Des inquiétudes à La Réunion
Ne rien oublier dans la future Loi-programme
29 août 2007, par
Les zones franches globales d’activités ciblant des secteurs différents selon chaque territoire et la réorientation de la défiscalisation vers le logement social sont présentées comme les mesures-phares de la prochaine Loi-programme du gouvernement pour l’Outre-mer. Mais d’ores et déjà, des voix se font entendre pour explorer d’autres pistes. Elles expriment la volonté que la future Loi-programme ne se limite pas à une remise à niveau des dispositifs existants par le biais d’un simple redéploiement de crédits.
L’agro-nutrition en milieu tropical, les énergies renouvelables et le tourisme seront, selon les informations qui ont déjà filtré, les secteurs économiques réunionnais éligibles aux déductions fiscales prévues par les zones franches globales d’activités. Ces annonces ont fait réagir à La Réunion. Lors d’une conférence de presse, la FEDACTION, organisation syndicale regroupant des Très Petites Entreprises (TPE), craint que ce choix ne remette en cause les exonérations dont bénéficient les artisans. Quant à la Chambre d’Agriculture, elle ne manquera pas aujourd’hui de souligner l’intérêt d’inclure également les entreprises de production agricole dans les secteurs éligibles.
Selon la FEDACTION, les TPE représentent 80% du tissu économique. Et l’organisation pense que ces entreprises vont voir remettre en cause les exonérations qu’elles ont acquises depuis l’entrée en vigueur de la Loi d’orientation et de la Loi-programme.
« Dans un contexte où chaque euro dépensé doit avoir prouvé son efficacité », Nicolas Sarkozy avait, le 13 juillet dernier, plaidé pour « la rationalisation de dispositifs existants, lorsqu’ils n’ont pas démontré leur efficacité économique ». La veille, lors de la convention de l’UMP, le chef de l’État avait souligné que « le temps des promesses qui se limitent à préconiser le quadruplement de tel ou tel fonds est révolu (...). L’élargissement récent de l’Union Européenne à des pays émergents affaiblit la position relative de l’Outre-mer dans la construction européenne. Dans ce contexte, auquel s’ajoutent les contraintes budgétaires nationales, le volume des aides directes est, de toute façon, destiné à se réduire. Il faut donc accompagner cette tendance par une approche plus responsable du développement de l’Outre-mer » (1). Ce qui faisait dire à l’auteur de la lettre de lecteur de laquelle est extraite cette déclaration que « l’introduction de nouveaux dispositifs se fera, financièrement, au détriment d’autres. Lesquels ? ».
Le Président de la FEDACTION, Ibrahim Patel, a indiqué que les mesures de la Loi d’orientation et de la Loi-programme actuellement en vigueur ont permis le maintien et la création de nombreux emplois. L’absence de l’artisanat des secteurs éligibles fait donc craindre que le financement des zones franches globales d’activités se ferait à ses dépens.
La crise du logement
L’autre aspect concerne la défiscalisation. Tirant les enseignements de l’expérience, le gouvernement souhaite réorienter ce flux au bénéfice du logement social. Cette disposition pourra certainement donner davantage de moyens à la construction sociale, mais elle est loin d’être la solution à la crise.
Le retard pris à La Réunion est déjà considérable. Il se manifeste par les plus de 25.000 familles ayants-droits sur liste d’attente, et la persistance dans notre île de dizaines de milliers de bidonvilles, plus de 60 ans après l’abolition du statut colonial.
Parmi les obstacles à la construction de logements sociaux, figure en bonne place l’absence de foncier, et notamment de foncier aménagé. Cela signifie que d’importants moyens doivent être dégagés pour que les collectivités locales puissent acquérir ces terrains. Or, chacun peut constater l’inflation continue du foncier. Dans toute l’île, les prix atteignent des sommets tandis que la perspective du million d’habitants se rapproche. L’heure est à un effort massif et prolongé pour sortir de la crise. Comparativement, la réorientation de la défiscalisation, si elle peut paraître intéressante, ne pourra pas à elle seule résoudre le problème. Lors de la Semaine du Logement en avril 2003, les différents partenaires avaient publié toute une série de propositions, en particulier dans le financement de l’aménagement. Quatre ans plus tard, elles sont toujours d’actualité.
Les inquiétudes de secteurs économiques entiers et la crise du logement attendent une autre réponse qu’une simple remise à niveau des dispositifs existants à travers une réorientation des crédits à volume constant. Gageons que le texte qui sera débattu au Parlement prendra en considération ces aspects spécifiques de la réalité réunionnaise afin que la future Loi-programme puisse contribuer à être un des leviers du développement du pays.