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« Manifeste pour le droit à l’autodétermination et contre toute solution néocolonialiste »
Il y a 50 ans, le projet d’une autre société
samedi 12 mai 2018
Voici le contenu du texte adopté voici 50 ans par les syndicats, partis politiques, organisations de jeunesse et d’émigrés en France de La Réunion, de la Martinique et de la Guadeloupe.
Les organisations, Partis et personnalités soussignés, après avoir analysé la situation économique et sociale de leurs territoires respectifs déclarent :
Durant les quatre années qui se sont écoulées depuis le Manifeste de décembre 1963, les luttes des peuples de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion ont permis :
- d’une part de dénoncer sans équivoque aux yeux de l’opinion publique française et internationale le régime d’oppression coloniale qui sévit dans les prétendus « départements d’outre-mer ».
- d’autre part de mettre en lumière le fossé existant entre les professions de foi libérales du Gouvernement français à l’égard du « Tiers Monde » et la politique appliquée par ce gouvernement dans les territoires encore soumis à sa tutelle.
On pouvait espérer que, devant l’émotions suscitée par le procès des patriotes guadeloupéens devant la Cour de sûreté de l’État, le Gouvernement prendrait des mesures tendant à modifier l’état des choses dans les « DOM ». Mais le maintien du règne de l’arbitraire, la persistance de la répression démontrent qu’il n’y a aucune volonté véritable de changer les structures coloniales existantes et, partant, aucune volonté de mettre un terme à l’exorbintante pression du « lobby sucrier » lié aux féodalités économiques locales.
Toute réforme politique élaborée sans la participation active des forces anticolonialistes et des masses populaires de ces territoires serait inadéquate et inopérante car suscitée par le « lobby sucrier » qui demeure le principal obstacle à tout progrès politique, économique et social de ces territoires.
Il importe donc que les anticolonialistes, quels que soient aujourd’hui, les différences de leurs options en matière de statut, instruits des expériences malheureuses qui ont suivi le bluff de l’assimilation, fassent preuve de vigilance et dénoncent toute mesure qui ne s’inspirerait pas du droit des peuples guadeloupéens, martiniquais et réunionnais à l’autodétermination, doit constitutionnellement reconnu et déjà appliqué à l’Algérie et à Djibouti et impliquant le libre choix, par le peuple, du statut futur : autonomie, indépendance nationale, fédération, confédération, etc.
Toute solution qui, contrairement au droit à l’Autodétermination, ne donnerait pas aux Guadeloupéens, Martiniquais et Réunionnais dirigeant eux-mêmes leurs propres affaires, la possibilité de mettre en œuvre :
1) un programme de démocratie politique
2) un programme économique comportant au minimum :
- la réforme agraire
- la nationalisation de l’industrie sucrière
- le contrôle absolu des investissements
- la liberté du commerce avec l’étranger
- la négociation d’accords de coopération économique
3) un programme d’amélioration de la condition sociale des masses laborieuses ne saurait être autre chose qu’une solution anti-colonialiste, quelle que puisse être la modification portée éventuellement à la dénomination du statut politique.
Toute concession faite sur l’un de ces points par des responsables politiques locaux serait contraire aux intérêts de nos pays et traduirait une volonté délibérée de maintenir en place le système de domination coloniale.
De toute évidence, le dialogue suppose la fin de l’arbitraire, l’assainissement des mœurs politiques, la garantie des libertés, et l’amnistie de tous les emprisonnés politiques.
Dans l’étape actuelle de notre lutte, ces positions de principe doivent servir de base à l’indispensable unité d’action des forces anticolonialistes guadeloupéennes, martiniquaises et réunionnaises.
Au moment même où le Général de Gaulle, Président de la République Française, de Pnom Penh au Québec, proclame le droit absolu et imprescriptible des peuples à disposer d’eux-mêmes, il n’est pas possible que l’application de ce principe ne s’arrête au bord de nos pays.
Le 6 mai 1968
Les signataires du Manifeste :
Parti progressiste martiniquais (PPM) : Aimé Césaire, président, Rodolphe Désiré, secrétaire général.
Parti communiste martiniquais (PCM) : Armand Nicolas, secrétaire général
Confédération générale des travailleurs martiniquais (CGTM) : Victor Lamon, secrétaire général
Union de la Jeunesse communiste martiniquaise (UJCM) : Edouard Delepine
Parti communiste guadeloupéen (PCG) : Evremond Géne, secréraire général
Groupe Vérité : E. Plumasseaux, Paul Tomiche
Groupe d’organisation nationale de la Guadeloupe (GONG) : Pierre Sainton, Claude Maroux
Parti communiste réunionnais (PCR) : Paul Vergès, secrétaire général
Union des syndicats CGT de La Réunion : Fabien Lanave, secrétaire général
Front de la jeunesse autonomiste de La Réunion (FJAR) : Marius Félicité
Comité de solidarité de La Réunion : Ariste Bolon, président
Union des Femmes de La Réunion (UFR) : Isnelle Amelin
Union générale des travailleurs réunionnais en France (UGTRF) : Gervais Barret, président, Michel Morel, secrétaire général
Regroupement de l’émigration martiniquaise (REM) : Marcel Dormier, secrétaire général, Marcel Manville, secrétaire général adjoint.
Association générale des étudiants martiniquais (AGEM) : Guy Holo, président
La Fédération générale du Travail de Guadeloupe, l’Union de la Jeunesse communiste guadeloupéenne, l’Union des Femmes guadeloupéennes, ont fait savoir que leurs directions ne pouvaient se réunir pour prendre une décision au sujet de ce Manifeste avant la date prévue pour sa publication, mais qu’elles feraient bientôt connaître bientôt leur position, positive, sans nul doute.