Petit déjeuner-débat du MEDEF

Mondes économique et politique se parlent

5 juillet 2006

Entre le monde économique et le monde politique réunionnais, une insuffisance de dialogue a été déplorée de part et d’autre. C’est pour parer à cette carence que le MEDEF a invité les Maires à un déjeuner-débat sur les enjeux pour l’aménagement du territoire.

Les documents d’aménagement du territoire à diverses échelles sont en cours, et le MEDEF veut apporter la contribution du monde économique à ces réflexions politiques. Le facteur clé du développement reste la problématique du foncier, selon l’EPFR. À moyen terme, les secteurs de l’industrie et de la logistique ont besoin d’une cinquantaine d’hectares et à plus long terme, il faut dégager entre 500 et 1.000 hectares d’ici 2020. Dans le même temps, le monde agricole souhaite gagner 5.000 hectares supplémentaires pour atteindre une surface de 50.000 hectares, et 9.000 hectares doivent être consacrés à l’habitat.

Démarche citoyenne

Jean Chatel estime qu’une partie des outils se trouve dans le champ politique, notamment la maîtrise du territoire : le chef d’entreprise est un manager d’hommes et de capitaux, il a besoin de résultat pour pérenniser son entreprise et consolider le développement durable, il a besoin de visibilité en termes d’infrastructure, de logistique, de marché local et de ressources humaines. Il s’adresse aux 15 Maires présents avec humour : "après tout, nous sommes des citoyens comme les autres, nous demandons juste un terrain et un permis de construire".

Le monde économique en chiffres

Pour engager la conversation, il présentait un tableau chiffré du monde économique réunionnais qui compte 30.942 entreprises dont 12.817 employeurs, 7.621 exploitants agricoles et 10.126 artisans. Ensemble, ils emploient 205.635 personnes et génèrent un chiffre d’affaires de 10 milliards d’euros (65% privé et 35% public). Le tertiaire représente 76% de l’activité économique, le secondaire 21% et le primaire 3%. Giraud Payet, Président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat, a insisté sur le potentiel de développement de son secteur, faisant de nouveau du pied aux organismes bancaires et demandant aux Maires de tenir compte des besoins des petites entreprises.
Selon l’Agorah, la surface économique réunionnaise est de 800 hectares commercialisés, 600 hectares sont réellement occupés par une activité, 77 sont consacrés à des projets, 86 hectares restent en friche et 37 hectares sont en réalité des surfaces de parking ou des habitations. En donnant ces 2 derniers chiffres, le MEDEF entend balayer devant sa porte en entamant la reconquête du territoire économique.

Quand les terrains dorment

Jean-François Moser apporte des informations complémentaires. Actuellement, il n’y a que 5,5 hectares de zone d’activités disponible, contre 23 hectares en 2003 et 80 en 1995. Pour un terrain disponible, il y a entre 5 et 10 demandes. "Les terrains partent vite et dorment longtemps", ajoute-t-il en pointant du doigt une logique de spéculation qu’il condamne.
Face à cette capacité réduite, le MEDEF ouvre plusieurs pistes de réflexion comme la location des terrains aménagés plutôt que leur cession, ou le développement de formules clé en mains.

Pistes de réflexion

Les opportunités d’investissement dans la zone existent, et La Réunion doit pouvoir répondre à la demande locale. Sur 10 ans, 30 hectares de zone d’activités sont mis en œuvre par an. Les espaces économiques en friche pourraient faire l’objet de saisie comme dans le monde agricole.
En tout cas, il faut trouver des solutions et travailler ensemble à un projet Réunion. Faut-il aller vers une spécialisation des territoires ? Mieux penser la complémentarité entre communes ? Adapter la fiscalité ? Développer la défiscalisation ?
Les 2 principales questions posées aux 15 Maires présents étaient les suivantes : Quelles sont vos critères de décision ? Quelles sont vos attentes vis-à-vis du monde économique ?

