Réflexion

Mgr Gilbert Aubry : « Conférence territoriale élargie »

5 mars 2019

Voici une réflexion de Mgr Gilbert Aubry, évêque de La Réunion, « transmise à Monsieur le Préfet, Monsieur le Président du Conseil Régional, Monsieur le Président du Conseil Départemental », et adressée ce 4 mars aux médias.

Mgr Gilbert Aubry

« La Réunion ? La Réunion nous réunit sur une île qui est un cadeau du ciel donné à tous ceux et a toutes celles qui aujourd’hui veulent vivre ici en communauté de destin. Nous venons de tous les horizons du monde. Nous avons appris à vivre ensemble. Nous avons vaincu le commerce fratricide de personnes humaines et dans nos veines palpite la vie de notre île culturellement métisse, avec les couleurs différentes de notre peau. Ce trésor, il faut en prendre conscience, le préserver, le développer. « Faire peuple » comme on « fait équipe » est le socle de notre citoyenneté.

1946 : départementalisation. Elle a apporté aux femmes et aux hommes de 2019 ce que n’avaient pas, dans l’ensemble, leurs parents et leurs grands-parents : les ressources, le logement, l’accès au savoir, l’école, l’accès aux soins, les assurances sociales, les conditions de voyages, les équipements. A partir des années 1960, une accélération assimilationniste avec la France hexagonale et une boulimie consumériste se sont développées. Mais ce développement sans croissance, et sans croissance humaine, a failli nous faire perdre notre âme.

Un malaise s’est installé. Une majorité de notre population ne se reconnaît pas dans le modèle de société qui a été déployé. On invente une débrouille pour ne pas sombrer, essayer de sauver la face et survivre. Beaucoup se retrouvent sur le bord du chemin. Des injustices persistantes et des inégalités profondes continuent à caractériser différents domaines. Le malaise se manifeste à travers des commandes par les autorités supérieures de « rapports » sur les solutions qu’il faudrait apporter. Les rapports succèdent aux rapports qui restent souvent dans les armoires.

Ce malaise se traduit par des manifestations de rue qui ont provoqué les États Généraux en 2009, les Assises en 2017 et le grand débat en 2018. Les sujets traités dans les rapports et débattus dans le cadre de grands débats sont récurrents. Cela signifie une chose : ils n’ont pas été réglés. Le mouvement des gilets jaunes, sans référent et avec des doléances parfois contradictoires, révèle sans fard ce phénomène. Tout cela nous interroge sur la vision de notre communauté de destin et sur les moyens de sa co-construction par les citoyens que nous sommes. Citoyens que nous devons être au sein de la République. Quel est notre bien commun ? Comment le construire ? Sans exclusion, dans le dialogue, ensemble.

Le Conseil Régional et le Conseil Départemental ne sont pas restés inactifs. En 2016 et 2017 se sont tenues deux Conférences territoriales de l’action publique (CTAP). Mais est-ce que, actuellement, il y a le plan de convergence et de transformation pour La Réunion ? L’élaboration de ce plan est prévue par la Loi de Programmation relative à l’égalité réelle de février 2017. En tout état de cause, il n’y a pas de projet, un « Projet Réunion », défini par des Réunionnais, pour les Réunionnais, en concertation avec l’État.

La Ministre des Outre-mer, le Premier Ministre ont annoncé leur venue dans l’île. La rencontre du Président de la République avec les élus ultramarins, notamment les maires, a montré, de la part du chef de l’État, une volonté de dialogue, une volonté de chercher et de trouver les solutions à travers ce dialogue. A plusieurs reprises, le Président de la République a exprimé sa volonté d’avancer avec les élus locaux : « Chiche Allons-y ! ». Il y a, de sa part, un désir et un souci de trouver du répondant localement.
La Réunion a besoin d’un projet... qui nous projette effectivement vers l’avenir. Le 21 novembre 2018, j’ai posé la question : pourquoi ne pas réunir la Conférence Territoriale de l’Action Publique (CTAP) dans ce but ?

La CTAP est composée des personnes suivantes :
- Président du Conseil Régional
- Président du Conseil Départemental
- Présidents des intercommunalités (EPCI)
- Représentants des différentes Communes réparties par strates communales et élus par leurs collègues
Cette composition pourrait être élargie à d’autres citoyens déjà actifs dans la société civile, des représentants d’associations qui font du terrain et plus spécialement dans l’éducation populaire.

Cela en fait du monde. Ce qui suppose aussi que le processus de mise en route soit une pédagogie opérant des convergences dans le respect des libertés et des responsabilités réciproques. La méthode serait d’articuler vérité et réconciliation. Considérer les urgences, les traiter sur une trajectoire qui vise le long terme pour écrire un « Projet pour La Réunion. »

La loi NOTRé du 27 janvier 2014 et celle du 7 août 2015 renforcent le régime de délégation de compétences et de mise en place des Conférences Territoriales de I’Action Publique (CTAP). Ce serait a l’honneur de nos élus concernés de se mobiliser pour la tenue de cette Conférence. Il y faut préparation, sensibilisation et une animation sans faille qui ne soit pas manipulation.

Il conviendrait d’annoncer déjà sa tenue avant la visite des Ministres ?

J’écris cette réflexion dans l’esprit de la mise en application du principe de subsidiarité, principe si cher a l’Église. J’écris ainsi ma part citoyenne a la construction du bien commun et je l’offre a La Réunion.

4 mars 2019
Monseigneur Gilbert Aubry »

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Messages

  • Une conférence élargie , oui mille fois mais pourquoi faire ?
    Les Réunionnaises , les Réunionnais dans leur grand ensemble souffrent , le disent de temps en temps mais souvent ne le disent pas.La souffrance dans le silence. Comment faisons nous pour tolérer le sort des chômeurs, des nouveaux pauvres , des personnes âgées, des bénéficiaires du RSA des bénéficiaires de l’allocation d’handicapé.
    Comment parvenons-nous à accepter ces conditions de vie de plus en plus inhumaines. Comment pouvons -nous tolérer les conditions faites aux femmes seules avec des enfants souvent victimes de violence.. Oui comment faisons-nous pour tolérer cette vie inhumaine de nos compatriotes.
    Ce silence est-ce la peur de perdre son travail ?
    Est-ce la honte d’en parler ?
    Ce silence est-ce la peur de perdre son statut social ?
    Alors la souffrance devient "pensable" et l’injustice sociale" banalisée"
    L’un des objectifs que cette conférence territoriale doit se donner est : "il faut en finir avec la souffrance humaine.".


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