi portant sur l’autonomie financière des collectivités locales, n’accordant aucun intérêt aux amendements déposés. Notamment celui cosigné par le député Christophe Payet qui demande que les particularités de l’outre-mer soient prises en compte. (voir “Témoignages” du vendredi 14 mai 2004)
Ces particularités, rappelons-le, sont nombreuses. Et le fait de ne pas les prendre en compte aura des conséquences très négatives sur la vie quotidienne des populations dans les DOM. 
En effet, d’après le projet de loi du gouvernement, le montant des transferts financiers de l’État liés aux transferts de compétences aux collectivités sera calculé en fonction des résultats des trois années précédant le transfert. Et la méthode de calcul sera la même pour toutes les collectivités locales. Or, ces collectivités ne sont pas dans la même situation et ne sont pas confrontées aux mêmes problèmes.

Données démographiques différentes

Par exemple, dans les régions et départements métropolitains, on ne doit pas construire un collège tous les 18 mois et trois lycées tous les deux ans. Les communes de l’hexagone ne sont pas soumises aux mêmes contraintes que les communes d’outre-mer. La question de la pression démographique ne se pose pas dans les mêmes termes : si la population française stagne et vieillit, la population d’outre-mer, elle, augmente et reste encore très jeune. Par ailleurs, le taux d’équipement et d’encadrement dans les régions d’outre-mer est inférieur à celui de la moyenne nationale.
Le texte gouvernemental ne prend donc pas en compte la nécessité d’un rattrapage. Il se borne tout simplement à dire que toutes les collectivités doivent être logées à la même enseigne.
"Il serait malvenu de distinguer collectivités ultra-marines et métropolitaines alors que l’unité républicaine doit au contraire conduire à les réunir de manière exemplaire", expliquait tant le rapporteur (Gilles Carrez, député UMP). Analyse partagée par le gouvernement.

Niveau de vie différent

Mais de quelle “unité” parlent-ils ? Peut-on parler "d’unité" lorsque les niveaux de vie moyens diffèrent à ce point ? Que les “ressources” des collectivités locales varient d’un à quarante, comme le souligne un rapport d’une commission sénatoriale chargée de travailler sur la question de la péréquation ?
Autre particularité : le niveau de vie est nettement inférieur outre-mer qu’en France métropolitaine. C’est un fait reconnu par tous, y compris par l’Europe. Mais pas par le gouvernement Raffarin. Ce niveau de vie inférieur entraîne forcément un pouvoir fiscal plus faible.
La “marge de manœuvre” des collectivités locales (Région, Départements, communes, structures intercommunales) est donc réduite. Comment vont-elles faire pour équilibrer leur budget, sans augmenter les impôts, tout en continuer à assumer les responsabilités qui leur sont confiées aujourd’hui, sans compter celles qu’elles auront à prendre en charge demain ?

Le pire est à craindre

Il n’y a pas besoin d’avoir fait des études de gestion ou de comptabilité pour comprendre que cela relève de la mission impossible.
Le refus total du gouvernement de la prise en compte des particularités de l’outre-mer, ce que l’on appelle généralement nos spécificités, est un élément de nature à faire craindre le pire pour les années à venir.
Si les discussions continuent aujourd’hui à l’Assemblée nationale sur les deux derniers articles du projet de loi portant sur l’autonomie financière des collectivités locales, le “moment fort” sera demain mardi, puisque ce sera le moment du vote solennel du texte de loi.

Responsabilité

Certains partis politiques ont d’ores et déjà fait savoir leur opposition totale - ou partielle - au projet gouvernemental : le PCF, le PS, les Verts, mais aussi l’UDF. Quant à l’UMP, elle est divisée. À tel point que Jacques Chirac a dû aller taper du point sur la table, pour exiger de sa majorité parlementaire un soutien sans faille. C’était lors du “pot de départ” de Jacques Barrot, la semaine dernière.
La question est donc de savoir quelle sera l’attitude des trois députés UMP de La Réunion ? Que vont faire Bertho Audifax, René-Paul Victoria, et André Thien Ah Koon ? Vont-ils se ranger aux ordres du gouvernement et du président de la République, en votant pour le texte de loi ? Vont-ils réagir avant tout comme des Réunionnais, comme des élus responsables, et voter contre le texte ? Ou vont-ils opter pour la solution “courage fuyons”, et ne pas prendre part au vote, sans donner procuration ?
Leur position est attendue par tous les Réunionnais.

Dominique Besson


Un danger supplémentaire

La politique Raffarin menace les communes et la coopération intercommunale

Forte inquiétude pour les finances des Etablissements publics de coopération intercommunaux (EPCI)

Les études se suivent et se ressemblent : les EPCI ont le vent en poupe. Cependant la possible suppression de la taxe professionnelle fait planer une inquiétude sur leur pérennité financière.
L’importance des établissements publics de coopération intercommunaux (EPCI) ne cesse de croître, au point qu’ils regroupent aujourd’hui plus de 86% des communes et 82% de la population nationale. À La Réunion, c’est 100% des communes et donc 100% de la population qui bénéficient des avantage de la coopération intercommunale. Une politique initiée au début des années 80 sous l’impulsion de Paul Vergès, président du premier Syndicat intercommunal à vocation multiple de La Réunion (SIVOMR).
Une nouvelle étude de l’Assemblée des communautés de France vient mettre l’accent sur leur puissance financière en révélant que les communautés urbaine et d’agglomérations pèsent près de 13 milliards d’euros, soit 79% du budget global des régions et 31% de celui des départements. Mieux, la situation financière des EPCI est "globalement favorable" du fait d’une "forte capacité de désendettement", au regard des autres collectivités.
Ce constat d’apparence idyllique pourrait être remis en cause, à moyen terme, par une perspective d’"évolution de leurs ressources relativement floue". En effet la prochaine réforme - suppression ? - de la taxe professionnelle, qui représente les trois quarts de leurs ressources, touchera de plein fouet les communautés. Si l’on y ajoute la prochaine révision de la dotation globale de fonctionnement dans le cadre de l’acte II de la décentralisation, ce sont quasiment 90% des ressources des EPIC qui seront reformés à brève échéance. Qu’en pensent nos parlementaires UMP, qui sont également des maires voire président de communauté de communes comme le maire de Saint-Denis ?


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