Francky Lauret


Réactions de Maires

o Pierre Heidegger, Maire de Trois-Bassins :
Solitude de l’élu

Pierre Heidegger a souligné la solitude de l’élu face à des sollicitations de porteurs de projets économiques dont les Maires ont souvent du mal à évaluer la pertinence ou l’impertinence.

o Bruno Mamady-Panjani, Maire de Sainte-Rose :
Articuler les documents d’aménagement

Bruno Mamady-Panjani rappelle que si sa commune s’étend sur 18.000 hectares, 14.000 hectares sont en zone naturelle sensible. Il enregistre un taux de chômage de 50% et déplore l’absence de projet économique : "On parle de développement touristique, mais est-ce que le monde économique a donné son avis ? L’homme politique est bien souvent dans l’affichage. Comment travailler ensemble ? Comment articuler PLU, SCOT et SAR ? Je souhaite un rééquilibre du territoire, y compris de Sainte-Rose dans l’Est".

o Hugues Salvan, Maire de Saint-Phillipe : Créer des quais de débarquement

"On parle du déséquilibre des territoires comme d’une fatalité. Tant qu’on aura pas compris que seuls des quais de débarquements dans le Sud et dans l’Est pourraient permettre la création de zone d’activités, d’emplois, tout en désengorgeant les routes, le déséquilibre perdurera".

o Daniel Gonthier, Maire de Bras-Panon : Des spécialités par territoire

Selon Daniel Gonthier, "certes il y a un besoin foncier, mais si on continue de favoriser le triangle d’or Saint-Denis, Sainte-Marie, Le Port, La Possession, Saint-Paul, on détruira La Réunion de demain. Le Schéma Départemental d’Aménagement pour un Développement Durable, fruit d’une année de réflexion, opte pour une spécialisation des territoires. Il est nécessaire de diversifier nos zones industrielles, de repenser l’aménagement industriel. Il faut tout autant croiser ces réflexions avec les problématiques de la formation et de l’emploi. Nous avons besoin de projets concrets. À Bras-Panon, nous nous spécialisons dans l’agroalimentaire".

o Raymond Lauret, Premier adjoint au Maire du Port : Penser aménagement et insertion

Raymond Lauret précise que sur 1.600 hectares, 2/3 sont déjà consacrés au monde économique et que par contre, la ville du Port a accumulé un retard au niveau des habitations. Il appuie les orientations qui favoriseraient la location des terrains aménagés plutôt que la cession, ainsi que les formules clés en mains. Il attire l’attention du monde économique sur d’autres pistes : la prévision des formations, la problématique de l’eau, celle de l’énergie et celle du transport en incitant les chefs d’entreprise à récompenser leurs salariés qui viendraient travailler en vélo. Pour lui, il faut penser en même temps aménagement du territoire et insertion.

o Jean-Claude Lacouture, Maire de l’Étang-Salé : Le privé peut 10 fois plus que la Mairie

Pour Jean-Claude Lacouture, il faut que l’élu soit là pour favoriser l’initiative privée : "le privé est capable de faire 10 fois plus vite et 10 fois mieux que la Mairie", c’est pourquoi il adopte une position forte pour faciliter l’implantation des entreprises : "il ne sert à rien de faire des zones immenses, il faut répondre à chaque demande". Il déplore par ailleurs le gel administratif des espaces à cause de précautions liées, par exemple, aux zones inondables.

o Cyrille Hamilcaro, Maire de Saint-Louis : Des dizaines d’hectares à Saint-Louis

Cyrille Hamilcaro donne raison au monde économique de mettre la pression sur les élus, et donne le contre-exemple d’une entreprise qui dispose de 21 hectares sur sa commune et qui souhaiterait qu’il la reclasse pour qu’elle puisse faire de l’immobilier. Il ajoute avoir inscrit à son Plan Local d’Urbanisation entre 40 et 50 hectares disponibles dès maintenant pour les entreprises et a lancé un appel à l’assemblée : "l’objectif du Maire n’est pas de faire de la rentrée fiscale, mais d’attirer l’activité, l’emploi, le dynamisme économique".

o Alain Bénard, Maire de Saint-Paul : Faire des choix, même difficiles

Selon Alain Bénard, "La Réunion doit faire des choix. Ces choix ne sont pas compatibles avec la volonté de faire plaisir à tout le monde. Il faut trancher".

o Jean-Louis Lagourgue, Maire de Sainte-Marie : Plus aucun espace à Sainte-Marie

Jean-Louis Lagourgue a été très concis lui aussi et pour cause : "Nous avons beaucoup de demandes, mais nous n’avons pas de terrains, pas même de terrains en friche. Voilà le constat, la commune est complètement saturée".

o René-Paul Victoria, Député-maire de Saint-Denis : Initiative encouragée

René-Paul Victoria a parlé assez longuement, mais il est resté très évasif, encourageant les démarches et portant de ses vœux le développement de la communication entre monde économique et politique pour une vision économique partagée de La Réunion.


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