Social

Loi de cohésion sociale : L’État prescripteur, pas payeur

10 décembre 2004

Le plan Borloo a été adopté en première lecture dans la nuit de lundi à mardi. Il a été examiné avant-hier par une commission mixte paritaire tandis que le Sénat en débattra le 16 décembre, et l’Assemblée nationale le 20 pour une deuxième et dernière lecture. Comme le montre l’article ci-dessous de “Libération”, la question du financement de ce plan reste posée.

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Ce devait être une loi phare, marquant le virage social voulu par Jacques Chirac pour faire oublier la débâcle de la majorité aux régionales. Le 1er avril, le président demandait au gouvernement d’être "plus offensif dans deux domaines : l’emploi et la croissance", ainsi que de "renforcer la justice sociale, passage obligé de toute réflexion".
Et, le 30 juin, Jean-Louis Borloo, ministre de l’Emploi, dévoilait son "plan de cohésion sociale". Huit mois plus tard, que reste-t-il de l’injonction élyséenne dans le projet de loi adopté hier en première lecture à l’Assemblée après deux semaines de débat ? Les groupes PS et PCF ont voté contre, mais les députés UMP et UDF ont approuvé ce texte qui prétend aborder de front l’emploi, le logement et l’égalité des chances, notamment en créant un “contrat d’avenir” ou en réformant l’apprentissage.

Effet de levier

Au fil de son examen par les sénateurs d’abord, par les députés ensuite, ce projet de loi s’est transformé peu à peu en objet législatif composite et tentaculaire. Et il a beaucoup perdu de sa lisibilité après que le gouvernement y ait intégré un long chapitre sur les licenciements économiques, qui abroge une partie de la loi de modernisation sociale votée en décembre 2001 par la gauche.
Bref, il demeure beaucoup de questions sur une loi qui se veut "de programmation" et engage, en principe, 15 milliards d’euros en cinq ans. Borloo prétend même que cette somme sera multipliée par quatre par effet de levier, pour atteindre 60 milliards d’euros d’investissements publics, grâce à la mobilisation des collectivités locales.
Ce chiffre en apparence vertigineux (20 % des dépenses annuelles de l’État !) résulte d’une addition assez surréaliste. Le ministre de l’Emploi et de la Cohésion sociale cumule des crédits d’impôt, des programmes de logements, de la taxe d’apprentissage, des transferts de ressources entre communes riches et pauvres, la construction d’une trentaine d’"internats de la réussite éducative" pour les jeunes en rupture d’école et de 300 maisons de l’emploi pour les chômeurs. Mais, concrètement, les seuls crédits votés sont ceux de son ministère, qui a prévu de consacrer en 2005 un seul milliard à la cohésion sociale : 700 millions de dépenses nouvelles et 300 millions de “redéploiements”.

Pari

Ce n’est pas rien. Mais même si l’effort de l’État est multiplié par deux ou trois en 2006 et 2007 comme prévu, on sera encore loin du compte. Tout repose donc sur un pari : celui de la dynamique de la décentralisation. S’il est perdu, comme les premiers pas de l’“acte II” lancé par Jean-Pierre Raffarin peuvent le laisser craindre, il risque de ne rester de la loi qu’un seul article, celui consacré aux "licenciements économiques".
De cet article 37, qui compte dix sous-articles, on retient surtout qu’il enterre la "jurisprudence Samaritaine", celle qui faisait peser sur les "patrons voyous" la menace d’une condamnation à réintégrer des salariés indûment licenciés, ou à leur verser des indemnités conséquentes. (Article publié dans “Libération” du 8 décembre 2004)


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