Entretien avec la secrétaire nationale du PCF

Marie-George Buffet : À l’écoute des forces progressistes réunionnaises

9 février 2005

À l’occasion de la visite de Marie-George Buffet à La Réunion à partir d’aujourd’hui jusqu’à vendredi avec Michel Duffour, autre dirigeant du PCF, “Témoignages” a interrogé la secrétaire nationale du Parti communiste français. On lira ci-après le texte de cet entretien.

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o Vous êtes venue à La Réunion en l’an 2000 en tant que ministre de la Jeunesse et des Sports. Cinq ans après, vous y revenez, invitée par le Parti communiste réunionnais. Dans quel état d’esprit abordez-vous ce séjour ?

- Je viens pour écouter les forces progressistes réunionnaises et entendre toutes les raisons - et elles sont nombreuses - qui poussent une majorité des habitants et des salariés de l’île à contester la politique de M. Raffarin.
J’ai par ailleurs suivi avec beaucoup d’intérêt les orientations choisies par Paul Vergès et ses camarades lors des élections régionales et européennes. C’est une démarche qui intéresse le PCF.
Nous avons tiré les leçons de notre expérience gouvernementale. Nous savons - pour l’avoir vécu - que toute politique de transformation sociale exige de confier aux citoyens une tout autre place que celle qui jusqu’alors leur fut accordée. Les acteurs sociaux doivent être partie prenante des processus mis en œuvre.
J’attends de ce voyage et de mes rencontres avec le PCR l’expression de convergences fortes entre nos deux formations.

o Selon les informations en votre possession, pensez-vous que la situation réunionnaise s’est beaucoup améliorée au cours de ces cinq dernières années ?

- Si les efforts faits par les élus réunionnais, en particulier à la Région, ont permis de modifier quelque peu certains aspects, la situation globale, selon mes informations, ne s’améliore pas. La politique ultra libérale menée par le gouvernement a des conséquences négatives pour le niveau de vie de chaque Réunionnais.
Et comme nous vivons dans un système où les profits financiers sont la seule règle, tout ce dont l’île a besoin en services publics, en fonctionnaires nombreux et qualifiés, en prise en compte de besoins des populations, est largement sacrifié. Avec une politique aussi inégalitaire, ce sont les régions et les populations les plus démunies qui se trouvent encore plus mal loties.

o Le tsunami qui a secoué de nombreux pays de l’océan Indien a entraîné une prise de conscience des risques que courent les pays les plus pauvres du monde ainsi qu’un vaste mouvement de solidarité. Pensez-vous que l’on peut aller au-delà ? Comment ?

- Il faut aller au-delà. Ce drame a clairement montré au monde que tous les peuples ne sont pas à égalité face aux catastrophes naturelles. Ce sont tous les rapports entre pays développés et pays pauvres qui se trouvent posés.
Le forum social mondial récent de Porto Alegre a rappelé quelques vérités incontournables. La dette des pays du Sud doit être effacée ; une taxe sur les transactions financières à l’échelle mondiale doit voir le jour ; le libre-échange de l’OMC doit faire la place à des règles équitables de commerce.
Mais La Réunion comme tous les départements et territoires français d’Outre-mer seraient gagnants à une prise en compte de leurs spécificités.
Par ailleurs, j’appuie la suggestion du gouvernement français de doter La Réunion des moyens scientifiques pour aider l’ensemble des pays de l’océan Indien à se prémunir contre les risques majeurs dans cette partie de l’hémisphère Sud.

o La France vient de connaître d’importants mouvements sociaux dans le secteur public comme dans le secteur privé. Quelles perspectives cela ouvre-t-il ?

- Le mouvement social du 5 février aura certainement des suites. Il y a une forte colère contre la prétention gouvernementale et celle du MEDEF de revenir sur des acquis sociaux essentiels et d’imposer une cure d’austérité au monde du travail, alors que jamais les profits patronaux n’ont été aussi élevés.
Ce fort mouvement social appelle l’ensemble des forces progressistes à réfléchir au contenu de l’alternative politique. Elle doit être à la hauteur des exigences que porte la crise politique. Il y a débat à gauche sur cet aspect fondamental. Faut-il se plier aux règles du marché, à la loi de l’argent et de la rentabilité financière, et in-fine renoncer à toute transformation de la société ?
Je pense que les salariés, dans leur majorité, expriment le souhait que la gauche sache répondre à ces défis. Il faut pour cela que la politique devienne une priorité populaire. Il faut faire bouger la gauche.
Nous avons entamé la tenue de forums-programme pour mettre en débat les contenus d’une politique répondant aux besoins et aux aspirations. Je sens une dynamique, de l’envie, de l’espoir. Je pense que nous serons très nombreux le 19 novembre prochain pour un grand forum-programme. Nous voulons que tous ceux et celles qui luttent et veulent changer la vie puissent y apporter leur pierre.

o Bientôt les Français seront consultés sur le projet de Constitution européenne. Votre parti appelle à voter “Non pour une autre Europe”. Quelles sont les significations de ce vote ?

- Dire “non” à la Constitution Giscard, c’est dire “oui” à l’Europe, mais certainement pas celle que l’on nous propose avec cette Constitution libérale. “L’Union européenne offre à ses citoyennes et citoyens un marché ouvert où la concurrence est libre et non faussée” : voilà son leitmotiv.
Depuis deux décennies, nous avons vu à l’œuvre cette construction européenne qui casse les services publics, réduit le champ d’intervention de l’État et le champ des solidarités (je pense aux retraites et à la protection sociale), qui encourage à la casse de l’emploi et à la faiblesse des salaires... Sans compter l’inféodation à l’OTAN, la poudre aux yeux en matière de démocratie et de droits de la personne.
Aujourd’hui, on voudrait nous faire graver dans le marbre cette Europe-là. Je pense qu’à gauche il faut dire “non”.
Porter le “non”, c’est d’abord plus de démocratie, mais c’est aussi l’instauration d’une clause de non-régression sociale. L’Europe doit tirer les droits sociaux par le haut, offrir de véritables garanties aux travailleurs. L’Europe que nous voulons doit porter haut les services publics européens, garants de la solidarité et de l’égalité partout et pour tous en Europe. Cela passe par le refus de l’ultra-libéralisme que l’on nous propose, pour tous ensemble construire l’Europe que nous souhaitons.


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