Avis du CESR sur le projet de développement économique du gouvernement pour l’Outre-mer

Loi-programme : projet à revoir

24 mai 2008, par Manuel Marchal

Le Conseil Économique et Social de Région (CESR) déplore de nombreuses lacunes dans le projet de loi du gouvernement. De nombreuses mesures sont à revoir dans tous les domaines, estiment les conseillers, dans l’avis adopté hier qui sera transmis à la Région. Les points les plus critiqués du projet gouvernemental lors du débat concernent l’absence de volet social, le logement et la continuité territoriale. Le CESR plaide pour une cohérence « avec un véritable plan de développement économique, social et sociétal pour La Réunion ».

« Ministres ou sous-ministres de passage tentent d’enfumer les Réunionnais », déclare Axel Zettor. Le ton est donné : le projet de loi-programme est loin de convaincre les socioprofessionnels représentés au CESR. Il réalise même l’unanimité contre lui. C’est ce qui ressort des débats et du vote de l’avis hier lors de la séance plénière : un tel texte ne peut pas être appliqué en l’état car, loin d’améliorer la situation, il risque de l’aggraver.
Se pose tout d’abord la question de la cohérence avec les différents projets de développement, souligne l’avis. Il constate « que la question du développement de l’île n’est pas considérée sous l’angle de son intégration régionale ». La visibilité des mesures est également sujette à des interrogations sur deux aspects : les évolutions de la législation et du contexte international.
Depuis plus de 20 ans, les différents gouvernements ont en effet empilé des textes visant à soi-disant favoriser le développement économique de l’Outre-mer : loi-programme, loi d’orientation... Depuis 8 ans, c’est la troisième loi de cet ordre que Paris s’apprête à faire voter. Cette instabilité juridique pose problème.
Par exemple, le texte précédent voté en 2003 devait s’appliquer 15 ans, avec une évaluation tous les 3 ans par une Commission parlementaire. Commencée en 2006, cette évaluation n’a pas été à son terme. Or, le texte présenté est porteur de nombreuses remises en cause qui ne sont pas adaptées au contexte de notre île, comme en témoignent les différentes interventions et un amendement voté hier en séance : le CESR « demande que des lois ou autres textes futurs ne viennent pas remettre en cause les avancées des précédentes lois, et que des textes actuellement en projet, notamment en matière fiscale, ne viennent amputer certaines dispositions du présent projet de loi ».
Sur le contexte international, la CGTR a rendu publique une déclaration dans laquelle elle souhaite que ce projet de loi s’articule avec les échéances concernant spécifiquement notre pays : la signature prochaine des Accords de Partenariat Économique (APE) entre l’Union européenne et les pays voisins, la mise en négociation de la prochaine Organisation Communautaire de Marché (OCM)-Sucre de laquelle dépendra le prix de la canne, la prochaine programmation des fonds européens à partir de 2013.

Aggravation du manque de logements

Autre grief : l’absence de volet social. Tout d’abord, cette nouvelle loi-programme est en effet marquée par l’absence du congé-solidarité, créé en 2000 par une précédente loi d’orientation. La CGTR note que cette absence va coûter 7.000 emplois.
Selon l’orientation du projet de loi, ce sont les exonérations fiscales qui favoriseront le développement de l’activité économique, et donc les créations d’emplois. Mais sur ce point, les interrogations foisonnent. Les crédits seront-ils à la hauteur dans un contexte de restriction des dépenses publiques ? Par ailleurs, le CESR demande l’intégration de deux autres secteurs dans la Zone franche globale d’activités : le petit commerce, sous condition d’engagements de la part des entreprises bénéficiaires en termes d’investissement, de maintien ou de création d’emplois ; et « la prise en compte de l’agriculture ».
Pour le logement, les conseillers demandent que la réorientation de la totalité de la défiscalisation vers le logement social se fasse moins brutalement. Dans un amendement adopté par les conseillers, Jean-Marie Lebourvellec (FRBTP) constate que sur 14.500 logements construits en 2007, 12.500 ont été défiscalisés. La fin de ce dispositif dans le logement libre, intermédiaire et dans l’accession à la propriété fait craindre la disparition de 5.000 emplois dans le BTP. Quant au logement social, le gain ne permettrait pas de répondre aux attentes de la population. Le bénéfice ne serait que de 1.000 logements supplémentaires par an, soit un total de 3.500, alors qu’il faut en construire au moins 4.500. Autrement dit, cette loi risque d’aggraver la pénurie de logements, avec à la clé une montée en flèche des loyers, déplore Joël Mongin.
Le CESR demande également que ce projet contienne « un engagement budgétaire pluri-annuel de la LBU ».

L’Etat face à ses responsabilités

La continuité territoriale est un autre point sur lequel les conseillers sont unanimes pour rappeler que cette question est de la compétence exclusive de l’Etat. Ce dernier ne doit donc pas proposer un marché de dupes aux collectivités, en leur déléguant la gestion du dispositif en échange d’un co-financement à hauteur de 50%. « Que l’Etat gère, c’est sa responsabilité », déclare Georges-Marie Lépinay, « et qu’il paie la collectivité qui s’en occupe car elle dépense des frais de gestion ». Le CESR appelle l’Etat à définir et clarifier le concept de continuité territoriale. Il souligne que « le dispositif ne doit pas se limiter au déplacement des seules personnes ». Et puisque c’est une compétence de l’Etat, « ce dernier doit y mettre tous les moyens nécessaires ». L’exemple de la Corse a d’ailleurs été évoqué dans le débat.
En conclusion, les conseillers de la CGTR se sont abstenus. Par la voix de Georges-Marie Lépinay, la CGTR n’a pas voté pour l’avis, car elle plaide pour transmettre un message : « cette loi ne permet pas des avancées ».
La majorité des conseillers se sont donc prononcés sur un avis qui demande clairement en substance au gouvernement de revoir sa copie.

Manuel Marchal


Où est le social ?

Pas un mot sur le social, c’est ce que reproche notamment la CGTR. Elle déplore en premier lieu que les syndicats aient été totalement écartés de la concertation préalable.
La CGTR demande également que les exonérations fiscales accordées aux entreprises soient conditionnées par des créations d’emplois.
Elle demande par ailleurs qu’une évaluation soit faite sur le nombre d’emplois durables créés par les subventions de l’Etat aux entreprises, des exonérations payées par la population.
Autre regret : l’absence du service public. Etant donné les retards de La Réunion, ce chapitre ne doit pas être négligé.
Quant à Georges-Marie Lépinay, il affirme que « la loi est mauvaise ». Rappelant que La Réunion a connu une succession de lois-programmes qui n’ont pas réussi à sortir le pays de la crise, il constate que « la dernière est pire que les autres ».


Le message de la Guadeloupe à Paris

Maurice Cérisola, Président de La Réunion économique, est intervenu pour évoquer la visite mouvementée du secrétaire d’Etat à l’Outre-mer en Guadeloupe. Il a été accueilli par une lettre ouverte des présidents de la Région, du Département, de l’Association des Maires, des Chambres consulaires, du MEDEF, de la CGPME, du Mouvement des Petites Industries, de l’ordre des architectes, des fédérations professionnelles du Bâtiment, de l’hôtellerie, des bailleurs de logements sociaux et du représentant local de la Confédération du logement et du cadre de vie.
Ces signataires sont unanimes pour écrire à Paris : garder vos 100 millions d’euros, nous gardons la loi Girardin. Car d’après eux, le projet gouvernemental risque de couper l’élan économique actuel de la Guadeloupe et porte en germe le déclin des économies des

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